14 mars 2015
Une forte envie de faire le grand ménage de printemps… pas vous ?
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Le clairon de l'utopie .
Je suis encore moins motivé que d’habitude pour écrire sur des sujets d’actualité politique. Et pourtant j’ai la pêche ! Pas de déprime printanière en vue, pas particulièrement tendance à passer en mode « grognon » non plus ! J’ai au contraire lu et vu des choses qui auraient plutôt tendance à me catapulter en mode « combattif ». Faire le grand ménage, déblayer le paysage, ouvrir de nouvelles routes, cesser de perdre notre temps à des guignoleries… « Capitalism isn’t working ! » ; très bien, passons à autre chose. Sortir une fois pour toute de cette ornière aliénante et mortifère selon laquelle – de toute façon – il n’y aurait pas d’alternative crédible à ce qui se passe actuellement en France et en Ailleurs. Réduire l’avenir à un choix entre telle ou telle enseigne d’hypermarché, tel ou tel géant de l’internet, telle ou telle marque de bagnole… Tristesse ! Quant à la politique, n’en parlons pas : le choix entre les Jésuites besogneux de la Gauche Roudoudou, les escrocs cyniques de la droite tout à l’égout ou les nervis fascisants du Nouvel/Ancien ordre mondial, ça n’est pas folichon vous ne croyez pas ? Alors on se rabat sur quoi ? L’achat ou la vente d’actions, une chimiothérapie ou une radiothérapie pour nos cancers naissants, une croisière pour rombières ou un hôtel clapier pour rombiers… Ça vous excite ? Et si l’on voyait autre chose, à l’horizon, qu’un porte-container chinois rempli de gadgets invraisemblables que ceux qui les ont fabriqués ne pourront se payer qu’au prix de toujours plus de souffrance ?
Les politiciens qui s’agitent en vue des prochaines élections, ça vous fait rêver ? On en a vraiment besoin de ces professionnels de la magouille, de ces experts en lois non respectées, de ces décideurs-guillotineurs ? Sérieusement, si l’avenir de l’humanité doit leur être confié encore longtemps, autant se flinguer tout de suite ou finir en apothéose en jetant des milliers de boules puantes au parlement ou organiser une croisière pour milliardaires au fond de la Méditerranée dans un paquebot passoire digne de ce nom. Faire confiance à un marchand de soupes, à un banquier ou à un futur élu de n’importe quel bord, c’est aussi sérieux que confier un pistolet chargé à un enfant de trois ans ou à un parkinsonien. Soyez réalistes vous diront les dignes représentants de ces trois catégories hautement inutiles de la population : si vous ne roulez pas dans une bagnole « tuture haudegamme » achetée au dernier salon, si vous ne vous endettez pas pour au moins deux générations, si vous n’acceptez pas une douzième piste d’aéroport dans votre jardin, vous êtes contre-productifs (terme poli), vous êtes des moins que rien (terme économique), vous êtes « de toute façon contre tous les progrès », « zécologisto-nihiliste », « à éliminer lors du prochain plan de dératisation » (selon le milicien de base de la FNSEA et d’autres mouvements tout aussi pourris dont on parle moins en ce moment).
J’en suis à un stade où je ne suis même plus contre : JE M’EN FOUS, JE N’Y CROIS PLUS… Je n’espère plus qu’une chose, c’est que l’instinct de survie va primer. L’humanité va peut-être, un jour, cesser de s’identifier aux lemmings, aux moutons ou aux abeilles, pour se mettre enfin à utiliser la totalité de ses ressources mentales disponibles, plutôt qu’un cerveau standard – équipement de base – cloné à des milliards d’exemplaires. Moi je n’en suis pas encore là, malheureusement : je suis encore bien loin de l’émancipation que je prône. Mais quand je transforme en avion en papier le dépliant publicitaire du futur conseiller général, départemental, pas original, pré-élu de notre canton, d’une part ça me soulage, d’autre part ça me permet de m’assurer que j’ai eu bien raison de ne pas bosser dans l’aéronautique. En proclamant cela, je ne dis aucunement que « tous les politiques sont pourris » sauf les nostalgiques de Pétain et d’Himmler. Ne me prêtez pas un discours « populiste » qui n’exprime en aucun cas mes idées. Je dis seulement que les politiques sont incapables de repeindre notre avenir en rose, soit parce que ce sont des professionnels, plus ou moins véreux, qui souhaitent le rester, soit parce que le système ne le leur permet pas… Les traiter de « guignols » c’est un triste constat avant même d’être une insulte. Je regrette ou j’ai regretté de ne pas croire en Jéhovah, en Mitterrand, en Lénine, en Obama ou en Guévara. Sincèrement, j’aurais préféré qu’ils fassent ce qu’ils avaient promis… Faut pas croire, c’est parfois chiant de vouloir prendre son avenir en main. Si quelqu’un décide spontanément de m’apporter une tartine beurrée et confiturée, le matin, pendant que je bois mon thé, je l’accepte avec le sourire. D’autant que je pourrai lui rendre la pareille un jour où je suis bien luné. Si le gouvernement grec actuellement au pouvoir peut vraiment faire quelque chose de sérieux pour la population de ce pays ravagé, tant mieux, j’aurai tort. Quant aux députés d’EELV qui veulent instaurer une amende pour les abstentionnistes, je les emmerde. J’espère qu’ils utiliseront au moins les fonds recueillis grâce aux amendes, pour construire des abris pour les grenouilles au bord de la retenue d’eau de Sivens.
