30 avril 2014

Petite chronique jardicole du mercredi

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Notre nature à nous .

Riot_Monument Il paraît que demain c’est le premier mai… la fête du travail diront les uns, mais non, des travailleurs, diront les autres ; quelques patibulaires vont fêter la sainte qui a fini en rôti trop cuit ; les copains anars se rappelleront l’origine de cette fête qui n’a rien à voir avec une fête, rien à voir avec le muguet et encore moins avec les « héroïnes de la nation ».  Je n’ai guère le temps de vous raconter ma vie, ni celle des autres. En ce moment, je suis plutôt monotâche : jardin, jardin et jardin. Ça a le mérite de me détacher un peu de l’actualité – peu réjouissante – et de me donner un dynamisme que je craignais d’avoir enfoui sous une épaisse couche de gravats pendant l’hiver. Comme au mois de mars, nous bénéficions de l’aide de trois jeunes particulièrement efficaces et je crois que notre « espace vert », « parc arboré », « mini arboretum » (je n’ai toujours pas décidé comment baptiser ce lieu guère conventionnel) n’a jamais été aussi bien traité. Pour une fois j’ai le sentiment de pouvoir (presque) faire tout ce qu’il y a à faire et c’est particulièrement gratifiant… J’ai donc le temps d’expérimenter un peu.

fouillis vegetal Dans ce contexte, je fais une formation accélérée au B.A. ba de la permaculture et de la culture en buttes. Les deux sont à la fois liés et indépendants : on peut faire de la culture en butte sans rentrer pleinement dans la philosophie de la permaculture. Je trouve cette dernière séduisante mais un peu trop mystique à mes yeux. Je ne suis pas convaincu qu’il y ait besoin de déifier la nature pour adopter des pratiques culturelles intelligentes. De plus les « Y’aka » (je ferai bientôt une chronique sur cette tribu omniprésente dans tous les secteurs militants) m’ont toujours hérissé le poil. Non, il ne suffit pas de faire « ceci » ou « cela » pour que tous les problèmes soient réglés.

jardinage en bacs Quelles sont les conséquences concrètes de tous ces visionnages de documents vidéos et de toutes ces lectures dans mes pratiques quotidiennes ? Il y en a un certain nombre, indubitablement. Jardinier bio de la deuxième heure (mais ça fait quand même quarante ans !) qu’est-ce qui évolue dans mes pratiques et qu’est-ce qui reste inchangé ? Parmi les idées qui m’intéressent et que je vais mettre en pratique progressivement (en fait j’ai déjà commencé car je trouve que seule l’expérimentation permet de valider une théorie), il y a :

  • la dissémination des cultures dans une zone plus ou moins boisée ;
  • l’abandon partiel de la monoculture (légumes regroupés et alignés au cordeau) ;
  • la pratique intensive de la couverture du sol ;
  • la surélévation progressive de certaines parcelles ;
  • la suppression du travail du sol en profondeur et la limitation des travaux superficiels…

Désolé pour ceux et celles qui sont déroutés par ce charabia : je n’ai guère le temps – ai-je dit plus haut – de faire de la pédagogie.

jardin haut Tout cela n’est pas évident à mettre en œuvre et je fais des essais sur de petites surfaces. Je n’ai pas fait de culture sur butte cette année, mais cela fait un certain temps que je construis des bacs surélevés pour jardiner. Mon motif principal, à l’origine, c’était de préparer des jardins faciles à cultiver quand mon dos ne me permettrait plus des acrobaties à répétition. Avant de me brancher sur la permaculture, j’appelais ça « mes jardins de vieux » en rigolant. Les premiers bacs que j’ai construits répondaient aussi à un autre objectif : comme je suis un peu naïf, j’espérais limiter les invasions de rongeurs de petite et moyenne tailles. Pour ce faire, je me suis appliqué à grillager et à couvrir de pierres de tailles diverses ou de tuiles brisées le fond de mes constructions, avant de les remplir avec terre et compost mélangés. Echec sur toute la ligne : ça n’a pas empêché les mulots et les campagnols de passer dans les bacs en les escaladant ! Du coup, le nouveau jardin haut réalisé cette année est conçu d’une façon différente… Le bois mort de différents diamètres, les branchages broyés ou non ont remplacé ma « ligne Maginot » anti rongeurs ! J’ai ensuite rempli jusqu’à une soixantaine de centimètres de hauteur avec de la terre (un peu trop argileuse je trouve a posteriori), du terreau, du compost encore bien vivant, de la paille et une fine couche de tonte de gazon. Je compenserai la perte de hauteur au fil des années en ajoutant de nouvelles couches. Je vais respecter aussi le principe d’une couverture systématique du sol par des résidus végétaux. Quand je veux semer ou repiquer, je fais une fenêtre dans cette couverture ; quand les plants se sont développés je ramène la couverture au plus près. Reste à voir ce qui va se passer avec les limaces !

