27 mars 2014
Au pays du Chèvrefeuille blanc… Connaissez-vous le Banksia ?
Posté par Paul dans la catégorie : voyages sur la terre des arbres .
Cet arbre magnifique pousse notamment sur la côte Est de l’Australie, mais mon histoire, elle, commence à la maison, un petit matin du mois de mars. Corinne, une « helpeuse » australienne a séjourné trois semaines chez nous. Jardinière talentueuse, à la fois patiente et passionnée, elle a marqué de sa présence la renaissance printanière de notre espace de verdure. Elle était très émue à l’idée de nous quitter et de retourner dans son pays et elle nous a fait un petit cadeau tout simple que nous avons beaucoup apprécié : un fruit sec de Banksia integrifolia, que l’on appelle aussi Banksia côtier ou chèvrefeuille côtier. Ainsi qu’en témoigne l’une des photos ci-dessous, le fruit est étrange : il évoque un cône de résineux, sans l’odeur, mais aussi un fossile finement sculpté, à cause de sa dureté et de sa couleur gris ardoise. Compte-tenu de son caractère insolite et de sa provenance lointaine, il a aussitôt rejoint notre « cabinet de curiosités ». Du fruit à l’arbre, en passant par la graine, il n’y a qu’un pas, et je l’ai franchi, bien entendu, pour satisfaire ma curiosité personnelle et – je n’en doute pas – celle de mes lecteurs amoureux des arbres. Et puis je me suis dit qu’un petit voyage en Australie ça avait un côté sympa. Nous n’y sommes jamais allés, compte-tenu de la longueur du trajet, mais notre explorateur maison y a séjourné pendant presque une année et nous a longuement décrit les particularités géographiques, faunistiques et botaniques qu’il avait pu observer. Comme Corinne est aussi une artiste peintre talentueuse je me suis permis d’emprunter la photo de l’un de ses tableaux représentant un arbre, même si ce n’est pas un Banksia, pour vous faire connaître son travail (voir illustration en fin de chronique).
Comme dans bien des cas, l’origine du nom de l’arbre est liée à l’identité de son « découvreur », le naturaliste Sir Joseph Banks. Cet explorateur anglais, membre de la première expédition de James Cook dans l’océan pacifique est le premier à avoir formellement identifié cette nouvelle espèce d’arbres. Il n’a cependant fait le travail qu’à moitié, et c’est Carl Von Linné le jeune qui a véritablement commencé la description de plusieurs membres de la famille du Banksia en spécifiant les caractères qui les distinguaient les uns des autres, et ceux qui marquaient leur appartenance à un même groupe végétal. La famille « Banksia » s’est en fait révélée difficile à déterminer et il a fallu deux siècles avant que l’on établisse une classification vraiment précise des différents spécimens qui la composent. Anecdote pittoresque, même si elle ne concerne pas directement la variété integrifolia : en fouillant l’épave de l’un des bateaux de l’expédition La Pérouse, disparue à Vanikoro en 1788, les plongeurs ont retrouvé des échantillons botaniques, et notamment un sachet contenant des graines d’un arbuste nommé Banksia ericifolia. Le conservatoire botanique national de Brest a hérité de ce précieux sachet et a tenté de faire germer ces graines immergées depuis plus de deux cents ans. L’expérience a échoué, mais le protocole scientifique mis en œuvre à cette occasion, peut s’avérer intéressant pour régénérer des espèces disparues à partir d’éléments conservés dans les herbiers anciens par exemple.
