5 mai 2009
Petits pois, pivoines, lilas et autres plaisirs champêtres
Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Feuilles vertes .
Je n’ai pas trop le cœur à vous parler d’autre chose que ce qui me préoccupe en ce moment du petit matin jusqu’au soir (j’ai failli dire grand soir, un lapsus), à savoir le démarrage fulgurant du jardin. Depuis que j’ai rédigé cette chronique désabusée que j’avais intitulée « mettre les petits piépiés dans les potis plaplas« , en mars dernier, j’avoue avoir toujours autant de mal à réagir à l’actualité tant elle me déprime. J’avais commencé mon texte par cette déclaration péremptoire : « La politique m’emmerde de plus en plus, je l’avoue franchement et l’économie du pareil au même… » Je m’aperçois que quelques semaines plus tard ma position n’a pas évolué. Je viens de passer près de quinze jours sans allumer mon téléviseur ; ce n’était pas une position de principe, juste le manque de temps. Du coup, mes poussées d’adrénaline ont été sacrément moins nombreuses, et je traverse, serein et distant, les épidémies porcino-mexicaines, les débats stériles de nos syndicats sur les lendemains à donner aux menaces de la veille, et les soubresauts de l’immobilier US. Pire même, j’avais rédigé une chronique complète hier sur le lent glissement de notre démocratie vers un régime de plus en plus nauséabond. Les exemples pour étayer ma démonstration ne manquaient pas : il suffit de « surfer » sur les sites d’infos alternatives en ce moment et, à moins d’avoir les neurones complètement englués dans la purée, il y a sacrément moyen de prendre peur. Deux heures de travail effacées d’un « clic » rageur : à quoi bon témoigner encore, ressasser, alerter… D’autres le font déjà si bien et moi je n’ai envie que de parler des senteurs du lilas en ce moment et de mes pommes de terre qui pointent leurs petites pousses vertes…
Ce ne sont pas les idées qui manquent pour les chroniques à venir : une dizaine de pistes à explorer au moins, dans des domaines variés, historiques, botaniques, culturels… Je me replonge dans l’histoire du mouvement ouvrier, dans la biographie de personnes peu connues, dans les récits d’événements qui se sont produits en marge de l’histoire officielle. Bref, quand je ne suis pas en train de bêcher, de piocher et d’arroser, je creuse dans le passé : je donne dans l’archéologie des idées. Dans le cadre d’une liste de diffusion à laquelle je suis abonné, j’ai reçu hier un message contenant une phrase qui m’a beaucoup plu : « A une époque où les flash d’informations balaient notre mémoire collective, tandis que nous zappons désespérément à la recherche de la dernière nouvelle, ou de la plus importante, il fait bon quitter ces éclairs intempestifs pour s’abriter dans un monde intérieur. N’est-ce pas celui de la fraternité avec ceux qui, jadis, se sont battus pour que la vie soit plus humaine pour leurs enfants ? » Je crois que cette citation éclaire parfaitement mon état d’esprit actuel : j’ai envie de ronronner un peu, de façon très égoïste dans mon petit univers de préoccupations quotidiennes. Le message que j’ai reçu était rédigé par Ronald Creagh, un universitaire Montpélliérain, et avait trait à l’édition d’un très beau livre sur la Commune de Narbonne aux éditions L’Harmattan. Son titre exact c’est « Mais il reviendra le temps des cerises » et l’auteur s’appelle Edmond Cros. D’autres villes de France ont été marquées par le printemps communard parisien en 1871. Certains soulèvements populaires de province sont relativement connus, d’autres ont sombré dans l’oubli. Et puis, « le temps des cerises » ça me ramène au jardin et c’est ça l’essentiel !
