5 décembre 2017

Théo et Rémi, chômeurs, en vacances permanentes aux Bahamas

Posté par Paul dans la catégorie : chroniquettes vaseuses; Humeur du jour .

Conte de Noël à peine politique

Il a bien raison, Daniel Adam, le député « En Marche » de Seine maritime. Et il n’est pas le seul puisque son pote du gouvernement, Castaner, et son collègue au Parlement  Wauquiez, ont dénoncé le même phénomène avant lui. Ces trois là ne sont soi-disant pas du même bord, mais leurs idées se rejoignent sans qu’il y ait besoin de trop de colle, lorsqu’il s’agit de défendre la veuve et l’orphelin. Votre blog préféré a enquêté sur leur assertion concernant les vacances perpétuelles des chômeurs. Voici ce que nous avons découvert après un reportage à haut risque.

Deux chômeurs sont passés aux aveux et ont révélé, à l’enquêteur de la « Feuille Charbinoise » (ma pomme, car je cumule les emplois pendant que d’autres glandent) les turpitudes indécentes dans lesquelles ils croupissent depuis qu’ils touchent leurs grasses indemnités de chômeurs bienheureux. Pauvre député Adam ! Il croit avoir levé un lièvre mais il est bien en dessous de la triste réalité. Les deux compères ont précisé qu’ils me racontent tout ça depuis la suite quatre étoiles qu’ils ont louée aux Bahamas pour six mois, assis sur une banquette moelleuse, un verre de cocktail à la main, les yeux tournés vers le grand large. S’ils ne sont pas encore à la plage, m’ont-ils confié, c’est parce que chaque matin, par conscience professionnelle, ils consultent leurs emails et visitent le site de Pôle Emploi, pour voir s’ils ont enfin une proposition d’embauche correspondant à leur profil atypique. Ces détails ennuyeux réglés, ils passeront de la banquette au matelas sur le sable, à moins que ce ne soit l’heure de leur leçon de surf. Ils apprécient cet exercice physique qui leur permet de se maintenir en forme pour leur futur emploi. En plus, les cours ne sont pas très chers : leur prof est rémunéré lui aussi par ses allocations chômages et ne demande qu’une modeste contribution en liquide pour compléter ses revenus. Grâce aux questions adroites que je leur ai posées, au cours de notre échange de courriels, j’ai découvert, assez rapidement, comment ces deux lascars ont réussi à vivre dans des conditions aussi paradisiaques depuis plus de trois mois ! J’espère vivement que notre élu marcheur préféré (Laurent Wauquiez, lui, il est tellement au top qu’il joue dans la « hors classe » !) va lire cette chronique et qu’il comprendra, sans trop stresser, à quel point il a mis le doigt là où ça fait mal ! Comment accepter, en effet, que de simples gens retraités, comme nous, acceptent de payer tous les mois des impôts qui ne servent qu’à entretenir des feignants ! Nous, si on veut passer une semaine au paradis (le Club Med ou Center Parcs) il faut qu’on se prive de presque tout pendant des mois… Il a bien raison de dénoncer cette situation ce brave Daniel « en marche vers plus de fraternité, d’égalité et de justice » ! Ah si j’habitais dans la Seine maritime…

Revenons à nos deux fraudeurs – car je suis bien convaincu que c’est de cela dont il s’agit ! Comme l’a dit cet extrémiste PS de Filoche, y’a une limite au pognon ; si on gagne trop c’est qu’on n’est pas très net ! Nos gars sont sans doute de sales hackers qui ont réussi à berner les gentils employés de Pôle Emploi et à pirater le fichier qui les concerne…
Voyons comment ils se présentent et surtout comment ils justifient leur situation amorale.

«Ben voilà m’a expliqué Théo. Avant, je bossais au service de nettoiement de la ville de Trifouilly. Les conditions étaient correctes : le Smig, trente-cinq heures et des poussières, les congés payés, une pintade à Noël. Mais, à la fin de l’année dernière, j’ai coincé une poubelle dans le camion et je me suis cassé un ongle en appuyant sur le bouton d’arrêt d’urgence. Il y a eu un courjus et le camion a pris feu. Je suis passé en conseil de discipline et j’ai failli être lourdé. Faut dire que le délégué du personnel y m’aime pas trop ; on n’est pas du même syndicat ; lui il est plutôt du côté des « marche au pas » ; moi je préfère rigoler avec les zanars. Y m’a pas trop défendu ; je dirais même qu’il a aidé la direction à me pousser vers la sortie. Du coup, quand l’équipe municipale a changé et qu’ils ont décidé de faire des économies sur les dépenses somptuaires, je me suis retrouvé au chômage. C’était pas mal : moins que le Smig, zéro heures, un « cordon bleu » à Noël. Le seul problème, c’était le fric… J’avais pas de quoi payer mon loyer au centre ville, pas de copine pour me loger, et le « restau du cœur » où j’allais bouffer à la fin de mois, du 10 au 30, a fermé, faute d’emplois aidés comme ils avaient avant. C’est là que j’ai rencontré Rémi. Il m’a aidé à bidouiller quelques infos sur ma fiche informatique. Ce con, y m’a fait passer pour un ministre au chômage, ancien sénateur, ancien député européen, ancien membre du Rotary Club. Alors là, ça a été le choc ! Même mon banquier n’a pas trop compris comment la fée carabosse avait boosté mon compte. Mais tant qu’il y a du pognon, y’a de l’espoir pour un banquier alors il a pas moufté à propos des trucs bizarres. Il ne comprenait pas que je parle aussi mal pour un ancien ministre inscrit au Rotary. Il a fallu que je lui explique que je parlais comme ça uniquement pour faire peuple. Si ça lui faisait plaisir, je pouvais jacter comme un aristo, mais il fallait qu’il me fasse une petite faveur concernant la cotisation annuelle de ma « Gold ». Vous comprenez, mon père, il était propriétaire d’un château dans le Bordelais, mais il a tout vendu aux Chinois !»

