1 décembre 2008

La cigale multinationale et la fourmi contribuable

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive l'économie toute puissante .

Chers amis lecteurs, chères amies lectrices (quand on commence comme ça, ça craint un maximum…), j’ai deux nouvelles à vous annoncer, une bonne et une mauvaise. Je ne vous poserai pas la question rituelle et je vous annonce tout de suite la mauvaise. Mon système de chauffage personnel est totalement obsolète, absolument inadapté, franchement rétro. Ignorant totalement qu’une crise économique s’annonçait, et que le risque de pénurie des énergies fossiles devenait préoccupant, je me suis totalement laissé déborder par ce problème. Je me chauffe au fuel (horreur), avec une vieille chaudière (horreur croissante), et surtout au bois (ouf !) mais avec une deuxième chaudière elle aussi totalement dépassée (horreur récurrente). Je rejette donc du CO2, je dépense plein de sous, et en plus, l’été, je brûle du fuel pour avoir de l’eau sanitaire car je n’ai pas (bien entendu – horreur sous jacente) de chauffe-eau solaire. Avec la crise, mon portefeuille d’actions a perdu beaucoup de sa valeur. J’avais investi principalement dans l’industrie de l’armement, et comme la France ne se décide pas, une fois pour toute, à se lancer dans une guerre facile à gagner, mes placements ne valent plus tripette. Pendant des années, j’ai touché un salaire correct que j’ai totalement dépensé pour voyager, aller au cinéma, acheter des bouquins (parmi lesquels des ouvrages considérés comme malsains) et boire des canons avec mes potes. Maintenant je suis à la retraite ; je ne gagne plus grand-chose ; je n’ai plus les moyens d’investir les quelques dizaines de milliers d’euro nécessaires à la remise en état de mon système de chauffage. J’en suis sincèrement navré.

Passons maintenant à la bonne nouvelle : à partir de janvier, tous les mois, j’ai décidé que chacun des lecteurs de ce blog m’enverrait , sous forme de virement, une somme forfaitaire, dont je ne vais pas tarder à fixer le montant. Pour vous permettre d’établir vos prévisions budgétaires, disons que le versement se situera entre 50 et 150 euros. Comme ce blog a de plus en plus de lecteurs, ça devrait représenter une somme rondelette, couvrant largement mes besoins en ce qui concerne le chauffage. Ce n’est pas grave : d’un, vous êtes généreux (ou inconscients), de deux, j’ai une capacité à dépenser l’argent des autres qui est impressionnante. En plus, vous allez participer à une bonne action, puisque votre investissement permettra de participer au sauvetage de la banquise et des jolis petits ours blancs ! Au cas où certains seraient réticents et ne voudraient pas, question de principe, souscrire à cet emprunt basé pourtant sur le volontariat, sachez que j’ai le bras long. J’ai un cousin hongrois qui a de nombreux contacts et qui peut, sur un simple signe de ma part, envoyer la maréchaussée à votre domicile, signaler votre dossier à l’administration fiscale, voire même vous aider à perdre un emploi qui n’a d’autre usage que d’alimenter votre sens pervers de la thésaurisation. Donc, c’est clair, vous n’avez pas le choix. Bien entendu, vous avez les moyens de protester en direct, sur les chaînes d’informations nationales, mais, un autre de mes cousins contrôle directement ces médias, et s’occupera activement de traiter vos envois. Nous avons des experts en communication capables de faire dire à une personne plutôt hostile au terrorisme qu’elle n’envisage que cette solution-là pour combattre le capitalisme, alors vous pensez que vos remarques impertinentes… on en fera de la publicité pour les papillotes.

Bon, ma parabole s’arrête là. Comme toute parabole qui se respecte elle ne capte qu’un satellite à la fois et il est donc fort probable qu’une partie des éléments sur lesquels elle est basée ne soit que pure fiction. Elle repose cependant sur une vérité cruelle et facilement vérifiable : vous allez vous faire (nous allons nous faire plus exactement), plumer, en tant que contribuables de ce beau pays pour aider des industriels de l’automobile, puis sans doute du bâtiment, de la confiserie, de la guignolerie… (que sais-je), qui ont accumulé des milliards de profits pendant des années mais n’ont su financer correctement leurs services de recherche et d’innovation pour s’adapter aux nouvelles demandes de la société… Vous trouvez ça plus crédible que mon histoire de chauffage ? Vous avez aimé l’histoire des banques ? Formidable puisqu’il s’avère que ce feuilleton pitoyable possède probablement une saison 2, une saison 3… jusqu’à épuisement de VOS ressources. Prenons l’exemple de nos constructeurs « nationaux » : sur les quatre dernières années d’activité, Peugeot-Citroën et Renault ont engrangé plus de 16 milliards d’euro de bénéfice. Au premier semestre 2008, les syndicalistes (malveillants) de cette entreprise (honnête) qu’est PSA (Peugeot) font remarquer que leur entreprise était encore largement bénéficiaire. Résultats des courses, des milliers de licenciements annoncés dans l’industrie automobile et ses sous-traitants et ces pauvres constructeurs pleurent maintenant auprès des pouvoirs publics pour bénéficier de l’aumône des contribuables, car ils n’ont pas les moyens de s’adapter au changement (climatique… euh, non, pas climatique) : il faut produire des véhicules qui polluent moins, qui consomment moins mais sur lesquels on peut néanmoins brancher une playstation et un distributeur de bières… Leurs ingénieurs n’ont pas prévu le coup. Il faut reprendre toutes les études à zéro. Ce qu’ils ont dans leurs cartons, ce sont uniquement les plans de gros 4×4 surconsommateurs et superpollueurs, que les actionnaires dévalués de chez Lagardère-Matra n’ont plus les moyens de se payer. A vot’bon cœur M’sieur dames, c’est pour notre service recherche-développement.

