8 décembre 2008

J’aime le bouleau

Posté par Paul dans la catégorie : voyages sur la terre des arbres .

J’aime le bouleau, « arbre de la sagesse », son écorce blanc et noir semblable à du parchemin, ses rameaux aériens et son feuillage lumineux. Arbre d’une grande importance écologique, économique et symbolique, le bouleau joue un rôle aussi essentiel dans les pays du Nord que l’olivier en bordure de la Méditerranée. Dans la mythologie, le bouleau est l’essence qui exprime la plénitude des forces féminines contenues dans la terre et dans l’eau, sa blancheur virginale n’étant pas pour rien dans l’origine de cette image. Certains botanistes, dans les temps anciens, utilisaient d’ailleurs le féminin pour désigner cet arbre, souvent habité par les fées. Combien d’écorces de bouleau ont reçu la marque de prénoms écrits dans deux cœurs entrelacés ! Il est en effet souvent choisi par les amoureux : inscrire au beau milieu d’un tronc, à la hauteur des yeux, le prénom de l’être aimé témoigne de la vigueur et de la durée que l’on souhaite inspirer à sa passion. L’arbre conservera la marque de cet amour pour toute la durée de son existence et la sève, abondante, en diffusera le témoignage jusque dans ses plus fines ramifications.

Plus matérialistes sans doute, les Slaves baptisent l’arbre « puits du peuple » car il donne aux hommes la chaleur, par la combustion de son bois, la lumière, grâce aux torches que l’on confectionne avec son écorce, et la santé, par les vertus multiples de sa sève que l’on récolte au printemps. En Sibérie, pour les chamanes de certaines peuplades, il représente l’axe du monde et il est au cœur des rituels initiatiques. Placé au centre de la yourte circulaire, ses branches s’échappent vers le ciel dont elles captent l’énergie. Elles servent aussi à faire connaître aux Dieux les aspirations humaines. Le bouleau joue à la fois un rôle de lien entre le ciel et la terre et un rôle protecteur face aux forces malfaisantes. Peu sensible à cette tradition mythologique, cela ne m’empêche pas d’apprécier la blancheur de cette écorce qui illumine nos sombres forêts de chênes et de châtaigniers l’hiver, mais aussi le vert luminescent dont se parent les branchages, aux premiers jours de printemps. Pour moi, le bouleau (pas son homonyme bien sûr !) évoque la lueur d’espoir qui subsiste en nous pendant la longue nuit hivernale, et l’approche des festivités printanières.

Dans le nouveau monde aussi, où l’on compte de nombreuses espèces locales de bouleau, l’arbre joue un rôle considérable. Il existe par exemple une variété appelée « bouleau à papier », dont le tronc est très blanc et ne possède pratiquement pas les traits noirs qui ponctuent la circonférence de nos bouleaux européens. L’écorce de ce bouleau là s’exfolie en larges plaques que l’on retrouve, traînant sur le sol et qui font penser parfois à des morceaux d’affiche arrachées par le vent. Les Amérindiens lui accordaient une place très importante car ses usages étaient nombreux et précieux : avec ces morceaux d’écorce, ils habillaient les canots ultra légers qu’ils fabriquaient pour se déplacer sur les rivières tumultueuses, leurs seules voies de communication rapide. Ils avaient remarqué aussi que les aliments se conservaient particulièrement bien au contact de cette écorce ; avec une technique proche de celle employée pour la réalisation des embarcations, ils habillaient de nombreux contenants. La fine pellicule d’écorce de bouleau, rendue étanche par l’emploi d’une résine fabriquée avec de la graisse d’ours et de la gomme de sapin, permettait de fabriquer des outres pour transporter l’eau. Les trous creusés dans la terre pour conserver certains aliments étaient habillés d’écorce de bouleau à papier et devenaient ainsi d’efficaces garde-manger !

Le bouleau a une importance écologique considérable, car il s’agit d’une espèce d’arbre qui se propage et se développe rapidement, sur tous les sols, à partir du moment où elle peut bénéficier d’une quantité importante de lumière. Après un incendie de forêt dévastateur, le bouleau a tôt fait de coloniser le sol et cela permet d’éviter l’érosion catastrophique de la mince couche de terreau superficiel. Lorsqu’il fournit un couvert suffisant, d’autres espèces n’appréciant pas trop les rayons du soleil peuvent alors germer et grandir. Quand la concurrence des nouveaux venus se fait trop rigoureuse, les bouleaux disparaissent car ils n’aiment pas l’obscurité, mais, pendant les années où ils ont occupé l’espace, leurs graines se sont propagées vers d’autres lieux colonisables. Le bouleau ne vit d’ailleurs pas très vieux : dans des conditions très favorables, sa durée de vie est de l’ordre d’un siècle et il atteint une hauteur d’environ 25 mètres. Ce sont là des performances médiocres à côté de celles du chêne ou du hêtre. Le botaniste Varenne de Fenille, dans un ouvrage écrit en 1792, résumait très bien ce qu’il y a lieu de penser sur les usages du bouleau européen : « Il n’a aucune qualité excellente, mais il en a beaucoup de médiocres dont la réunion lui donne du prix. »