J’étais tout retourné par ce que je venais d’entendre. La confession de Rémi, c’est par téléphone que je l’ai reçue, car je voulais vérifier qu’il y avait bien de vrais êtres humains cachés derrière toutes ces turpitudes. Quand Rémi m’a appelé, j’ai rentré la tête dans les épaules : j’étais prêt à tout entendre ! L’autre touriste permanent aux Bahamas m’a alors raconté que lui il n’était pas verni comme Théo. Lui il ne touchait plus que la moitié des allocations tellement ça faisait longtemps qu’il était indemnisé. Il avait dû faire comme Robin des Bois : prendre de l’argent aux riches pour se le redonner à lui. Par chance, le bricolage informatique n’a pas été trop compliqué. Il a la chance de porter le même patronyme que le patron des usines Molecon qui s’est fait licencier deux années avant. Du coup, le bidouillage n’a pas été trop complexe (enfin, d’après lui !) Son homonyme avait bien négocié le coup : un parachute doré avec une voilure assez large, plus le poste de « conseiller financier » à vie. Ce boulot de remplacement l’avait assez vite emmerdé et il s’était fait à nouveau licencier. Depuis, il pointait au chômage comme « cadre supérieur polyvalent ». En fait, c’était « il pointait » et maintenant c’est « je pointe »… Mais comme sur la fiche de CV c’est marqué « patron », c’est pas facile se recaser, à cause de la crise. «Et il ne faut pas croire, m’a précisé Rémi. Y’a une certaine justice dans tout ça : les cadres supérieurs sont traités comme les larbins ; passé un certain temps, leurs indemnités, même confortables, diminuent. Là aussi, il a fallu que j’intervienne : j’ai dû modifier la date de licenciement sinon j’allais me retrouver avec des clopinettes. La preuve ? J’ai dû vendre l’appartement que j’avais acheté à Lisbonne pour financer la location de notre petit pied à terre aux Bahamas. Heureusement que je me suis arrangé pour que Théo ait un peu d’argent de poche ! Enfin, si vous connaissez une place de patron qui est libre… moi je veux bien !»

J’étais complètement abasourdi par cette histoire, au point que j’envisageais d’envoyer un courriel de félicitations aux trois courageux élus, qui avaient, pour une fois, pris le temps de s’attaquer au lobby surpuissant des chômeurs. J’ai commencé à chercher l’adresse de ces trois admirables guérilleros. C’est alors que le téléphone a sonné à nouveau : j’ai décroché, c’était Rémi…

Il a commencé par s’éclaircir la voix ; il a bafouillé un instant, puis il m’a dit «tu vas le publier ce truc ? En fait, soyons honnêtes, c’est un « fake », des conneries quoi. Avec Théo, c’est pas exactement aux Bahamas qu’on est… On vit dans une caravane pourrie, dans le camping de Trifouilly. Je vais te donner notre adresse poste restante. Tu pourrais pas faire un geste ? T’aurais pas du fric en rabe pour qu’on se rachète un pétard ?»
Je me suis dit que je ne le publierai pas, finalement, ce texte. Mon pote Wauquiez serait capable de dire que les chômeurs gaspillent leurs allocs pour fumer du chichon. Y’en a bien un, de ces enflures, qui a bloqué le RSA d’un pauv’gars, sous prétexte qu’il était alcoolique… Compte pas sur moi, Big Brother, pour que je renseigne tes fichiers. Ce n’est pas mon job de dénoncer les chômeurs homosexuels drogués… Je ferais peut-être mieux d’enquêter sur les comptes en banque dans les paradis fiscaux ; des fois qu’il y ait un député en exercice qui ait un compte aux îles Caïman !

4 Comments so far...

Zoë Lucider Says:

5 décembre 2017 at 22:59.

Merci pour ce conte, qui permet grâce à l’humour de supporter l’invraisemblable outrecuidance de ces jobards.

Paul Says:

6 décembre 2017 at 08:20.

@Zoë – Il y a un stade où l’on ne sait plus comment réagir à, comme tu le dis si bien « l’outrecuidance de ces jobards ». Il y a eu le temps de la dynamite, mais les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances. Reste l’humour, en attendant qu’on les envoie faire de l’animation dans les maisons de retraites, à moins qu’ils ne remplacent les manchots empereurs dans les zoos.

Zoë Lucider Says:

6 décembre 2017 at 21:12.

Je crains hélas qu’ils ne soient remplacés par leur progéniture dûment entraînée à la prédation tous azimuts.

la Mère Castor Says:

8 décembre 2017 at 11:21.

Merci Paul, rions au lieu de pleurer.

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