plessis par ci plessis par la Dans mes « jardins hauts » je pratique la mixité sociale, et j’essaie d’associer certaines plantes compatibles. J’ai semé quelques poquets de haricots au pied des courgettes ; j’ai disposé habilement quelques plants de consoude, d’œillets et de soucis au milieu de tous les légumes. Tout cela est appétissant en diable. Par rapport à la culture « en buttes » je perds le bénéfice de l’accroissement de surface que donne la forme en dôme, mais, vu la surface totale dont je dispose, l’aspect « intensif » du processus de culture ne me turlupine pas. Qu’ai-je fait d’autre à part hausser le niveau du sol à la hauteur de mon nombril ? Je me suis amusé à créer des « micro-jardins » disséminés dans le parc : en forme de haricots ou de bananes, j’ai essayé de leur donner diverses orientations et diverses expositions plus ou moins ombragées. Depuis l’été dernier, certains sont entourés de plessis, d’autres non. Sur ces micro-parcelles de quelques mètres carrés, j’ai associé de petits fruitiers (cassis, groseilles, gojis) avec les légumes les plus divers : artichauts, choux, salades, et prochainement betteraves ou haricots. Le sol est abondamment paillé et fumé avec du compost. Comme je suis allé un peu vite en besogne, je pense que je vais avoir quelques problèmes avec les adventices (on ne dit plus « mauvaises herbes », ça fait un bail que ce n’est plus « politiquement correct »).

compost Qu’est-ce que je n’ai pas changé pour l’instant, dans mes pratiques de vieux routard du jardinage bio ? Je continue à travailler le sol sur une vingtaine de centimètres de profondeur pour les parcelles basses. Chez nous, la terre est très lourde, du genre argilo-humique. Même les parcelles protégées par un engrais vert (phacélie) se sont sérieusement compactées avec les abondantes pluies hivernales et il a bien fallu faire quelque chose pour améliorer leur structure. Contrairement à certains écolos, je ne suis pas viscéralement hostile aux engins motorisés et ma bonne vieille motobineuse m’est toujours d’un bon usage. Elle ne tourne pas très vite et n’opère pas un « carnage » parmi les vers de terre. Quant au brassage des couches, personne n’oblige l’utilisateur à travailler à pleine profondeur. Je laisse le labour profond aux racines. Première hérésie aux yeux des puristes. Seconde hérésie, je pense, je continue à pratiquer le compostage en tas auxquels j’attribue une grande importance. Cette semaine, avec l’aide de mes courageux travailleurs help’x (voir épisodes antérieurs de mon immense autobiographie) nous avons réalisé un tas magnifique avec des matériaux de premier choix… J’en ai rêvé la nuit tellement j’étais satisfait. Il faut reconnaître que la réussite d’un beau compost m’excite plus la zone « plaisir » du cerveau que le discours d’investiture de Valls à l’assemblée !

