23 novembre 2017
Solidarité avec Zehra Doğan
Posté par Paul dans la catégorie : Luttes actuelles .
Zehra Doğan est une artiste peintre et une journaliste kurde, originaire de Diyarbakir. Elle est aussi connue pour avoir fondé l’agence de presse Jinha, dont l’équipe est entièrement constituée par des femmes. Depuis février 2016 Zehra vit à Nusaybin, une ville située près de la frontière syrienne. Elle a été témoin des violences que la police et l’armée turque ont commises dans cette cité. Elle a été arrêtée le 21 juillet 2016. Un procès expéditif a eu lieu, au cours duquel un certain nombre de témoins (incapables de l’identifier formellement ou de fournir une description correcte) ont certifié que la jeune femme était membre d’une organisation terroriste (on devine laquelle !). Elle a été emprisonnée une première fois, puis libérée en décembre 2016, suite à de nombreuses protestations. Laissée en liberté surveillée, elle est à nouveau passée en jugement en mars 2017. Les chefs d’accusation ont alors changé. L’état turc lui reproche d’avoir réalisé un tableau dans lequel elle représente les dommages commis par les tirs d’artillerie et de chars de l’armée en ayant placé un drapeau turc sur les bâtiments détruits. Or ce tableau a été peint d’après une photo que les militaires turcs eux-mêmes ont fait circuler sur les réseaux sociaux en signe de victoire (sur le document photographique, les drapeaux sont bien visibles !). On lui a reproché également d’avoir fait circuler sur Internet la photo et le message d’une petite fille kurde de dix ans, Elif Akboga, témoignant des conditions de vie inhumaines que l’armée turque a imposées à Nusaybin. Zehra est enfermée d’abord à la prison de Mardin, puis, depuis juin 2017, dans celle de Diyarbakir, où elle purge une peine de deux ans, neuf mois et 22 jours…
L’agence Jinha a été interdite par décret et ses locaux mis sous scellés. Dans la prison de Diyarbakir, les loisirs sont interdits et tout le matériel qui lui servait à dessiner a été confisqué. Cela n’a pas empêché Zehra, avec l’aide d’autres militantes détenues, de réaliser un exemplaire manuscrit du journal Ozgur Gundem, une publication kurde qui a – elle aussi – était interdite par le gouvernement et qui constituait l’un principaux liens des détenu·e·s avec le monde extérieur. La journaliste a réussi à faire passer hors les murs cette publication clandestine. Un certain nombre de ses toiles ont été confisquées par la police, mais, à titre préventif, elle avait réussi à faire sortir d’autres œuvres de Turquie. Un collectif de militants, soutenus par la revue en ligne Kedistan, ainsi que par une tribu de petits chats noirs, a décidé d’éditer un catalogue de ces toiles et de ces dessins, accompagnés de textes sur la situation dans la province de Diyarbakir. Le livre est maintenant disponible et cela fait plusieurs jours que je l’ai sous les yeux. Du bel ouvrage : il est à la fois remarquable par sa qualité, et touchant de par l’intensité dramatique des témoignages de la jeune journaliste. Si vous cherchez une idée de cadeau militant pour les fêtes de fin d’année, je vous le recommande vivement, d’autant qu’une partie du produit des ventes est destinée directement à soutenir matériellement Zehra. Pour toute commande, le mieux est de passer par le journal Kedistan, en utilisant ce lien. Et puis, tant qu’à faire, ne manquez pas de consulter la « une » de Kedistan, vous aurez ainsi des informations sérieuses sur ce qui se passe dans les différents Kurdistan. Les luttes en cours n’ont plus tellement la faveur des medias, et pendant ce temps-là, l’armée turque veille, prête à toutes les basses besognes. Pourtant, la transformation sociale en cours dans la région du Rojava, en Syrie, est probablement un événement de première importance au niveau mondial. J’ai déjà traité ce sujet, à au moins deux reprises (voir aussi là), mais, depuis, la situation a beaucoup évolué !
«Oui, je suis otage, mais sur ma toile, j’ai créé avec le pinceau que je tiens, une prison de toutes les couleurs. Même si je suis emprisonnée, je peux changer des choses, parce que le pinceau est toujours dans ma main.» (Zehra Dogan, 13 août 2016)
2 Comments so far...
Paul Says:
26 novembre 2017 at 08:51.
@ Anne-Marie – merci pour la reprise. J’espère que tu ne seras pas la seule à passer à l’acte d’achat car le livre en vaut la peine.