20 avril 2011

Chênes, érables et viornes en fleurs

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Notre nature à nous .

Le soleil brille depuis plus de deux semaines sans se décourager. Les pluies se font rares, les sols se dessèchent et les arrosages réguliers deviennent indispensables, surtout en cette saison où la végétation naissante est boulimique d’eau et d’éléments nutritifs en tout genre. Du coup, les jardiniers consciencieux que nous sommes sont plus souvent à la peine devant les massifs de fleurs, les planches de légumes et les arbustes fraichement plantés que devant leur clavier ! Si je fais une petite pause ce jour, c’est pour vous expliquer un peu ce qui motive notre enthousiasme, tout autant que pour justifier mon silence prolongé et la rareté des chroniques sur « La Feuille ». J’en délaisse une pour m’occuper d’une autre. Si je me permets cette analogie, c’est parce que nous avons décidé que notre parc arboré serait baptisé comme le blog (ou l’inverse ? Je ne sais plus trop quelle est la chronologie de tous ces baptêmes…). Il faut dire aussi que l’actualité politique, sociale, écologique est plutôt déprimante et ne donne guère envie de vous asséner encore et encore les mêmes analyses et les mêmes conclusions. Je ne voudrais pas être accusé d’entreprise de démolition systématique du moral inébranlable de certains courageux militants. Le monde ne m’indiffère donc pas ; il me désole ; et j’oublie – un temps – les bombes, les radiations, et les malversations des politiciens, en étudiant les mouvements subtils de ma pioche entre les rangs de salades, et en admirant l’abondance de cerises en formation sur les arbres après une floraison qui était plutôt exceptionnelle.

2011 est une année où nous commémorons un certain nombre d’anniversaires importants. Cela fait dix ans par exemple que le plus jeune de nos deux fils s’est « expatrié » au Canada, au Québec plus exactement. Dix ans qu’il habite à Montréal. Il raconte tout cela très bien dans un texte qu’il a rédigé sur le blog qui lui sert de portail sur tous ses projets en cours et que l’on peut découvrir en cliquant sur les liens divers qui apparaissent sur la page de présentation de son « rue du Pourquoi Pas« . Pendant que lui se construisait un itinéraire de vie dans le Nouveau Monde, nous, nous faisions le choix diamétralement opposé de nous enraciner un peu plus dans cette région du Nord-Isère où nous habitons depuis presque 40 années. L’opportunité s’est présentée en 2001 pour effectuer un échange de terrains : la propriété dans laquelle nous habitons est une ancienne ferme appartenant à mes ancêtres et possédait encore une petite superficie de terres agricoles dispersées lorsque nous nous y sommes installés. Du coup, nous avons retrouvé la jouissance d’une parcelle de plusieurs milliers de mètres carrés jouxtant la maison. Cette terre à laquelle le propriétaire avait imposé la culture tout aussi intensive que chimique du maïs pendant plus de trente ans – en appliquant le célèbre principe de rotation triennale maïs, maïs, maïs – était bien fatiguée, mais disposait encore d’un potentiel important et d’une texture acceptable. Nous avons fait, cette année-là, le pari un peu fou de la transformer en parc arboré. Si je qualifie cette initiative de folie relative, c’est que, d’une part nous nous mettions au pied d’un mur élevé, en l’occurrence d’une quantité de travail considérable à accomplir, d’autre part, nous ne verrions probablement pas de notre vivant, les résultats les plus spectaculaires de cette transformation. Riches propriétaires certes, mais ne disposant pas des moyens financiers qui accompagnent généralement ce type de situation. Nous savions, dès le départ, qu’à part nos bras et l’aide de quelques amis prêts à « parrainer des arbres », il faudrait se débrouiller avec les moyens du bord. Nous avons produit quelques plants ; nous en avons échangé quelques autres ; mais pour l’essentiel nous avons enrichi divers horticulteurs et diverses pépinières plus ou moins locales. Bon an mal an, quelques centaines d’arbres et d’arbustes sont venus embellir le décor.

