20 juillet 2015
Turluton dondon, turlutaine dondaine…
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; philosophie à deux balles .
C’est l’été alors on parle tourisme, voyage, traditions, nationalisme, préjugés et patin couffin…
Préambule : le choix d’un titre bizarre a pour motivation illusoire de détourner les big brothers de la planète du contenu plutôt séditieux des propos qui vont suivre. Vu l’ambiance qu’instaure l’évolution législative de notre beau pays peuplé de gens formidables, j’ai de plus en plus l’impression d’écrire avec une caméra de vidéo surveillance dans le dos. Et ce ne sont pas les propos mielleux des socialistes d’opérette, de Valls à Cazeneuve, qui vont me rassurer. « Vous n’avez rien à craindre de nous » déclare Bruno Leroux, le président du groupe roudoudou à l’Assemblée Nationale. Nous ne voulons traquer que les terroristes pas les citoyens respectables qui votent dur ou mou, mais qui votent dans le trou. Gardez la faction roudoudou au pouvoir et vous pourrez continuer à roudoudouler à votre aise… Sachant que le fait de vouloir manifester sur la place Taksim à Istanbul le premier mai est qualifié d’acte « terroriste » par Monsieur Erdogan, j’espère que ce brave gouvernement bienveillant que nous avons l’immense chance d’avoir porté au pouvoir, ne sera pas trop vite remplacé par les clowns sinistres qui jouent à sa droite. Au cas où le président du groupe roudoudou serait sincère (why not ? mais là je me la joue un brin naïf sur les bords !) je crains que ceux qui vont lui succéder, dans un futur trop proche, le soient un peu moins. Ne jouons pas à l’autruche : toutes les mesures de surveillance qui sont prises à l’heure actuelle n’ont qu’un objectif : prévenir toute tentative de mouvement social. Quant aux gus de la NSA, je pense qu’ils en ont pour un moment avant de décrypter le sens profond du mot Turluton… (« Do you think there is a link with « la turlute » ?)
Réflexions sur le nombril du monde et sa périphérie
Rassurez-vous, la canicule aidant, je me limiterai à quelques brèves réflexions inspirées par les derniers événements.
Je pars d’un simple questionnement : je me demande pourquoi les amoureux et les amoureuses du patrimoine et des traditions ont une forte tendance à me gonfler, alors que je suis moi-même amateur d’histoire, de vieilleries et autres coutumes locales. Je suis aussi un ardent défenseur de ma langue natale, mais prêt à adopter l’Anglais comme langue internationale, pour pouvoir dialoguer avec la moitié de la planète. Pour quelles raisons les confréries du Kamembert, du Gevrey Chambertin ou de la pelote basque me hérissent-elles le poil alors que je suis un ardent défenseur de l’époisse, du côte du Roussillon, de la gare SNCF de Trifouilly les oies et – tant qu’à faire – membre de diverses associations s’intéressant au patrimoine historique ou littéraire ?
Sans doute parce que tous ces braves gens ont devant les yeux une peau de saucisson si épaisse qu’ils peuvent admirer le viaduc de Garabit mais pas l’Alhambra de Grenade ; sans doute parce que j’adore manger des noodles frits aux légumes avant de déguster une lichée de Coulommiers. Point final. J’ai des racines ; je les revendique. Mais connaître celles des autres m’amène à les respecter un peu plus et à enrichir mon propre patrimoine culturel. On peut être « né quelque part » et admirer aussi plein d’ailleurs et plein d’autres possibles. Je ne vois point là de contradiction. J’avoue qu’il y a quand même des jours où j’aimerais mieux être né sur une autre planète plutôt que d’entendre mes con-citoyens énoncer des idées qui nous conduisent droit à une réédition d’Auschwitz ou de la boucherie de 14/18. Mais bon c’est comme ça au pays des bérets-baguettes. On vote Hollande, on se fait peur avec Mélanchon, mais Pétain et son pote Laval ne sont jamais bien loin.
La langue qu’on parle est un bel exemple à débattre : on peut vouloir défendre sa langue sans pour autant dénigrer celle du voisin ; s’amuser avec l’étymologie des mots et déplorer l’appauvrissement du vocabulaire courant, tout en ayant l’oreille complaisante aux belles sonorités de la langue arabe. Les visions trop étroites conduisent à la myopie puis à la cécité, avec cette réserve importante que les mal-voyants ont la chance de développer leur réseau sensoriel, alors que ceux qui ont passé leur vie à élaguer leur vision du monde, n’ont pas plus d’oreille que d’odorat. Disons le clairement, je considère les « jeunes identitaires » comme de « vieux couillons » et il ne me viendrait pas à l’idée de partager mon saucisson avec eux. Mon identité n’a pas de frontières, la leur s’étiole entre la Tour Eiffel et Notre Dame de Fourvière. Quelle indigence !
