20 décembre 2017

Mes dix livres préférés de l’année

Posté par Paul dans la catégorie : mes lectures .

Décembre est, paraît-il, le mois des bilans. Beaucoup de blogueurs en font un : livres, films, disques, concerts et pourquoi pas enterrements… qui les ont marqués pendant l’année. Pour moi c’est une première !
Il y a des ouvrages que j’ai ajoutés dans la liste sans aucun doute (au moins cinq), d’autres pour lesquels j’ai eu des hésitations. Pourquoi celui-ci et pas celui-là ? Pourquoi mentionner ce livre qui est largement connu du public et considéré comme un best-seller, et laisser de côté ce titre moins connu pour lequel un petit coup de promotion serait profitable ?
Pour ce titre aussi j’ai hésité parce que j’envisageais d’écrire « les dix livres qui m’ont le plus intéressé cette année », et qu’il y a, à mes yeux, une nuance entre « préféré » et « intéressant », nuance sans doute sentimentale. Cela explique aussi qu’il y ait peu ou pas de livres véritablement politiques dans mon énumération, alors que j’ai lu des choses fort intéressantes aussi dans ce domaine-là. Il faudrait que j’établisse une autre liste, intitulée par exemple « dix livres que je vous recommande de lire ! » Y figurerait probablement le tome 1 de « la CNT dans la révolution espagnole » de José Peirats… Bref, il n’est pas simple de jouer à ce jeu de sélection, finalement très arbitraire et très personnel ; il est sans aucun doute critiquable, mais peut-être vous donnera-t-il quelques envies…
J’ai parlé de liste, mais non de classement. Les titres sont placés dans l’ordre où ils me sont revenus en mémoire, ce qui veut quand même dire que les premiers cités ne m’ont posé aucun problème de choix ! Comme la liste est longue aussi, je me contenterai de vous parler des ouvrages les moins connus. Les autres n’ont pas besoin de mon « soutien promotionnel » ! Que Fred Vargas ou Peter Wohlleben me pardonnent d’avoir été aussi concis…Il n’empêche que je les aime bien quand même.

Les huit montagnes de Paolo Cognetti
Une de mes dernières belles découvertes, mais je ne sais plus à qui je la dois ! Ce dont je suis certain c’est qu’une interview de l’auteur, Paolo Cognetti, sur « A Rivista », la première des revues italiennes dans l’ordre alphabétique, avait aiguisé mon appétit ! J’ai donc débuté ma lecture assez fortement motivé, contrairement à d’autres ouvrages que j’aborde avec une certaine méfiance. Ce livre est un succès éditorial en Italie, avec plus de six cent mille exemplaires vendus, et une traduction dans plus de trente langues. J’espère que la version française, traduite avec talent par Anita Rochedy (elle aurait mérité son nom en couverture !), connaitra le succès mérité, car, croyez-moi, elle le mérite. Encore un livre pour lequel j’ai du mal à cerner vraiment précisément ce que j’ai apprécié. Plusieurs thèmes sont abordés : l’amour de la marche, la vie (et peut-être devrais je dire la survie) à la montagne, les relations familiales, l’importance de l’amitié, la recherche de nouveaux espaces de liberté à conquérir… Un foisonnement dans lequel l’auteur chemine habilement. Certaines scènes sont vivantes et chaleureuses, d’autres plus tristes mais sans jamais sombrer dans le mélo. Les images utilisées pour nous faire ressentir la beauté des paysages sont plaisantes. Les relations entre amis, entre père et fils, entre mère et fils, entre compagne et compagnon, sont décrites de façon profondément humaine. J’ai eu envie de noter, à défaut de mémoriser, plusieurs passages d’une grande sensibilité et, à peine le livre posé, j’ai ressenti le besoin d’une relecture pour prolonger mon plaisir. Ce qui est intéressant aussi c’est que Paolo Cognetti ne se contente pas d’une simple description du quotidien de ses personnages mais que son livre ouvre la réflexion sur le besoin que ressentent de plus en plus de jeunes et de moins jeunes de retrouver ou de découvrir des territoires nouveaux au sein desquels ils se trouvent plus libres que dans les grandes cités où l’oppression et la surveillance deviennent une constante. Aux États-Unis, c’est à l’origine la ruée vers l’Ouest et la fascination pour l’Oregon, les Rocheuses ou la Californie, puis maintenant l’attirance pour un état du Nord comme l’Alaska. En Italie, ce sont les hautes vallées des Alpes qui jouent ce rôle d’aimant pour les habitants désorientés des grandes métropoles de la plaine du Pô, notamment vers l’Est, dans la région du Trentino. Dans l’interview donné à un camarade de la revue « A », Paolo annonce son intention d’investir une partie de l’argent gagné avec ses droits d’auteur dans la construction d’un refuge de haute montagne, à la fois abri pour les randonneurs et centre d’agitation culturelle… Il y a certes des éleveurs, des artisans qui constituent ce nouveau peuple de montagnard, mais aussi des peintres, des poètes ou des écrivains comme lui. Ce qui est le plus dur pour tous, ce n’est pas forcément la rigueur de l’hiver, mais le manque de lien social et d’échanges culturels, plus faciles à établir lorsque l’on habite une grande métropole. Un manque à combler et des initiatives à prendre qui seront les bienvenues.