Je ne vous conterai pas le nombre de trous creusés à la pioche et à la pelle. Les récriminations incessantes de mes vertèbres lombaires, jamais satisfaites dans leurs revendications (mais ne sachant jamais trop non plus ce qu’elles veulent vraiment) en témoignent largement… Nous avons construit, peu à peu mais non sans peine, les barreaux d’une jolie prison dorée dans laquelle nous nous sommes un peu enfermés. Tout ce petit monde végétal demande en effet une assistance de tous les instants et il n’est pas facile d’abandonner toute cette population branchue et feuillue sous le prétexte, jugé de mauvais goût par nos pensionnaires, d’aller voir à quoi ressemblent leurs cousins proches ou lointains. Et ceci d’autant plus que le jardinier en chef de ce projet étant plutôt (trop) ambitieux, arbres et arbustes ne lui ont pas fait renoncer à l’idée de cultiver légumes et fleurs, et – de surcroît – à celle de produire ses plants, à la fois par intérêt et par souci d’économie. Dix années ont passé depuis les premiers trous dans la terre (non pas pour extraire du gaz de schiste – suivez un peu !) et le bilan est plus que largement positif. Il faudrait simplement disposer de plusieurs vies parallèles ou successives pour répondre à la quantité de travail requise. Dans les années à venir peut-être la raison reprendra-t-elle la gouverne de cette entreprise… Nous chercherons alors un moyen d’impliquer d’autres personnes dans ce projet en lui donnant une forme associative… Je n’en sais rien… Nous pourrons alors nous préoccuper de reprendre ce qui est – paraît-il – une vie normale de retraités : faire un peu de bénévolat, jouer à la pétanque, acheter un camping-car et sillonner la Côte d’Azur en bondissant allègrement de « camping des flots bleus » en « caravaning des pins parasols ». J’en bave d’avance. En fait, mon principal regret n’est pas là… Ce qui me perturbe c’est le manque de temps pour faire de la menuiserie, jouer de l’accordéon, écrire un certain nombre de pensées philosophiques aussi profondes que ma baignoire, et aller plus souvent à la rencontre d’autres personnes en d’autres lieux pour échanger… Du coup, je mène la quête impossible de celui qui voudrait qu’il n’y ait pas de place perdue entre des champs circulaires, ou de celui qui voudrait que les enfants soient le plus nombreux possibles sans que la terre soit surpeuplée.

Trêve de propos philosophiques, que peut-on voir, concrètement dans ce parc de « La Feuille » que nous vous invitons cordialement à venir visiter ? Soyons modestes, cela ne vaut pas un détour de 100 km ! Vous ne découvrirez ni l’arboretum des Barres, ni celui de Balaine ! Mais, disons que si vous passez pas trop loin, le lieu mérite quand même un petit crochet, d’autant que les tenanciers de l’établissement ont une cave correcte et que l’on peut se consoler – si l’on est déçus – en admirant les paysages magnifiques du Jura et de la Chartreuse qui apparaissent en décor de fond ou en visitant les nombreux sites touristiques locaux. En ce moment, par exemple, les viornes et les lilas sont en fleurs et c’est particulièrement plaisant. D’ici quelques semaines les weigélias et les deutzias prendront le relai et ce n’est pas mal non plus. Le terrain n’étant pas immense, j’ai décidé de le cloisonner par de multiples haies, de façon à créer, peu à peu, un véritable labyrinthe et à imposer un parcours complexe pour se rendre d’un lieu à un autre. L’année dernière j’avais même eu l’idée d’installer mes tomates à l’extrémité du parc diamétralement opposée à la maison ce qui représentait un véritable parcours sportif lorsqu’il manquait un fruit pour la salade. Bien qu’intéressé par les principes de la permaculture et ceux de l’agriculture paysagée, je n’ai pas été assez masochiste pour renouveler ce plan un peu foireux en 2011. Le potager reste relativement proche de la salle à manger et les herbes aromatiques ont même trouvé une place encore plus adaptée sur le trottoir devant la maison ! Il n’en reste pas moins que je dissémine de plus en plus les arbustes à petits fruits au quatre coins de l’environnement et que j’ai renoncé au principe d’un verger structuré pour installer mes arbres fruitiers à droite et à gauche au milieu de leurs cousins moins productifs. Nous avons aussi attaché une importance primordiale au choix des arbustes implantés dans les haies : nous avons privilégié les arbustes à fleurs et à baies (aubépine, prunellier, fusains…) attirant papillons et oiseaux. Je dois dire qu’au bout d’une dizaine d’années le bilan est plutôt positif. Le nombre de mésanges, de pinsons et de rossignols a augmenté sensiblement. La présence de zones boisées importantes tout autour de la maison aide aussi à développer cette population d’auxiliaires indispensables à tout jardinier un tant soi peu intelligent. Il est clair que les oiseaux et les papillons préfèrent les haies fleuries aux champs de maïs stériles.