Alors…. Voyager ? Pourquoi pas ? Mais il y a tant de façons de s’ouvrir au monde ! Mon rêve serait de partir en voyage avec une valise pleine et une valise vide… Ce que j’offre ; ce que je reçois. Peupler mon univers avec celui des autres… Etre citoyen du monde et citoyen de chez moi… Etre aussi respectueux de leur culture qu’ils le seraient de la mienne… Avoir un minimum de connaissances sur les contrées que je découvre, de manière à ne pas asséner des énormités avec le sourire ravi de celui qui est convaincu que tout est mieux chez lui que chez les autres. J’aime beaucoup cette formule qu’utilise Mona Chollet dans son dernier livre « Chez soi » : « Ce que je recherche dans le voyage, c’est la façon dont il enrichira l’après, plus que le voyage en lui-même. » Reprendre son souffle et assimiler tout ce que l’on a rapporté dans la deuxième valise. Cette façon de voyager est bien éloignée du « rallye » auquel se livrent certains voyageurs, alignant comme des timbres dans leur album, des listes de métropoles, d’aéroports et de plages ensoleillées.
On peut se frotter au monde d’une autre manière aussi, en hébergeant chez soi des voyageurs qui viennent d’un « ailleurs » plus ou moins lointain. A travers leurs récits, leurs usages, on découvre une part de leur culture. Pour leur faire découvrir la nôtre, nous cherchons des éclairages originaux, et mettons en avant, parfois avec un œil critique, des comportements qui nous paraissent coutumiers. Ô combien de débats avons-nous eu, et avons-nous encore, sur les subtilités du vocabulaire français : les « savoir » et les « connaître », les « écouter » et les « entendre »… Quand je parle d’hébergement, il ne s’agit pas pour moi de fourguer une chambre gratos ou payante pour une nuit et de dire au revoir le lendemain matin. Je fais allusion à notre participation à l’association Help’x, qui nous permet des échanges pendant plusieurs semaines et une connaissance plus approfondie de nos invités. J’estime que je connais mon sujet puisque nous dépassons cette année la cinquantaine de personnes ou de couples hébergés. J’ai déjà fait plusieurs laïus à ce sujet et je ne détaillerai pas. Au mois de juillet, on fatigue vite les lecteurs.
Ce n’est pas un monde de bisounours que je vous propose là. Aucune complaisance, ni à notre égard ni à celui des autres. Je garde mon droit entier à la contradiction. S’intéresser à ce que fait l’autre ne signifie pas l’approuver, mais simplement comprendre avant de promouvoir ses propres arguments. Respecter ne signifie pas adhérer et le respect doit aussi être réciproque. On se déchausse quand on rentre dans un lieu public, sacré ou non, en Inde. Chez nous, personne ne fume dans la maison. Les comportements haineux et racistes ne sont pas les bienvenus. « Il n’y a pas d’étrangers ici, simplement des amis que vous n’avez pas encore rencontrés » (citation du poète anglais William Butler Yeats). Une maxime que je verrais bien affichée en dessus de notre porte, si on ne se méfiait pas autant des maximes !
Tout cela ne touche pas qu’au culturel, mais s’étend largement à la politique et à l’économie. Je rêve d’un internationalisme plein de curiosité et de sensualité plutôt que d’une mondialisation absurde et ravageuse. Je veux bien consommer local plutôt que de faire venir les articles dont j’ai besoin des antipodes. Mais je sais aussi que Barcelone, Milan, ou Francfort sont moins éloignées de chez moi ou à la même distance que Brest ou Lille. Le « près de chez moi » n’a donc rien à voir avec le tracé d’une quelconque frontière. Beaucoup de luttes en cours (no TAV, déchets nucléaires, licenciements…, pour n’en citer que quelques-unes) n’ont que faire des traits pointillés sur les cartes de géographie. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que le coq « cocorico » est meilleur que le poulet « kikiriki ». Les éleveurs savent aussi bien distribuer les antibiotiques à leurs animaux sur un versant des Alpes et sur l’autre. La question du « local » est aussi une question éthique et le concept du « zéro kilomètre » doit être tempéré par quelques considérations sociales ! J’accepte une majoration des coûts à cause de mes choix de consommation, sous réserve que l’argent supplémentaire que j’accepte de dépenser aille bien dans la poche du producteur ou du fabricant et non dans celle d’un intermédiaire peu scrupuleux. Je ne manque de rien mais je ne suis pas particulièrement fortuné non plus pour faire ces choix-là. Je préfère simplement réduire la quantité et favoriser la qualité (dans le sens le plus élargi du terme).