Pour étayer mon discours, je pourrais m’appuyer sur des exemples que je vous ai déjà fournis (ah non papy ! tu ne vas pas nous ressortir les zanars en Espagne pour la énième fois !), mais je préfère alimenter le débat avec du neuf. Je me suis régalé, par exemple, en lisant (sur les conseils éclairés de Zoë et de Rémi – gloire soit rendue aux blogueuses et blogueurs sensibles à la rumeur du monde) le bouquin intitulé « un million de révolutions tranquilles » de Bénédicte Manier aux éditions LLL. Ce n’est pas un brulot subversif, du moins pas au sens classique que l’on attribue généralement à ce terme. C’est simplement un constat, fort bien dressé, du fait que le changement social ne survient que lorsque les citoyens prennent leur avenir en mains et décident de régler – légalement ou non – leurs problèmes par l’action directe plutôt que par le bulletin de vote. Ce livre dresse le constat, réjouissant, du fait que beaucoup de choses changent dans le bon sens, sur notre petite planète et que ces « révolutions tranquilles », eh bien, les politicards n’ont rien à voir avec. Mieux même, ils s’en désintéressent… Il y a un excellent chapitre à ce sujet, celui qui concerne la lutte des paysans contre la désertification, dans le district d’Alwar, province du Rajasthan en Inde. A l’initiative d’un jeune fonctionnaire de santé, Rajendra Singh, un procédé ancien de captage d’eau et d’irrigation, les « johads » a été exhumé du placard dans lequel les colons britanniques l’avaient enfermé, et remis au goût du jour. Le projet de reconstruction de ce réseau s’est réalisé grâce à l’aide des communautés rurales qui en ont assumé la charge et la gestion. Le travail a duré plus d’une vingtaine d’années et a permis de redonner vie à une région en voie de désertification totale. Tout cela s’est fait sans aucune aide de l’administration. La première fois que les employés de l’Etat se sont manifestés c’était pour tenter d’instaurer une taxe de pêche… Cette lutte pour un libre accès à l’eau a débouché sur bien d’autres combats : droit à l’éducation, protection de la biodiversité…
Selon Rajendra Singh, « Aucun élu local ne s’est déplacé en vingt-six ans pour venir étudier la renaissance agricole du district d’Alwar. En partie parce que la classe politique ne croit qu’aux techniques industrielles, mais aussi parce que les johads sont des constructions simples et qu’il n’y a aucun gros marché à la clé. Sous entendu aucune commission. Et puis ce système ne leur donne pas de contrôle sur la gestion de l’eau, puisque les villageois la gèrent eux-mêmes. Donc ça ne les intéresse pas. »
Alors Madame Michu quel contenu bien concret lui donne-t-on à ce grand changement printanier ? Parce que le blablabla, ça va un temps, mais que si on veut que ça bouge, il faut du concret (la lecture, seulement en soirée, pour se détendre les muscles). Les pistes sont nombreuses : on peut en suivre une ou plusieurs suivant le temps, l’énergie, les convictions sur lesquels on s’appuie. Tous les domaines sont concernés : culture, magasinage, boulot, alimentation, finance, éducation, défense de l’environnement… Un pavé dans chaque mare pour provoquer un ras de marée. La démarche débute par une phase d’investigation, fondamentale pour ne pas perdre trop de temps par la suite. Un exemple : bye bye la grande distribution. On commence par réduire de 25 %, puis de 50 % puis de 75 % les achats que l’on fait en super et hypermarchés en cherchant d’autres pistes pour remplir son assiette. On peut se renseigner sur les circuits courts disponibles dans le voisinage : producteurs, AMAP, coopérative… On fait la liste de tout ce qu’on va pouvoir trouver « ailleurs » que sur les sacro-saintes gondoles. Finis les produits frais au supermarché : les légumes promenés sur des centaines de kilomètres, la viande bretonne quand on habite en Rhône Alpes (ou vice et versa), les yaourts faussement naturels, les confitures de Mamie Pouët-pouët…
Quand on a un problème matériel à résoudre, on cherche du côté de l’entraide plutôt que de se démerder tout seul, chacun dans son coin. Il y a des réseaux pour cela ; il y en a de plus en plus et ils fonctionnent bien. Beaucoup sont regroupés sous l’étiquette S.E.L. (mais pas forcément). Ils ont le mérite d’élargir le cercle des connaissances parmi lesquelles on évolue. Je n’ai pas de copain qui ait une camionnette, mais rien ne dit que parmi les adhérents du S.E.L. il n’y ait pas une offre correspondante. Comment dédommager le chauffeur bénévole ? En lui donnant des cours d’anglais, en lui prêtant une clarinette ou en gardant ses enfants un soir pendant qu’il fait du yoga chez un autre membre du réseau. Le problème ne se limite pas à un coup de mains ponctuel. Le travail à accomplir demande une intervention plus longue ? Testez le Woofing ou Help’x. Contre un lit douillet et une démonstration de vos talents culinaires pendant une quinzaine, vous aurez quelqu’un à domicile pour vous aider à tailler, démonter, réparer, labourer… et autres travaux que vous jugez hors de vos compétences ou de votre forme physique défaillante.