La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben
Un best seller au niveau mondial dont le succès est mérité. Tout ce que vous rêvez de savoir concernant la vie sociale de la forêt. Plus qu’à démontrer que les salades souffrent aussi quand on les coupe et les végétariens les plus radicaux seront bien ennuyés. Le livre de ce garde forestier allemand est vraiment une mine d’informations. Pas mal d’autres ouvrages du même genre sont parus cet automne ; comme s’il y avait un filon à exploiter ou que nos concitoyens prennent enfin conscience de la valeur des arbres et des forêts. Celui de Wohlleben est sans doute le plus enthousiasmant. Certaines descriptions des modes de « conversation » entre les arbres sont carrément lyriques. Nul doute que certains esprits chagrins trouveront que l’auteur exagère un peu. Mais je crois que nous avons de grandes lacunes dans notre connaissance du monde végétal et qu’une petite secousse à l’encontre des pseudo certitudes acquises ne peut pas faire de mal.

Kalawaya – Churla chamane bolivienne de Henry Gougaud
J’ai beaucoup apprécié ce livre découvert à l’automne. La biographie de Churla est vraiment étonnante et Henri Gougaud la raconte avec talent. Avoir un père anarchiste, recevoir une éducation de Kalawaya (chamane) en Bolivie, faire des études brillantes dans un lycée catholique, devenir membre de la guérilla pendant la dictature militaire… Ce n’est pas une destinée commune. Ce ne sont là que quelques unes des péripéties de la vie de Churla. le récit de Gougaud est émaillé de réflexions philosophiques d’un grand intérêt ; tout cela étant écrit avec beaucoup de clarté et dans un style accessible à tous. Je connaissais un Gougaud conteur, chantre de l’Occitanie ; je découvre là un nouveau visage de ce personnage fort sympathique. Je vous propose de lire cet ouvrage qui est un petit bijou et qui invite, sans trop se prendre la tête, à réfléchir sur ses choix personnels et sur nos relations avec les personnes que nous fréquentons. Je pense aussi que le livre démontre à quel point une éducation ouverte a son importance dans la construction d’une personnalité solide et équilibrée. Je ne connais pas beaucoup de pères révolutionnaires qui auraient accepté que leur fille fasse des études dans un collège religieux, et mieux encore, que cette fille ait les outils suffisants en main pour déconstruire les pseudo vérités qui lui sont assénées…

 Rosa Candida de Auður Ava Olafsdottir
Une belle découverte aussi. J’avoue que je me suis régalé, bien que ce livre soit un peu un OVNI dans mon paysage habituel de lecture. C’est l’émission d’ARTE, « l’Islande vue par ses écrivains », qui m’a donné cette envie de voyage littéraire. Beaucoup de fils se sont tissés pour me faire apprécier la toile qu’a tracée l’auteure : le ton du récit, l’ambiance, la singularité des personnages dépeints et des décors. Une saga islandaise à l’envers puisque le besoin de voyager n’est pas motivé par l’idée de conquête de nouveaux territoires, mais par la simple envie de faire connaître, de par le monde, une bouture de rose créée par une mère jardinière. Notre aventurier part avec l’intention d’occuper le poste de jardinier dans un monastère quelque part en Europe. La destination n’a guère d’importance, seule compte la rose et les personnes rencontrées. Dans ce monastère, une rencontre surprenante elle aussi, celle d’un moine amoureux de cinéma qui accumule les cassettes vidéos dans sa cellule. Ajoutons à cela une paternité mal assumée après une rencontre fugitive. Cette histoire est aussi le récit d’un apprentissage et d’une ouverture à un monde qui ne se limite pas à un jardin aussi beau soit-il.  Je ne voudrais pas déflorer le parcours atypique choisi par l’auteure pour son héros, et je m’arrêterai là dans la liste des faits et des images qui m’ont fait apprécier ce livre. J’ai eu envie de découvrir d’autres titres de la même écrivaine, mais, pour l’instant, le sortilège avec lequel elle m’a envouté n’a fonctionné qu’une fois.