Du côté des arbres nous ne possédons bien entendu rien de bien grand, même si, d’origine, existaient encore quelques frênes, érables champêtres et épicéas. Il va falloir de la patience et une foi inébranlable dans les capacités de la médecine à prolonger notre existence d’un siècle ou deux. Nous possédons maintenant quelques spécimens qui ont – quand même – une silhouette fort sympathique. Nous avons planté en grand nombre les représentants de familles végétales qui appréciaient le type de sol et le climat que nous avions à leur offrir. Chênes et érables se plaisent beaucoup dans ce terrain. Nous avons ainsi une collection d’une vingtaine d’érables différents (choisis pour leur écorce singulière ou la couleur de leur feuillage), quelques chênes originaux comme celui du Liban, et un assortiment de résineux très divers. Marqué par les campagnes contre la politique de plantation de l’ONF dans les années 70, j’avais une dent contre ce type d’arbre, mais, en approfondissant un peu la question, je me suis aperçu que l’on ne pouvait pas en rester au stade des préjugés et qu’il y avait, parmi les conifères, des tas d’individus passionnants à découvrir. Nous avons ainsi un cèdre de l’Atlas qui commence à avoir une belle envergure, un araucaria du Chili au mieux de sa forme, ou un sapin d’Espagne dont les aiguilles font penser à des écouvillons en matière plastique ! On peut s’amuser à faire un parcours en aveugle et à reconnaître les espèces d’après les sensations. Passer du Thuya panaché au cryptomère avec une halte brève sur les piquants de l’araucaria, c’est une découverte qui ne laisse pas indifférent ! Parmi les spécimens un peu exotiques que nous pourrons vous montrer, nous avons aussi un Zelkova (appelé aussi orme de Sibérie), un hêtre de l’hémisphère austral (appelé aussi Nothofagus antartica ou hêtre de Magellan), ou un phellodendron (arbre au liège du fleuve Amour). Je comprends bien que ce genre d’énumération laisse bon nombre de nos lecteurs/trices indifférents, mais peut-être certains/taines se découvriront-ils/elles une vocation tardive pour la botanique. On peut aussi se contenter de regarder, de sentir, de jouir de la fraîcheur de l’herbe sans avoir aucune envie de mémoriser quelque nom que ce soit, je le comprends très bien. Peu de nos ami(e)s partagent mon enthousiasme pour le monde végétal (leur intérêt, poli, se limite généralement aux fraises et aux tomates) et – contrairement à ce que l’on pourrait croire – le nombre de ceux qui lisent mes élucubrations bloguesques est fort limité aussi ! Tant mieux après tout, cela me permet de dire du mal, parfois, sans provoquer la moindre réaction d’opposition.

Après ce descriptif que j’espère suffisamment alléchant pour vous inciter à la visite, et le développement de cet argumentaire savamment étudié pour expliquer mes insuffisances devant le clavier, il est temps que j’accomplisse mon devoir : mes salades – actuellement sous serre – ne continueront à me sourire que si je leur apporte leur dose quotidienne d’eau de source ; mes fraises ne consentiront à grossir que si elles bénéficient – elles aussi – d’un minimum d’humidité ; quant à mes courgettes elles se sentent bien à l’étroit dans leur petit logement de plastique et, à défaut d’étaler leurs racines dans la terre nourricière du potager, elles espèrent au moins un logement plus vaste dans les délais les plus brefs. Quand je serai saturé de tout cela je pourrais toujours passer à la construction de ma seconde pergola et de ma première cabane en bois puis tracer sur une carte routière le trajet futur d’une évasion temporaire de notre prison dorée. N’oubliez pas votre consommation quotidienne de fruits et légumes ! Big Brother veille à votre santé. Que le persil soit avec vous !

NDLR – photos prises dans le parc bien sûr ! La dernière montre une viorne en fleurs. Ces arbustes sont tellement magnifiques que, de toute façon, vous n’échapperez pas à une chronique qui leur soit exclusivement consacrée. La famille possède de nombreux représentants. Celle qui figure sur le cliché s’appelle viburnum plicatum ou viorne de Chine. Les premières viornes « boule de neige » (viburnum opulus) fleurissent également avec une bonne quinzaine de jours d’avance sur le calendrier usuel.

4 Comments so far...

fred Says:

21 avril 2011 at 14:37.

Ainsi les oiseaux préfèrent les haies fleuries aux champs de maïs ?
Ce faisant, tu as certainement donc décuplé ton risque de choper la grippe aviaire !
c’est terrible ! 🙂
Sans oublier leurs interminables babillages matinaux !
mais bon …
pour me faire pardonner de ce défaitisme honteux, je veux bien m’inscrire à ta nouvelle association arboricole ! et creuser quelques trous … voir parrainer de nouveaux amis branchus !

Paul Says:

22 avril 2011 at 08:24.

@ Fred – Seuls les oiseaux ne présentant aucun risque sanitaire sont autorisés à pénétrer dans l’espace aérien charbinois ! Par contre, côté babil matinal, les mesures dissuasives n’ont eu aucun effet. Mais il faut dire qu’avec un voisin dont les coqs, empilés dans une volière, chantent comme des cantatrices d’opéra à 3 ou 4 h d’opéra, le gazouillis des mésanges n’a rien de désagréable. Pour ce qui est des trous, il va falloir séjourner en fin d’hiver début de printemps ! Aux beaux jours on n’enterre plus que des cadavres et comme on s’entretue relativement peu dans la famille et avec les voisins…

Lavande Says:

22 avril 2011 at 10:19.

Vous vous êtes donné le mot avec Clopine pour faire pâlir de jalousie les citadins!

la Mère Castor Says:

26 avril 2011 at 19:26.

L’homme qui plantait vraiment des arbres, magnifique.

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