Marre de votre banquier et de ses constantes injonctions à emprunter pour acheter une nouvelle bagnole, ou pour boucher un découvert que votre flux financier n’arrive pas à faire disparaître ? Même dans ce domaine là il y a des démarches alternatives…
Marre de voir les dignitaires religieux de tous bords s’agiter sans cesse pour essayer de rogner chaque jour un peu plus sur nos libertés ? Ne nous laissons pas faire sinon nos lendemains qui chantent n’auront droit qu’à un répertoire des plus limités ! Vive les coquelicots, la polka piquée, la cuvée du patron et le droit au blasphème… Non mais sans blague quoi merde !
Bref, si on faisait les premiers pas pour s’acheminer vers un monde où banquiers, magnats de la finance, politicards assoiffés, généraux sanguinaires et autres vendeurs de pacotille n’aient plus aucune utilité… Bref si on mettait au placard les élites qui nous manipulent à la place des employés rebelles ? Je crois bien que ça nous ferait un bol d’oxygène. Quoi de plus réjouissant que la tronche d’un ministre de l’économie dépressif, à part celle d’un général sans armée ? Sachant que, dans mon esprit, ces combats-là n’excluent nullement certaines luttes syndicales et un bon nombre de combats politiques sur le terrain ! Mais si l’on veut lutter efficacement contre le désordre du monde, il faut commencer à chercher des solutions, là, tout de suite, autour de nous… construire de vastes réseaux d’entraide, trouver de nouvelles règles pour les échanges économiques, bâtir de nouvelles trames pour les relations sociales. Un boulot d’ampleur mais ô combien passionnant ! Vous verrez, d’ailleurs, la salade du paysan bio du coin, elle a une sacrée saveur. Quand on la partage, elle est encore meilleure. Guerre aux limaces !
9 Comments so far...
Anne-Marie Says:
14 mars 2015 at 16:22.
Beau bouquin qui redonne le moral, lu l’an passé et offert pour qu’il continue sa route …
Inventons jour après jour de nouvelles manières de vivre, de partager, d’espérer.
Rem* Says:
14 mars 2015 at 18:29.
A propos du beau bouquin de Bénédicte Mannier, tu nous cites, Zoë et moi comme « blogueurs sensibles à la rumeur du monde », merci… mais je préciserais volontiers : « et surtout à sa colère et à sa capacité d’œuvrer »…
Je ne me rappelle plus bien qui est Zoë (quel blog?), mais je me permets de te rappeler que tu voulais lire mon essai « Œuvrières et Œuvriers ». Rappel pour toi (et information pour tous!) : je diffuse cet auto-édition à 10€+2€de frais de poste, me contacter vite (stock: 20) :
remi.begouen@free.fr
Paul Says:
14 mars 2015 at 18:38.
@ Rem – Ah les troubles de la mémoire… Je connais ça ! Dois-je te rappeler, cher Rémi, que je t’ai acheté cet ouvrage, que tu me l’as envoyé et que j’en ai déjà apprécié une bonne moitié ? Quant à l’amie Zoë elle a en charge l’excellentissime blog « l’arbre à palabres » dont les références figurent dans les liens permanents de « La Feuille ». Beaucoup de bonnes choses à y découvrir !
Paul Says:
14 mars 2015 at 18:40.
@ Anne-Marie – Merci ! Je pense en effet que ce livre doit circuler. C’est sa destinée… J’en ai déjà offert un exemplaire ; je m’apprête à en offrir un second et je compte bien prêter le mien…
Anne-Marie Says:
15 mars 2015 at 13:41.
« Quand une multitude de petites gens dans une multitude de petits lieux changent une multitude de petites choses, ils peuvent changer la face du monde. » (Erich Fried)
Si l’on attend que « l’institutionnel » bouge, rien ne changera jamais, à nous de nous prendre en main
Patrick MIGNARD Says:
16 mars 2015 at 18:28.
Je crois que les chemins que tu espères sont déjà tracés et empruntés,… il va nous falloir développer des trésors de persuasion pour y faire cheminer de plus en plus de monde,… et un jour, inévitablement on se heurtera au système qui se sentira menacé et là,… il va falloir agir finement car il ne fera pas de quartier ! ! ! !
Paul Says:
16 mars 2015 at 20:46.
@ Patrick – Les chemins sont tracés effectivement, mais empruntés par une minorité et n’ont donc pas encore un véritable poids économique. Se pose effectivement le problème du point de rupture et il est bien réel ; il est fort probable que les marchands de soupe ne se laisseront pas dépouiller sans réagir. Là aussi il faudra innover en terme de stratégie et ça ne sera pas coton…