Quand sort la recluse de Fred Vargas
Retour en force de cette grande dame de la littérature policière. On n’est pas déçus et c’est du Vargas pur jus, sans compromis. Les non-fans peuvent s’abstenir ; ils risquent des boutons. Les amateurs de thrillers haletants aussi ! Notre bon commissaire Adamsberg a le blues au début de cette histoire et s’il accepte de quitter l’Islande et de revenir à la brigade pour résoudre (en trois coups de cuillère à pot) une énigme insoluble (apparemment), c’est bien contre son gré. La mauvaise humeur est au rendez-vous et son fidèle second, Adrien Danglard entre en résistance lorsque son ami décide de s’intéresser à la toxicité du venin d’une araignée peu courante… N’oublions pas que Mme Vargas a une formation d’archéozoologiste et que rares sont les romans où n’apparaissent pas de petites bestioles. Si après la lecture de cette histoire palpitante, vous vous permettez encore de dire que les araignées sont des… insectes, je ne donne pas cher de votre peau !

Mes amis devenus de Jean Claude Mourlevat
Retrouver Mourlevat c’est toujours un plaisir. J’ai lu et fait lire (en classe) certains de ses romans comme « La rivière à l’envers » ou « Terrienne » qui sont plutôt destinés à des ados mais que l’on peut apprécier tout autant quelques dizaines d’années plus tard !
J’ai découvert ces jours-ci que cet auteur écrivait aussi pour les adultes. J’ai ouvert « Mes amis devenus » à la première page et je l’ai posé… à la dernière, un peu abasourdi par l’excellent moment que je venais de poser. Je me suis retrouvé, comme à la lecture de Jacques Poulain ou de Paolo Cognetti, dans un habit si confortable que je n’avais plus envie de m’en séparer.
Le thème, très bien posé par le titre, est un classique, celui des retrouvailles « longtemps après », mais la façon de le traiter ne l’est pas. Les personnages qui peuplent le roman sont originaux et attachants. Certains, dont le récitant, n’ont pas eu la vie facile. Aucune mièvrerie, aucun mélo dans ces biographies entrecroisées. L’auteur a su nous conter cette belle histoire d’amours et d’amitiés avec le ton qu’il fallait : réalisme, délicatesse, humour… J’avoue aussi que la fin m’a agréablement surpris par sa finesse, mais je n’en dirai pas plus… Après ce livre j’ai eu envie de revoir des films comme « Peter’s friends » de Kenneth Branagh ou « Les copains d’abord » de Lawrence Kasdan, tant les tonalités sont proches. Je ne l’ai pas encore fait, mais la période des fêtes est propice aux rétrospectives cinématographiques !

Dans la forêt de Jean Hegland
Ce livre-là, je ne vais pas trop vous en parler car c’est déjà chose faite dans ce blog et je ne voudrais pas que l’on m’accuse de rabâchage… Parce que de là, à « sénilité précoce », il n’y a qu’un pas ! Cela ne m’empêche pas de vous répéter tout le bien que je pense de ce roman post-apocalyptique original. Là aussi, le succès rencontré auprès du public est mérité. Je n’espère qu’une chose c’est que d’autres titres de la même auteure soient traduits, mais je suis inquiet car le comportement des éditeurs français en matière de traduction est assez chaotique. S’il n’y a rien à espérer ces temps-ci côté gouvernemental, du côté des écrivain·e·s étatsunien•ne•s et canadien•ne•s, il y a beaucoup de grands textes à moissonner !

