25 décembre 2008
Dernier Noël…
Posté par Pascaline dans la catégorie : Le sac à Calyces .
Monsieur le Chef du Personnel
Après de nombreuses années de service irréprochable durant une carrière pourtant longuette, même si certains voudraient m’en voir faire encore plus, je vous prie de bien vouloir prendre note de ma démission à partir de tout de suite et qu’on n’en entende plus parler non mais sans blague.
Ci-joint un courrier destiné à mes clients réguliers pour vous éviter de rédiger un tissu inepte de mensonges et d’hypocrisie.
Lettre du père Noël
Chers enfants
Ça commence bien, ce “chers” n’est pas à prendre au sens que vous croyez. Vos exigences depuis quelques années dépassent, et de beaucoup, des moyens que j’avais crus illimités.
Les temps sont durs voyez-vous, et, à quelques jours de l’échéance annuelle, une grève surprise de mon armée de lutins a causé beaucoup de tort à mon entreprise. J’avais pourtant délocalisé mon personnel au mieux, et depuis longtemps ; je ne peux pas les faire bosser plus loin ni les payer plus mal. Ils n’étaient pas syndiqués et préféraient les paillettes de la gloire à un salaire convenable. Mais un vent d’insurrection a soufflé et sous prétexte de retrouver une dignité perdue, ils ne se contentent plus de miettes.
Mes rennes prennent des formes inconnues de cancer à force de bouffer du lichen radioactif. En raison du réchauffement climatique, je cherche un système de refroidissement à poser sur mon traîneau ou sur leurs dos, sauf si je trouve quelqu’un capable de les tondre à ras. Ils ont du mal à s’adapter aux températures élevées et attrapent de nouvelles maladies. J’avais cru bénie la période pendant laquelle je les ai nourris de farines animales, puis mon troupeau a été victime d’une véritable hécatombe, alors je me suis posé quelques questions.
Quant à moi, contraint de me balader à moitié à poil vu le climat, je suis en rupture de contrat publicitaire avec coca-cola, rapport au manteau rouge, et c’est un sale coup supplémentaire.
Ajoutons à ça la mauvaise réputation des alcools et du tabac : il ne m’est plus guère possible d’en offrir par cartons de six ou par cartouches, je vous raconte pas la tête qu’on me ferait maintenant en passant à la caisse du supermarché ou du débit de tabac – ben oui, du supermarché, même si j’ai du personnel, les fournitures de base vous voulez que je les trouve où ? Dans ma hotte ? Ah ah !Pendant que je me prends la tête à pénétrer dans vos maisons bardées de serrures multi-sécurisées, vous célébrez l’anniversaire de l’autre pingouin, même certains ont cru s’y fier, total rien ne bouge. Vous attendez des jours meilleurs sans remuer le petit doigt.
Tout ça pour dire que cette année, je change de politique, d’objectif, de stratégie, de but… je fais ma petite révolution pépère dans mon coin. Plus de cadeaux matériels, je vous offre à la place un message de sagesse : consommez moins, ne bouffez pas trop, mais faites une fête à tout casser.
Quand vous serez remis de votre gueule de bois (deux cuillerées à soupe de sel dans une tasse de café, il n’y a pas plus radical), préparez la révolution douce, je ne vois plus que ça. Sortez de chez vous, sortez vos voisins de chez eux, faites marcher vos cerveaux, s’il en reste.
Consommer est devenu un but en soi, qui vous laisse insatisfait dans votre course en avant. Certes, il est trop tard pour y penser, il est trop tard pour arrêter, mais plutôt que d’attendre les ruptures de stock de foie gras et de saumon, prenez l’habitude dès maintenant de vous contenter de peu.Ne vous inquiétez pas pour moi, j’ai un deal pour prendre la place du dernier gardien de phoques dans le désert du Kalahari, un boulot un peu plus peinard que celui que j’exerce depuis bien trop longtemps.