28 février 2009

Alunissage les deux pieds dans le gratin (dauphinois)

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Carnets de voyage .

J’avais plusieurs idées de titre pour cette chronique : ça allait de « petits potins de fin de semaine » à « le réseau Al Quordéonista, un danger méconnu », en passant par « On n’est pas mal dans ses pantoufles »… Et puis non c’est le gratin qui a gagné. Les oracles en ont décidé : c’est ainsi que s’appellera cette chronique de fin de voyage, retour au pays et tout le tralala, un peu fourre-tout comme il se doit. J’ai pris en tout cas une résolution au Québec : je n’emploierai plus les termes « week-end » et « mail » ; je les remplace définitivement par « fin de semaine » et « courriel ». De cette façon, les amis québécois auront deux bonnes raisons de moins de se moquer des Français de France qui parlent l’Anglais d’Angleterre. Je revendique bien le « parler dauphinois », mais pour être honnête, à part quelques mots disparates, je ne le connais guère. En tout cas, pour un bon voyage, ce fut un bon voyage : chaleureux (le comble !) au niveau des rencontres, enrichissant, culturel, nourrissant… avec quelques petites anecdotes à rapporter pour alimenter les chroniques… Parfait ! Bon c’est vrai que l’hiver c’est l’hiver et que de l’autre côté, eh bien quand il fait frette, il fait vraiment frette et c’est pas pour les fillettes, ni pour les garçonnets (je voudrais pas être taxé de sexisme). Mais je me suis suffisamment épanché là-dessus et je ne vais pas en repasser une couche, d’autant que le beurre, si on veut qu’il s’étale bien sur les tartines, il vaut mieux qu’il soit mollasson, donc un peu tiède.

accordeon-explosif Des qui le sont pas, mollassons, ce sont les services de sécurité canadiens à l’aéroport de Montréal. Là, on sent que le voisin étatsunien n’est pas loin, là-bas, en bas, au Sud, et que son influence néfaste se fait nettement ressentir. Les contrôleurs de bagages de Roissy Charles de Gaulle ont encore des leçons à recevoir en matière d’hystérie sécuritaire… Je vous avais conté mes ennuis au voyage aller, parce que j’avais eu la triste idée d’emporter mon accordéon diatonique comme bagage de cabine (cf « Délocalisation, philosophie et petits plaisirs« ). Vouloir le rapporter avec moi, dans les mêmes conditions, ce n’était plus une idée triste, c’était une idée désastreuse, qui m’a coûté un bon quart d’heure de mon temps au moment de l’embarquement. Les policiers canadiens ont bien cru qu’ils avaient réussi à attraper le chef d’une nouvelle mouvance terroriste : « le réseau Al Quordéonista ». V’la t’y pas que ce crétin d’instrument en noyer que j’adore s’est permis de faire sonner toutes les alarmes possibles et imaginables au moment du contrôle. Il a fallu lancer la procédure d’alerte 33bis améliorée 34ter. La charmante responsable de la sécurité m’a demandé de bien vouloir me mettre de côté et m’a expliqué que, « des traces de substances explosives ayant été détectées sur mon instrument, il allait falloir procéder à quelques vérifications supplémentaires ». J’ai donc eu droit à une inspection détaillée du boîtier, puis de la bombinette elle même, une analyse en règle avec prélèvements sur le missile ainsi que sur ma fiche d’embarquement – lesquels prélèvements, après manipulations, ont été rangés dans une enveloppe scellée… La partie de plaisir a continué par une fouille en règle de ma personne (le monsieur était charmant mais lorsqu’il m’a demandé s’il pouvait me palper les cheveux j’ai pris l’air totalement ahuri…). Je ne vous parle pas de la vérification de mes chaussures et de l’intérieur de mes chaussettes ; c’était sans doute indispensable mais l’odeur n’était pas vraiment explosive… Un rapport a été rédigé et le chef de service est venu le chercher… Il a fallu préciser l’heure de début et de fin de la « procédure d’alerte »… Je commençais à être de mauvaise humeur et j’ai eu la malencontreuse idée de dire que l’engin avait déjà été vérifié à Roissy et qu’il n’avait pas explosé au vol aller… La brave dame m’a alors expliqué, sur un ton légèrement ironique, que, « les Français ne disposaient pas du matériel ad’hoc, qu’ils étaient un peu rapides dans leurs procédures et que ça ne l’étonnait pas ».

rue-montreal J’allais oublier le questionnaire, un modèle du genre… Non je ne prenais pas de médicaments particuliers… Non je ne manipulais pas d’explosifs et je n’en avais jamais manipulé, c’est rare dans une carrière d’enseignant. Non, aucune autre personne n’avait pu se servir de mon engin de destruction massive pendant mon séjour au Québec. Oui c’était un accordéon que j’avais acheté d’occasion quelques mois auparavant. « Peut-être le propriétaire précédent… » a-t-elle pensé à voix haute. Mon air totalement accablé l’a sans doute convaincue que je ne présentais pas un danger véritable et elle m’a alors suggéré de nettoyer l’ensemble avec de l’alcool pour éliminer les traces de produits chimiques… J’ai pu quitter la zone de sécurité pour me diriger vers l’embarquement, mais je vous avoue que j’étais fort en colère contre cette hystérie sécuritaire qui fait que l’on vous demande votre passeport une dizaine de fois et que l’on ne peut plus transporter de dentifrice sans passer pour un émule de Ben Laden. Pour cette raison, j’avais décidé que je ne mettrai jamais les pieds aux USA. Je n’élargis pas encore cette mesure au Canada, car ce pays a, heureusement, bien d’autres attraits à mes yeux. Ce qui est clair, c’est que c’est la dernière fois que j’emmène Léon avec moi en avion. La prochaine fois, il restera à la maison, ça lui fera les pieds, non, pardon, les soufflets !

