28 février 2008
Dans les brumes de mon thé matinal…
Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .
Je suis plutôt lève-tôt, et je ne pratique que très rarement les grasses matinées, la tête sur l’oreiller et les yeux mi-clos, période bienheureuse pendant laquelle on arrive à avoir une vision un peu plus optimiste de l’humanité qui nous entoure. Dès que mon niveau de conscience me le permet, j’ai plutôt tendance à me lever, à préparer machinalement les accessoires de base de mon petit déjeuner puis à somnoler, la tête dodelinant en-dessus des vapeurs de mon bol de thé. C’est un moment essentiel de ma journée et lorsqu’il se déroule mal, le pire est à envisager pour mon entourage. Ma moitié le sait bien, elle a généralement tendance à se lever un moment après moi de manière à ne pas trop interférer dans cette période où je consulte les oracles en observant les rides qui se dessinent à la surface dorée de mon breuvage fétiche.
Lorsque je vous ai parlé du « placard de ma mémé » dans une ancienne chronique, je ne vous ai pas dit que celui-ci me servait aussi à stocker des provisions indispensables, de façon à ne manquer de rien « en cas de crise ». Je n’en suis pas encore rendu au stade de celui qui réclame l’ouverture de son supermarché pour acheter du sucre après avoir vu les titres du journal de 20 h, mais quand même, je stocke du chocolat, du thé, de la bière et autres sortes de provisions dont il serait regrettable de manquer un jour de grand besoin. Cette manie, fort critiquable je le reconnais, présente l’avantage de disposer constamment de tout un choix de thés pour le petit déjeuner rituel. Il se trouve aussi que les différents paquets de thés que j’ai sélectionnés portent souvent de jolis noms avec un fort potentiel symbolique. Lorsque je prépare mon petit déj je choisis l’un de ces thés et je me suis aperçu, ce matin, en rêvassant la tête dans les effluves, qu’il y avait assez souvent un rapport entre son nom et le contenu de ma méditation.
« Route de la Soie », « Brumes de l’Himalaya », « Putarjhora », « Taj Mahal »… m’emmènent chacun dans des directions différentes. « Brumes de l’Himalaya » inaugure généralement un moment d’absence quasi-total : la rêverie est tellement intense qu’elle en devient fumeuse (c’est le cas de le dire). Je ne suis pas encore vraiment sur terre mais je me balade à mi-chemin du ciel sur un sentier rocailleux au milieu de pins rabougris. Le sommet des montagnes me domine là-haut, dans les nuages, m’écrase même un peu. La rêverie se prolonge : j’ai une forte envie d’échapper à la réalité du jour. Le travail attendra sans doute encore un peu. Il n’y a pourtant pas d’opium à ma connaissance dans ce savoureux cru de thé darjeeling ou alors son concepteur ne prend pas la peine de l’indiquer sur le paquet !
« Route de la soie » inaugure une journée débordante d’activités. Je trace mon itinéraire, parfois de façon totalement fantaisiste, pour parcourir le plus efficacement possible la longue route de mes projets. Je n’irai pas à Samarcande, mais j’essaierai de remonter le fleuve du temps de manière à pouvoir accomplir le plus de travaux possible. A la fin de la journée, ma caravane sera chargée de denrées aussi diverses que possibles. J’aurai marché, coupé, pensé, repiqué, pioché, raboté, assemblé, lu, aimé… suffisamment pour avoir l’impression que ma journée n’a pas été stérile et que j’ai la tête et les bras repus comme peut l’être un estomac après un bon repas festif. L’Orient me fait rêver : je suis sous le charme de noms comme Constantinople, Tashkent, Samarcande, Yspahan… La journée est placée sous le signe du « soleil levant ».
« Putarjhora » vous surprendra peut-être. Le mot en lui-même, indien, n’a pas une sonorité extraordinaire et n’évoque pas de cliché propice à la rêverie. C’est sans compter mon amour pour les déformations et les jeux de mots. Ce thé est devenu quasi instantanément « plus tard j’aura » et accompagne du coup mes délires les plus graves. Lorsqu’on se dit « plus tard j’aura », c’est une peu comme « demain on rase gratis » ou « à cœur vaillant rien d’impossible ». Le rêve peut tranquillement décoller du plancher des vaches, ce qui ne l’empêche pas de garder des dimensions très concrètes. Pendant des années, par exemple, ça a été « plus tard j’aura » un château fort en construction sur mon terrain (mais d’autres, à Guédelon, m’ont piqué l’idée). Depuis quelques temps c’est devenu une tour à l’angle de la maison. Avec les temps troublés vers lesquels on se dirige, une tour me permettra de voir l’avenir avec un peu de hauteur. J’en suis convaincu. Je crois que je suis l’homme qui va réussir la synthèse impossible entre la féodalité et l’éthique libertaire. On imagine mal que le thé, en consommation régulière, puisse avoir des conséquences aussi imprévisibles !
Je ne vais pas passer en revue tout le catalogue des « jardins de Gaïa », mon fournisseur actuel. Je laisse le soin à certains de mes copains, grands voyageurs devant l’Eternel, d’imaginer quels clichés on peut associer à « Taj Mahal ». Quand je pense que récemment j’ai acheté du vin des Côtes du Roussillon, appellation village Caramany, tout simplement parce que ce nom, dans mon esprit, devenait « gare à mamie » et me faisait penser à mon adorable petite fille… En plus, il est bon, très bon même et 13 ou 14° d’alcool, je ne vous dis pas le niveau de la rêverie qui s’ensuit après consommation ! Débile, vraiment débile… J’ai honte !
One Comment so far...
fred Says:
29 février 2008 at 12:53.
Qweua !? Que lis je ? qu’apprend je ?
Le Grand ZIHOU peut être bougon le matin si son thé passe mal ?!?
Quel terrible Scoop !
Sa haute sérénitude, sa joviale Bonhomitude pourrait se montrer agacé ?!?
Bigre ! Que le chemin de la sagesse semble étroit à mes petits pieds boudinés !