Liberté belle de Joël Cornuault
Je crois bien que c’est un ouvrage que je vais ajouter à la liste de ceux que j’emporterais sur une île déserte, pour tenir compagnie à Jacques Poulain et Élisée Reclus. Un livre précieux pour la beauté des images qu’il fait naître dans ma tête et pour les idées qu’il développe.
Il s’agit d’un recueil de textes courts, genre littéraire dans lequel j’ai parfois du mal à entrer, sauf dans le cas présent. Je pense que le fil conducteur est suffisamment solide pour que je puisse sauter sans peine d’un lieu à un autre. L’auteur montre le plaisir que l’on a à marcher et la sensation de liberté qui est le complément indispensable à cet exercice. La lecture de certains passages est véritablement jubilatoire. On a un peu l’impression, d’une histoire à l’autre, de butiner les fleurs dans une prairie. On s’aperçoit, à la fin, qu’au milieu de tant de légèreté se cache matière à pas mal de réflexion !

Les vieux fourneaux de Paul Cauuet et Wilfrid Lupano
Eh oui ! C’est une série de quatre BD (la cinquième arrivera sans doute un jour) et quelle série ! Il est rare que je rigole autant et que j’ai envie de prendre des notes tant certaines répliques sont plus vraies que nature. Pour l’instant ma vision est trop bonne pour que j’adhère au groupe « Ni yeux ni maître » mais qui sait… Au fil des pages on suit les aventures cataclysmiques d’une bande de papys contestataires qui se baladent de squats parisiens en ZAD remuantes. Leurs modes d’action sont souvent surprenants et les armes utilisées pas toujours très « politiquement correctes », mais quelle poilade (si vous me permettez l’expression). Autre personnage central de la BD, une sympathique marionnettiste fauchée qui essaie de mener sa barque au milieu de la tourmente des événements sentimentaux et matériels. Chaque volume propose une histoire complète et permet surtout que se dévoile peu à peu le passé complexe des différents intervenants. Essayez le tome 1 rien que pour voir !

Le moine et le singe roi de Olivier Barde-Cabuçon
J’ai lu avec plaisir ce dernier volume paru des aventures du « commissaire aux morts étranges » et de son moine d’acolyte. Cette série raconte des enquêtes assez originales à l’époque de ce bon vieux Roi Soleil. Quel portrait troublant de réalisme des mœurs de l’aristocratie décadente et de la pétaudière de Versailles ! D’histoire en histoire, le personnage du moine m’est de plus en plus sympathique. Ses principes moraux sont sans doute en avance sur son temps et il formule clairement des idées qui paraissent bien modernes, mais cela change un peu des héros ténébreux et infaillibles que l’on trouve dans certains romans ! Deux reproches à formuler : quelques longueurs dans le texte et une solution un peu trop originale et assez peu crédible à l’intrigue ! Mais je n’en dirai pas plus. J’attends avec impatience la suite de cette série…

J’espère que vous me pardonnerez ce long pensum. J’ai renoncé à inclure des citations, mais je compte bien vous offrir un second opus sur le même thème, avec quelques beaux extraits de ces livres. Juste quelques jours pour vous laisser le temps, qui sait, de digérer, et, encore mieux, de me faire quelques suggestions de lecture pour bien démarrer l’année nouvelle dans ma bibliothèque. Le pire, pour moi, c’est d’enchainer sur un autre titre lorsque je viens de terminer une histoire qui m’a enchanté…

2 Comments so far...

Zoë Lucider Says:

29 décembre 2017 at 23:27.

Je ne vous remercie pas Paul, car à part trois d’entre eux (la recluse, les arbres et osa Candida), je ne connaissais pas les autres et vous m’avez donné une furieuse envie de les ajouter à la pile déjà conséquente de ceux qui attendent (paisiblement par ailleurs) que je m’occupe d’eux.Une nouvelle année que je vous souhaite remplie de ces moments que Françoise Héritier décrit dans ses deux livres délicieux « le sel de la vie  » et « Au gré des jours.

Paul Says:

30 décembre 2017 at 08:27.

@ Zoe – Je me passerai de remerciements car les vœux me vont droit au cœur. La liste des dix titres pourrait être facilement complétée car cette année 2017 a particulièrement « enrichi » ma bibliothèque. Dernière trouvaille en date, un autre Paolo Cognetti « l’enfant sauvage ». Meilleurs vœux à vous aussi ainsi qu’à « l’arbre » !

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