Le bois du bouleau est peu employé en ébénisterie, mais il est apprécié des tourneurs, et il était utilisé autrefois par les charrons et les tonneliers. Les premiers en faisaient des essieux ou des jantes, parfois même courbes, car il a la faculté de se cintrer facilement ; quant aux fabricants de fûts et de cuviers, ils se servaient des branches pour cercler leurs récipients. De nombreux autres objets, vaisselle, sabots, bobines peuvent être réalisés avec ce bois. De nos jours on l’utilise surtout pour fabriquer de la pâte à papier ou du contreplaqué. Il y a peu de fûts exploitables en scierie car, depuis des décennies, cet arbre n’a pas fait l’objet de plantations systématiques. Sur les terrains pauvres dont il s’accommode facilement, on préfère planter des résineux, en particulier des pins, dont les charpentes et les planchers font une consommation vorace. A l’abattage, le bois du bouleau est lourd car il est chargé d’eau. En séchant il connaît un retrait considérable, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les ébénistes le boudent. Comme bois de chauffe il était apprécié par les boulangers et par les potiers, car il brûle « à flamme », dégage une chaleur considérable, mais ne laisse ni charbon ni braise, ce qui veut dire qu’il faut alimenter très souvent les feux. Pour le chauffage, on préfère les bois qui se combustent plus lentement tout en dégageant une chaleur régulière. Le bois est très putrescible au contact de l’humidité et il ne se prête aucunement à la réalisation d’ouvrages extérieurs.

Si vous avez la chance de posséder un coin de jardin ou un petit bout de pelouse, plantez un bouleau ! Il existe des variétés de taille relativement réduite. Vous ne ferez certainement pas un placement financier mirobolant, mais vous verrez, au fur et à mesure qu’il se développera et que le tronc prendra sa configuration adulte, le charme opèrera et vous ne pourrez plus vous passer de cet arbre. Vous ne serez pas le seul à être conquis : dès qu’ils ont un branchage suffisant, les bouleaux accueillent de nombreux hôtes ailés et le ravissement des oreilles viendra compléter celui des yeux. Vous pourrez aussi, de temps à autre, tailler quelques branches et vous en servir pour réaliser un balai à feuilles, plutôt qu’un faisceau de verges à fouetter. Mais ne comptez pas voler avec, je vous l’ai dit, question bouleau on est plutôt du côté des fées que de celui des sorcières (celles-ci préféraient le genêt) ! Au fait, pardonnez-moi de vous avoir parlé « bouleau » un lundi matin, mais j’avais envie de m’évader d’une actualité que je trouve de plus en plus démoralisante !

NDLR : (A propos du crédit photographique) la photo des sabots provient du site « esprit des pyrénées », une boutique qui vend de bien jolis objets traditionnels – celle de l’écorceur indien des archives gouvernementales de l’Ontario (Canada) . Celle du canot provient aussi d’archives canadiennes et le magnifique bouleau à papier multicaule du site « flore laurentienne ».

4 Comments so far...

Lavande Says:

8 décembre 2008 at 22:51.

Seul côté négatif de ce superbe arbre, le pollen de bouleau est très allergisant et en plus ça la fout mal (de plus en plus d’ailleurs!) de dire « Je suis allergique au bouleau »!

Lavande Says:

8 décembre 2008 at 22:54.

La pendule débloque. Je ne voudrais pas être désobligeante mais on se croirait sur un blog du Monde!

Grhum Says:

9 décembre 2008 at 00:12.

En ces temps tourmentés, il est important d’avoir du bouleau pour gagner son pin.
Même si pour son bien hêtre on est tenté de briser ses chênes…

fred Says:

9 décembre 2008 at 14:23.

Dis donc Grhum … tu nous prendrais pas pour des glands ?

Leave a Reply

 

Parcourir

Calendrier

novembre 2024
L M M J V S D
« Avr    
 123
45678910
11121314151617
18192021222324
252627282930  

Catégories :

Liens

Droits de reproduction :

La reproduction de certaines chroniques ainsi que d'une partie des photos publiées sur ce blog est en principe permise sous réserve d'en demander l'autorisation préalable à (ou aux) auteur(s). Vous respecterez ainsi non seulement le code de la propriété intellectuelle (loi n° 57-298 du 11 mars 1957) mais également le travail de documentation et de rédaction effectué pour mettre au point chaque article.

Vous pouvez contacter la rédaction en écrivant à