Il faut reconnaître que les botanistes ont eu du pain sur la planche au fil des siècles, quand on sait que l’on a dénombré en Australie plus de 24000 espèces végétales natives ! Comme dans d’autres familles, les représentants peuvent prendre des formes très diverses, plantes herbacées, arbustes ou arbres de grande dimension. C’est à cette catégorie-là qu’appartient l’objet de mon étude actuelle, le Banksia côtier. Placé en situation favorable, il peut en effet dépasser vingt-cinq mètres de hauteur. Lorsque les conditions sont moins favorables, il reste au stade arbustif. Bien qu’il ait la capacité de s’adapter à des sols très divers, même pauvres, il ne supporte pas les rudes conditions climatiques hivernales de nos contrées, excepté les zones les mieux exposées du midi de la France. Il ne tolère que de faibles gelées. Dans la famille des Banksias, « integrifolia » est pourtant l’espèce la plus facile à acclimater ! Pour se consoler, certains jardiniers ont néanmoins tenté de le cultiver en bonsaï, sous serre ou en appartement. Mais comme je n’aime guère les bonsaïs…
L’écorce du Banksia est grise et rugueuse. Ses feuilles sont vert foncé sur le dessus, blanc argenté sur le dessous. Elles sont groupées en verticille (insérées en cercle au même niveau autour d’un axe). Les fleurs du Banksia côtier sont moins spectaculaires que celles des autres espèces de la même famille, parce qu’elles sont moins visibles. Elles sont souvent dissimulées par le feuillage plutôt dense. Ce sont en réalité des épis floraux : des centaines de fleurs jaunes disposées en spirale autour d’un cœur ligneux d’une dizaine de centimètres de longueur. Les fleurs tombent peu à peu découvrant la partie ligneuse, couverte de nombreux petits fruits verdâtres. Les fruits deviennent gris lorsqu’ils sont mûrs. Les follicules s’ouvrent alors en libérant une ou deux graines qui tombent sur le sol. Chacune d’entre elles est munie d’une petite ailette de un à deux centimètres de long, ce qui permet d’assurer la dispersion des semis. L’épi ligneux se dessèche et tombe à son tour. Ainsi que je l’ai expliqué au début, son apparence est singulière en raison de sa forme, de sa texture et de sa couleur.
Les usages du Banksia sont nombreux et les populations aborigènes connaissaient ses vertus, bien avant l’arrivée des premiers colons. Ils recueillaient par exemple le nectar des fruits en les caressant avec la main et en se léchant les doigts, ou bien ils faisaient macérer les épis dans une calebasse. Cette pratique leur permettait de récupérer du sucre à une période de l’année (fin d’automne-hiver) où les autres fleurs sont relativement peu nombreuses. La partie ligneuse était utilisée comme peigne ou comme bougie une fois enduite de graisse et munie d’une mèche. Les premiers immigrants ont suivi l’exemple des aborigènes et utilisé eux aussi ce nectar, en particulier comme sirop contre la toux. Le bois a une belle coloration plus ou moins rouge. Il est d’une densité moyenne et il a fortement tendance à gauchir au séchage ; si l’on ajoute à ce défaut important le fait qu’il constitue un aliment de choix pour les termites, on comprend qu’il soit peu utilisé en construction. Il est apprécié par les tourneurs et sert un peu en menuiserie pour fabriquer des lambris ou des bibelots. Ce bois est également un bon combustible.
Autour du Banksia, se constitue un véritable écosystème. De nombreux animaux apprécient son voisinage. Plusieurs espèces d’oiseaux fréquentent assidûment ses branchages : notamment des Méliphages à gouttelette, à bec grêle ou barbe-rouge, des Loriquets à tête bleue… Mais d’autres nectarivores apprécient le suc de ses fleurs : des insectes ou des mammifères comme le Phalanger de Norfolk ou la Roussette à tête grise. C’est au lever du soleil que l’agitation est la plus importante car c’est à ce moment-là que les fleurs sécrètent la plus grosse quantité de nectar.
Sans prétendre à l’exhaustivité, je pense vous avoir donné quelques informations essentielles sur cet arbre sympathique. L’espèce n’est pas vraiment menacée et sa plantation est même recommandée en milieu océanique pour stabiliser les dunes et stopper l’érosion côtière. Si vous allez un jour en Australie, j’espère que vous aurez à cœur de photographier un Banksia Integrifolia et de m’envoyer votre photo. J’aurai plaisir à l’afficher en arrière de l’étagère où figure le porte graine que Corinne vient de m’offrir !
4 Comments so far...
la Mère Castor Says:
1 avril 2014 at 16:21.
Si j’avais eu à mes côté quelque savant des arbres quand nous avons traversé (en voiture et trop vite, hélas) la forêt tropicale, j’aurais pu en faire quelques billets… Une merveille de verdure, de feuillages, de nouveauté à mes yeux occidentaux. J’aime tous ces billets sur les arbres.
Grhum Says:
3 avril 2014 at 22:42.
Je connaissais pas l’existence de cet arbre.
Moi aussi j’apprécie ces billets arboricoles. Comme toujours, le texte est bien documenté et bien rédigé. L’anecdote concernant la tentative de germination des graines est assez étonnante.
Je me réjouis qu’un tel article soit publié le jour de mon cinquantenaire…
tiptop Says:
4 avril 2014 at 15:53.
Je ne connaissais pas le Phalanger de Norfolk, c’est très mignon 🙂