Pour être objectif, je dois dire que tout ne fonctionne pas de cette façon au Canada et que la présence policière y est nettement moins lourde qu’en France. Les quelques flics que nous avons pu voir dans le métro avaient même une tenue assez marrante : veste d’uniforme plutôt stricte et pantalons de treillis plutôt bigarrés allant du jaune fluo à l’orange en passant par le vert pomme. Renseignements pris, il paraît que la police de Montréal témoigne de son mécontentement de cette façon là… Nous avons aussi discuté immigration avec un chauffeur de taxi « latinos » et avec une journaliste française, qui, par pur hasard, a fait le voyage aux mêmes dates que nous. L’accueil des immigrants est une longue tradition au Canada, et fonctionne avec une sacré dose d’hypocrisie et de méfiance en moins qu’en France. La ville de Montréal se vante de regrouper plus de quatre-vingt nationalités différentes. En ce qui concerne le travail, on ne juge pas les gens sur leur mine ou sur leur patronyme mais selon leurs compétences. Les barrières sociales ne sont pas aussi infranchissables qu’en France. Notre journaliste est d’origine tunisienne et galère pour trouver du travail dans la région lyonnaise. Rien que le fait d’avoir un entretien avec un responsable d’embauche relève du parcours du combattant si l’on ne dispose pas du réseau de contacts nécessaires. Un nom à consonance maghrébine ne vient pas arranger la situation. En trois semaines au Québec, elle a pu avoir un rendez-vous avec le patron de radio Canada et un certain nombre d’autres responsables de médias. Du coup elle se pose de sérieuses questions quant à son avenir professionnel… en France. Certes l’hiver est plus doux, mais quel intérêt d’être ici, dans un pays qui ne juge que sur les apparences, assimile les jeunes nés en France à la nationalité de leurs parents et prétend vous intégrer (alors que vous n’avez pas à l’être puisque vous êtes citoyen français) en pensant très fort que les « étrangers » mangent votre pain et assassinent vos petits vieux…

img_8526 Trêve de philosophie pour terminer sur une note de musique. Nous avons rapporté dans nos bagages un très beau CD de la chanteuse Claire Pelletier. Merci à l’amie Brigitte qui nous a fait découvrir cette artiste québecoise, née dans le comté de Kamouraska. Elle chante les légendes de son pays et d’ailleurs avec une voix bien timbrée et des accompagnements musicaux qui ne sont pas sans rappeler Loreena Mac Kennit, mais avec une forte touche personnelle. Elle a déjà édité plusieurs CD. Nous en avons écouté de larges extraits pendant que nous rentrions de l’Estrie sur Montréal. Il y a beaucoup de chansons que j’aime bien, de sa version de « la belle est au jardin d’amour » à « Kabir Kouba », dédiée au peuple Wendat (Hurons) et à la rivière qui serpentait sur leur territoire. Je n’ai pas eu le temps de tout réécouter. Je vous en reparlerai sans doute, mais je ne promets rien ! Depuis notre retour en France il a fallu nous replonger dans le train train quotidien, et mettre les mains dans le gratin (dauphinois). La chose n’est pas simple : plus on est vieux, je trouve, plus on a du mal à encaisser le décalage horaire… Mars est là demain : il faut finir de rentrer le bois (au cas où l’hiver prochain soit très rude, il en faut beaucoup !), planter, semer, nettoyer… Et bien sûr, ne pas oublier le blog, les copains et les services à rendre à droite et à gauche (euh, en fait, je ne rends des services qu’à gauche, vous comprenez, c’est l’expression qui m’oblige à employer le terme « à droite »). Comme le disait mon incontournable mémé : « mars au jardin, radis en avril et salades en mai ! » En tout cas, merci à tous ceux qui se sont décarcassés pour que ce séjour soit une réussite, ils ont atteint leur but !

lac-megantic

5 Comments so far...

Lavande Says:

28 février 2009 at 17:28.

Ça alors, pour une belle neige, c’est une belle neige et une belle photo: on en a pour son argent cette fois! C’est une façon de parler bien sûr, pas une incitation à ouvrir une souscription pour financer le voyage d’automne.

Paul Says:

28 février 2009 at 18:09.

Ciel je suis fait comme un rat… Non c’est juste pour financer la fabrication du calendrier qui financera la fabrication du livre qui financera le voyage d’automne !

fred Says:

2 mars 2009 at 10:31.

Pour faire aussi plaisir à FIFI, je te conseille ô grand ZIHOU, de te pencher sur d’autres styles musicaux, comme celui ci par exemple : http://www.youtube.com/watch?v=PhmNFj2fTrs

Camille Says:

30 mars 2009 at 23:47.

http://tunisie-harakati.mylivepage.com

Des magnifiques photos, un bel article. Je ne savais pas que la bière était nourrissante, de l’humour publicitaire. Et si nous allions faire un tour maintenant dans le monde de madame Sameh Harakati, son histoire fait mal au coeur, elle se déroule de nos jours en Tunisie. Vous pouvez en faire un super reportage, elle en a bien besoins pour retrouver sa liberté.

Paul Says:

31 mars 2009 at 13:07.

Pourriez-vous apporter quelques précisions à votre commentaire ? Merci d’avance.

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