petits pois en rang d'oignon Je conserve une bonne part de légumes regroupés et alignés comme des petits soldats. Je suis d’accord sur le fait que cela facilite le boulot des prédateurs en tout genre mais cela simplifie aussi le mien quand je dois désherber une ligne de carottes ou butter un rang de pommes de terre. J’attends de voir ce que vont donner mes multiples micro-jardins avant d’évoluer en profondeur sur la structure globale de mon potager. Je lutte toujours avec hargne contre les limaces à grand renfort de granulés de sulfate et de coups de couteau rageurs. J’ai beaucoup de sympathie pour les musaraignes et pour les hérissons, mais j’utiliserais bien les armes lourdes contre les surmulots et autres « rats taupiers » qui attendent que mes salades soient à mi-développement pour leur trancher le col. Je vénère profondément la déesse « Gaïa » et je suis certain qu’un jour les bons équilibres naturels triompheront des méchants humains qui leur veulent du mal. Mais je dois constater que malgré mon respect pour les prédateurs censés rétablir cet équilibre, je vis dans un environnement qui ne favorise guère les hérissons (maudites voitures), les renards (maudits chasseurs) ou les rapaces de toutes plumes (maudits insecticides). Si les coccinelles sont assez nombreuses pour limiter les invasions de pucerons, ce n’est pas le cas pour les prédateurs des rongeurs par exemple. Il faut beaucoup plus de temps et un ensemble de conjonctures favorables pour rétablir une population conséquente de buses ou de milans. Les rats sont beaucoup moins difficiles à satisfaire et dans un contexte qui leur est favorable, ils croissent et se multiplient presque aussi vite que les sauterelles !

ruche De temps à autre, je vous informerai des progrès ou des régressions dans ma démarche agro-écologique. Pour l’heure, je vais me mettre au boulot manuel histoire d’avoir quelques anecdotes à vous raconter pendant les mois à venir. L’une des prochaines chroniques historiques que je compte vous livrer nécessite que je boucle encore quelques lectures. Quant au blocage de ma pension ou à l’augmentation de 5% obtenue par les truands d’EDF, je préfère garder le silence ; la colère n’est pas bonne pour la santé. Enfin du moins pas trop !

papillon bleu

J'espère que la permaculture et la culture politique ne sont pas incompatibles !

J’espère que permaculture et culture politique ne sont pas incompatibles ! Pour l’heure, je n’ai pas encore tenté de massif en forme de A cerclé… Dans le clos Elisée Reclus poussent des arbres et arbustes de presque tous les continents…

5 Comments so far...

François Says:

30 avril 2014 at 23:07.

Je me suis pas mal penché sur ces différentes techniques récemment. Comme je ne dispose vraiment que d’un espace réduit, je fais plutôt des expérimentations qu’autre chose et ce ne fut pas trop concluant l’année dernière (mais c’est aussi la faute d’un violent orage de grêle).

Je retente cette année. Je me réjouis de partager à ce sujet avec toi bientôt.

Zoë Lucider Says:

2 mai 2014 at 23:46.

Vos méthodes me semblent d’une grande sagesse. Pour ma part, je couvre le sol et pratique de petites fenêtres. Et pour les limaces, je répand de la cendre particulièrement autour des fraisiers et des laitues. Mais mon jardin est loin d’être aussi amoureusement entretenu que le vôtre. Je suis trop souvent absente.

Paul Says:

3 mai 2014 at 09:14.

@ Zoë – @ François – merci pour la visite ! Pour ce qui est du temps, je comprends… Ce qui m’affole un peu dans notre projet c’est que nous avons été au minimum trois ou quatre à travailler largement à mi-temps au mois d’avril pour arriver à un résultat qui me satisfasse pleinement… En mai-juin les besoins risquent d’être à peu près les mêmes, surtout si la météo collabore un peu moins… D’où ma recherche pour des méthodes de culture qui demandent un peu moins de main d’œuvre. Mais j’ai atteint un âge, pas encore canonique, où l’on commence à avoir quelques doutes en ce qui concerne les miracles !

Lavande Says:

4 mai 2014 at 10:03.

Dans un jardin potager municipal collectif à Grenoble, près du parc Bachelard, il y a des parcelles aménagées pour les jardiniers en fauteuil roulant: carrément des grands bacs évidés en dessous. On avait un ami qui pratiquait ça avec bonheur: il était très fier de ses fraisiers en particulier, et disait que ce contexte suscitait une solidarité et une gentillesse exceptionnelles entre « collègues jardiniers ».

Paul Says:

4 mai 2014 at 13:34.

@ Lavande – C’est vrai que mes bacs à jardiner sont fixes et reposent sur le sol et qu’il est tout à fait possible de les faire « sur pied » pour faciliter leur approche. Cela demande simplement d’ajouter un fond assez résistant alors que dans les miens il n’y a pas de fond… Tout ce qui permet d’étendre au plus grand nombre la pratique du jardinage est une excellente initiative !

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