Quand l’échange peut échapper aux règles monétaires traditionnelles c’est encore mieux. Nous participons à un S.E.L. (Système d’Echange Local) à titre expérimental cette année. Il est trop tôt pour tirer nos premières conclusions, mais là encore les horizons s’affranchissent de certaines limites.
Un peu fourre-tout ce billet ? Il est à l’image de nos luttes actuelles. J’invite ceux qui ne voient pas le rapport entre le début et la fin de ma chronique, à faire une pause tranquille et à réfléchir à tous les sujets que j’ai effleurés ! Bonne méditation !
5 Comments so far...
Rem* Says:
21 juillet 2015 at 08:32.
Méditons, méditons !!!
Vaut mieux méditer que médire, bon… :
Je préfère tes « effleurements » de divers sujets (surtout à propos des notions du « local », de « l’étranger », etc.) que le début qui, au prétexte d’humour, fait la part belle et parano au thème « on est flicqué, donc tous fichus »…
Tout à l’heure, je me suis réveillé d’un genre de cauchemar matinal qui ne m’est jamais arrivé : avec ses clefs prêtées je vais dans l’appart vide d’un ami écrivain clandestin, y chercher pour lui son cahier manuscrit. Vide? non! : il y a là un type en train de lire le doc ! Stupeur réciproque : c’est un « ami » commun qui m’avoue travailler pour les flics…
… Il a la gueule de Valls, me sourit d’un ricanement carnassier et je lui envoie mon pied au cul : c’est le geste de ma jambe qui m’a réveillé. Et je suis en sueur (vive la canicule!) et je me marre du rêve bizarre…
Paul Says:
21 juillet 2015 at 11:33.
@ Rem – Je ne pense pas que ce soit de la paranoïa. Disons simplement qu’à travers l’humour de mon expression je veux faire part d’une inquiétude bien réelle quant à l’usage fait ou à l’usage possible de techniques d’investigation de plus en plus insidieuses. Quand un chantier de construction navale en Italie en est amené à équiper ses ouvriers de chaussures « pucées » pour les suivre dans leurs déplacements (sous couvert de sécurité) je pense qu’il y a lieu de s’inquiéter. Je suis entièrement d’accord avec ceux qui traquent et détruisent, par tous les moyens, ce genre de dispositifs calamiteux. Joli rêve. Par chance, j’échappe à nos « politiques » même dans mes pires cauchemars !
la Mère Castor Says:
28 juillet 2015 at 19:15.
pas fourre-tout du tout, même plutôt cohérent et j’adhère inconditionnellement (sauf pour la valise : pourquoi donc en prendre deux ? Il suffirait de boucher les trous -choses données- par les choses offertes, ou inversement) Pour les confréries, ce sont les costumes (tu te vois avec la grande robe et les baskets qui dépassent en dessous … ?) et le sérieux épouvantable des participants qui m’effraient : ça exclut tous ceux qui n’en sont pas et là on est mal barrés.
Topa Says:
12 août 2015 at 11:08.
Je passe du coq à l’âne assez souvent aussi.
Pour le coup, l’article est plaisant à lire et tout à fait vrai, il fait réfléchir.
Zoë Lucider Says:
15 août 2015 at 17:44.
Je suis passée et du coup j’ai remonté la liste des articles que je n’ai pas lus pour cause d’absence dans la blogosphère (sous l’arbre et ailleurs). Je partage l’inquiétude du flicage. Je lis en ce moment Le météorologue, dernière parution d’Olivier Rolin qui retrace l’aventure malheureuse d’un citoyen ordinaire pris dans la nasse de l’arbitraire stalinien. Rien ne nous garantit qu’un jour prochain de nouveaux cinglés ne viendront pas s’installer aux commandes des machines à éradiquer tous ceux qui ne leur reviennent pas. En attendant que la vie vous soit douce.