Je jardine « écolo », sans doute pas 100 % bio, mais au moins 90,116 %. Il y a belle lurette que mon potager « de base » n’a vu ni engrais chimiques, ni herbicides, ni insecticides… Je n’aime pas ces trucs en « cides » d’ailleurs : ils me font trop penser à « liberticides ». Le seul produit que j’emploierai bien, si j’en avais le temps et l’occasion, c’est, à la rigueur, un « papicide » ou un « crétinismicide ». Si je précise « potager de base » c’est que depuis 2001 nos possessions immobilières et ma folie des grandeurs ont connu une sérieuse extension. Grâce à un habile échange de terres, type « remembrement intelligent », nous avons accru notre territoire de quelques milliers de mètres carrés supplémentaires. La terre adjacente à la nôtre n’avait pas été pareillement « bichonnée » par son ancien propriétaire : trente années d’assolement triennal « maïs-maïs-maïs » c’est un peu moins écolo, surtout quand on connaît la nature des désherbants utilisés, ainsi que celle des divers traitements généreusement épandus pendant la culture. Pas question d’aller planter des carottes dans un contexte pareil. Au début, je me disais même que ce serait miracle si l’on pouvait faire pousser quelque chose. Mes craintes ont été vaines et peu à peu, une jolie prairie fleurie, de beaux arbres et de jolis arbustes se sont installés. Bien entendu « dame Nature » n’a pas fait ce travail toute seule : nous l’avons quelque peu aidée. Je n’ai jamais compté le nombre de trous creusés dans ce terrain, le nombre de sacs de terreau employés, les passages de tondeuse, les coups de sécateur, le montant de nos cotisations aux œuvres des pépiniéristes…. Mais le projet d’un parc d’agrément, l’idée d’un arboretum sans prétention aucune, prennent forme peu à peu. Je fais tout cela comme j’ai toujours fait beaucoup de choses : avec passion, mais sans que l’activité devienne une obsession. J’ai trop d’idées à exploiter pour me permettre d’aller à fond dans un domaine quelconque. Tout cela représente un emploi du temps un peu délirant, mais l’essentiel c’est la récompense qui se trouve au bout du chemin. Je ne vous ferai sans doute pas le coup chaque année d’une chronique reportage du style « le jardin en mai », « le parc en juin », « l’été dans la verdure »… Mais il est évident que, puisque le sujet est au cœur de mes préoccupations, vous aurez droit plus souvent à des photos de pivoines ou de weigélias en fleurs, qu’à la trombine des Sinistres qui nous empoisonnent la vie.
Au mois de mai, il faudrait que le jardinier ait quatre bras au moins et que les journées durent 48 h, tant sont nombreuses les activités à conduire et les splendeurs à admirer. Pour l’instant, je ne connais pas de plus grand plaisir, après avoir sué et soufflé pendant deux heures sur le désherbage d’une rocaille, que d’aller boire un grand verre d’eau (de source), puis de revenir, un instant après, admirer le labeur effectué. J’aime prendre du recul par rapport à mon travail et passer un moment à l’admirer. J’avais déjà évoqué cette sensation dans un article récent et je n’en connais pas vraiment la raison. J’apprécie le fait de distinguer le moment où je « produis » et celui où je « contemple ». Ma démarche est parallèle en ce qui concerne le jardinage, le bricolage et l’écriture. Je plante, je pioche, je désherbe, ça pousse et je reviens. J’écris, je réécris, je corrige, je laisse de côté puis je reviens lire quelques temps plus tard en me demandant qui a bien pu écrire un truc pareil. Au jardin aussi, ça doit être la sensation que c’est quelqu’un d’autre qui a fait le travail : un fada qui n’a pas trop mal œuvré… La relation entre l’ouvrage et l’ouvrier ne vient qu’après, en général au moment où je ressens une douleur singulière au bas du dos. N’ayant pas de formation botanique ou paysagère, je procède par tâtonnements. Je gomme les échecs et du coup ne restent plus que les réussites. La chance est parfois généreuse avec les entreprenants ! Que signifie le terme « gommer » au jardin ? Eh bien par exemple planter des annuelles dans un massif une première fois, avant les vivaces, ou changer de place certains végétaux lorsqu’ils ne sont pas au bon endroit. L’erreur est formatrice, dans le domaine agricole comme ailleurs ! Le hasard donne parfois des résultats surprenants et permet des réussites peu communes (du moins dans les magazines de jardinage). Un temps heurté par la présence, côte à côte, du rouge des lilas à côté de celui des feuilles de photynias, je me suis dit qu’après tout, avec le blanc des deutzias un peu plus loin, ça ne passait pas si mal que ça (je précise, pour le cas où le contenu du blog serait surveillé, qu’il s’agit là d’une phrase en langage codé).