Leurs copains américains, Chrysler, Général Motors… ont essayé avant eux. Mais nous, bien Français, on s’est dit que c’était normal puisque c’étaient des Américains (donc sans doute des c…). De toute façon, ça faisait des années que leurs usines n’étaient plus rentables, qu’ils perdaient des ronds et qu’ils n’attendaient que l’occasion (qui fait le larron) pour réclamer des sous. Ils n’avaient qu’à s’y mettre avant pour inventer des véhicules qui consommeraient moins, ne pollueraient (presque) plus, et auraient quand même ces grosses carrosseries et ces gros moteurs rassurant les guerriers de l’âge de pierre vivant de l’autre côté de l’Atlantique. Nous, on dormait sur nos deux oreilles : nos constructeurs étaient les meilleurs…. Je vous passe la suite du raisonnement chauvin car vous le connaissez bien. Nos industriels trouvent la chanson de leurs confrères US amusante, et, même s’ils n’ont pas les mêmes problèmes, ils entonnent le même refrain, en prenant pour prétexte la baisse des ventes sur cette fin d’année plutôt morose. « Ce ne sont sans doute que les prémisses de la crise ; il faut anticiper une aggravation de la situation en 2009 et surtout éviter une chute trop importante du revenu des actionnaires l’année prochaine ». Les fonds de pension (ou tout au moins ce qu’il en reste) font la pluie et le beau temps et les salariés et les contribuables n’ont qu’à payer pour l’incurie des gestionnaires et l’avidité des profiteurs. Des deux côtés de l’Atlantique, les menaces sont les mêmes. On licencie quelques milliers de travailleurs, à titre d’avertissement, tout en laissant bien entendre que « si les pouvoirs publics ne font rien, alors ce sera la catastrophe ; ce sont des centaines de milliers d’emplois qui seront supprimés »… L’aubade patronale est interprétée sous les balcons de tous les palais présidentiels et il est bien évident que nos dirigeants ne peuvent y être insensibles (on appelle ça un « renvoi d’ascenseur », je crois : tu finances mon élection et moi je renfloue tes actionnaires).

D’autres secteurs industriels sont à l’affût. L’industrie du bâtiment, après une croissance phénoménale du marché ces dix dernières années, risque de connaître un « reflux » assez conséquent de ses bénéfices. A votre avis, qui paiera l’addition ? Pour beaucoup d’entreprises, la crise passée, présente et à venir, n’est qu’un prétexte servant de camouflage pour des opérations de délocalisation par exemple. L’avant dernière usine fabriquant des skis en France (Salomon à Rumilly) vient de fermer ses portes, laissant 284 travailleurs sur le carreau. Mévente ? Manque de rentabilité ? Non, puisque l’enteprise se réinstalle en Bulgarie, sous prétexte de « compétitivité ». Il faut sans cesse augmenter les marges, verser des dividendes de plus en plus élevés. Si les profits réalisés étaient au moins investis dans le développement de l’outil de travail, comme le fait remarquer la CGT, les industriels n’auraient pas besoin de réclamer de l’argent public pour financer leurs investissements ! Puisque l’on fait état des secteurs en crise, certains mauvais esprits pourraient peut-être réclamer un plan d’urgence pour l’école publique, la Poste, les Urgences hospitalières, les transports urbains… Alors là, non vraiment, vous êtes à côté de la plaque ! Ces services là, ils rapportent quoi exactement et à qui ? Cassons d’abord, privatisons ensuite… Et là, ils dégageront du profit, présenteront un intérêt et il sera temps d’y investir, à fonds perdus, de l’argent public…

One Comment so far...

fred Says:

1 décembre 2008 at 12:18.

Je me sens tout à fait solidaire avec le grand ZIHOU concernant ses problèmes de chaudière ! Car en effet, je souffre quasiment du même problème ! Ma vénérable chaudière (au gaz russe !) atteint péniblement sa 18ème année … Désormais, pour l’utiliser, je dois appuyer systématiquement sur le bouton « rouge » d’anomalie pour la relancer … Du coup, je fais forcément des économies ! Quand je ne suis pas chez moi, aucun esprit, aucun fantôme, ne veut se dévouer pour appuyer sur le fameux bouton !

Leave a Reply

 

Parcourir

Calendrier

novembre 2024
L M M J V S D
« Avr    
 123
45678910
11121314151617
18192021222324
252627282930  

Catégories :

Liens

Droits de reproduction :

La reproduction de certaines chroniques ainsi que d'une partie des photos publiées sur ce blog est en principe permise sous réserve d'en demander l'autorisation préalable à (ou aux) auteur(s). Vous respecterez ainsi non seulement le code de la propriété intellectuelle (loi n° 57-298 du 11 mars 1957) mais également le travail de documentation et de rédaction effectué pour mettre au point chaque article.

Vous pouvez contacter la rédaction en écrivant à