Ecologie oblige, il a fallu que je passe de la tolérance zéro qui habite l’esprit de tout jardinier « classique » à l’égard des créatures dites autrefois « nuisibles » à un quota de tolérance. Question vocabulaire d’abord, comme je suis bien élevé, je n’emploie plus le terme « nuisible » qu’entre guillemets. Pour ménager mes lecteurs amis des bêtes, je lui préfère celui de « animal dont la présence peut parfois devenir encombrante, voire même gênante ». Il m’a fallu faire de gros efforts car j’avoue que « les créatures agaçantes » qui ont entrepris de casser l’alignement de mes côtes de blettes ainsi que celui de mes pommes de terre… de même que « la créature tant utile pour la biodiversité » qui a décidé de s’approprier la moitié de mes plants de rhubarbe, donc la moitié des tartes et des compotes… eh bien voyez-vous, ces « maillons indispensables dans la chaîne alimentaire », je leur souhaite de faire connaissance rapidement avec Ernestine la couleuvre, Margot la buse ou Gaston le renard. Il est grand temps que le « maillon supérieur » fasse son boulot dans la chaîne avant que je ne sorte totalement de mes gonds, attitude qui ne convient pas à un jardinier qui tient à rester tranquillement à méditer dans son monde intérieur harmonieux. J’ai appliqué pas à pas les recommandations de la bible. Il fallait un tas de bois mort pour les hérissons : il figure en bonne place dans un coin du potager. Il fallait des fleurs sauvages pour attirer papillons, insectes et donc insectivores : je passe un temps infini à tondre en respectant les plus belles touffes de labiées et autres marguerites. Il fallait des haies pour que s’installent ou se réfugient renards, couleuvres et autres « serial killers » de rongeurs. J’ai conservé celles qui existaient et j’en ai planté d’autres. Je suis poli avec les buses, les milans, les éperviers, les blaireaux, les agents de l’ONF et j’ai été abonné pendant des années à « La Hulotte »… Je vous en supplie messieurs les gardiens de la biodiversité, mesdames les déesses de Gaïa, faites quelque chose contre ces maudits chenapans de rats et autres souris. Si ma récolte de pommes de terre est bonne, je voterai comme il faut aux européennes. Je ne prends pas trop de risques en prenant un engagement pareil, puisque je récolte les pommes de terre en juillet, mais ça vous n’êtes pas obligés de le répéter. Maudits lecteurs !
6 Comments so far...
fred Says:
5 mai 2009 at 14:15.
moi aussi je suis poli avec les blaireaux ! Mais avec moins de résultats positifs que toi ô grand ZIHOU ! Mais je me réjouis de te voir à fond dans le trip « Il faut cultiver son jardin ». Faudrait que je m’y mette aussi … ma jungle d’orties et de pissenlits commence à me valoir quelques regards assassins de la part de mes voisins …
Le comité de défense des pivoines Says:
5 mai 2009 at 19:12.
Et les pivoines ? Les lilas sont en photo, mais les pivoines ?
julio Says:
6 mai 2009 at 06:22.
moi aussi j’aime le jardin !
Paul Says:
6 mai 2009 at 06:46.
Amis du comité de défense des pivoines, j’ai parfaitement compris votre légitime revendication. Je charge dès à présent les services techniques de la « feuille charbinoise » d’étudier une possibilité de réponse qui soit compatible avec la ligne directrice imposée par le comité central. Le problème c’est que la pivoine arbustive, la première qui ait fleuri, est de couleur jaune et que ce n’est pas compatible avec un texte hautement revendicatif. Néanmoins, la grosse multitude de pivoines rouges devraient ouvrir leurs boutons paresseux dans la journée… On sait que les rouges sont parfois longs à la détente ! Dès que la fausse pudeur qui leur a interdit de s’ouvrir jusqu’à présent sera oubliée, il est probable que nous ferons un geste de compréhension pour satisfaire votre quête honorable…
Clopine Says:
6 mai 2009 at 20:30.
Hélas ! L ejardin, c’est ach’ment dangereux quand même, et jene parle pas des tours de reins. Un exemple : Clopin, qui hier a cassé son disque dur (- 500 euros) , a cramé aujourd’hui la « tondeuse », en fait la débroussailleuse ( – 400 euros pour réparer le moteur) . Quand je pense qu’il doit prendre la bagnole demain, je tremble.
Faudrait du jardin comme dans l’ancien temps : juste une petite cueillette de baies sauvages, et basta. OUi, mais, et MES petits pois ? Mes haricots beurre frais (comme les gants des péquins du 19è siècle) ? Mes fraises, mes framboises, mes cerises, mes groseilles ?
ah là là
Clo
claude lasnier Says:
1 juin 2009 at 17:20.
C’est un plaisir de vous lire – j’ai justement mal au dos d’arracher mes mauvaises herbes alors j’ai apprécié la longueur des articles et leur humour – Du jardin à l’ordi il n’y a que quelques mètres. Ciboulot et biscotos, cela rime, n’est-ce pas? Jardiner c’est apprendre à regarder sous ses pieds et tout autour. Cela rend humble, tolérant et patient et nous fait réfléchir à des choses essentielles.