25 mars 2019
Propos vélosophiques peu amènes d’un cyclo-jardinier à assistance électrique
Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; chroniquettes vaseuses .
Ainsi donc, délaissant un tantinet le cheminement pédestre, nous faisons du vélo. Faisant fi de toute considération écologique respectable, nous faisons du vélo à assistance électrique. Pas étonnant de la part d’un mec qui a toujours préféré la motobineuse aux charmes de la grelinette… Mon procès ne s’ouvrant pas ce jour, je n’ai point requis les services d’un avocat de la défense, mais je vous dirais quand même qu’étant donné mon âge avancé, mon insuffisance de pratique de la bicyclette à propulsion exclusivement musculaire, et l’état de décrépitude de mon dos de jardinier exubérant, c’était ça ou le fauteuil devant la télé. Et la télé, ma bonne dame, ça fait grossir, la télé : trop de mauvaises émissions c’est pas mieux qu’un excès de sucre ou de graisse. Ce n’est pas le cholestérol qui menace dans ce cas là mais l’affadissement mental. Cette maladie fait déjà suffisamment de mal comme ça ; pas besoin de nouveaux cas ! Plus la télé est allumée, plus le spectateur croit les journalistes et plus il avale de propagande. J’en connais quelques uns même qui pensent faire partie de la « start-up nation » de Missié le Prince. C’est dire ! A ce stade là, c’est comme le staphylocoque doré, plus de remède possible. Revenons à nos deux roues.
Pédaler, c’est comme désherber les carottes, ça purge le cerveau et ça aide à réfléchir, donc c’est mieux que le 20h. Cela ne figure pas dans les enseignements du Bouddha et c’est dommage. D’habitude la réflexion s’interrompt dans les montées un peu raides ; avec l’assistance électrique, on conserve toute l’énergie dans ses neurones jusqu’à 10/15 % de pente au moins. La seule différence importante avec la marche à pied c’est que le « risque technologique » doit être pris en considération. Par exemple, sur les pistes cyclables, les bâtisseurs ont une désagréable tendance à mettre des barrières en quinconce. C’est terrible à franchir lorsqu’on va à la vitesse de la lumière. Certes, l’intention est louable : il s’agit d’empêcher les zotomobilistes de les utiliser comme piste d’entrainement ou comme lieu de stationnement. Ça emmerde aussi les quads et ça, j’avoue, c’est le bonheur. Je hais les quads ; je suis en train d’étudier la manière dont les forces d’occupation nazies ont aménagé les plages de Normandie et de Provence contre le débarquement des engins amphibies pour reproduire les mêmes dispositifs dans nos chemins forestiers… Ah ah ah ! Le quad empalé ou projeté au sommet d’un peuplier par une catapulte habilement dissimulée sous les feuillages… Restons calme, on va me reprocher d’inciter à la haine raciale. Tout cela pour vous dire qu’il faut quand même que le pilote conserve quelques branchements disponibles pour éviter le décollage trop brutal et l’atterrissage peu distingué qui pourraient nuire à l’équilibre mental du conducteur passager.
Quand j’ai le temps de réfléchir, et d’observer ce qui se passe autour de moi, j’ai une tendance incontrôlable à râler. Vous en avez eu un exemple dans le paragraphe précédent. En vélo, les fesses sur la selle, ça ne change pas : ma batterie se décharge progressivement mais c’est tout le contraire pour ma sacoche à bêtise. Il faut que je vous raconte tout ça : je sais que vous adorez les critiques acerbes ! Histoire de s’échauffer, on va parler un peu de la célèbre Via Rhona qui passe non loin de chez nous. Je n’habite pas au bord du Rhône, mais il se trouve que suite à un coup de baguette magique départemental, il se trouve que le tracé a été modifié en fin de réalisation pour répondre aux requêtes de deux municipalités qui proposaient trois solutions pour bénéficier de cette manne touristique (encore peu abondante). La première suggestion c’était de détourner le Rhône qui passe (ô rage, ô désespoir) à quelques encablures des deux mairies concernées ; la seconde c’était de déplacer les villages pour les placer le long du fleuve ; et la troisième, enfin, de détourner la piste cyclable. Etant donné les budgets limités disponibles en Rhône Alpes à l’époque, figurez-vous que c’est l’idée numéro 3 qui a été choisie par nos décideurs… Petit détail amusant c’est dans la traversée de l’une de ces communes relocalisées en bordure du fleuve à deux roues, que l’itinéraire de la susdite Via Rhona est le moins intéressant, et sans doute le plus dangereux… Sans parler de cette longue ligne droite souvent ornée de panneaux « danger, chasse en cours, tir à balles », inscription plaisante en dessous de laquelle l’envie m’a démangé à plusieurs reprises de rajouter « lâcher de cyclistes vivants »…
En toute objectivité, et grognements mis à part, il faut reconnaître que cet itinéraire, le long du Rhône, (en partie) réservé aux vélos a bien des aspects sympas. Depuis deux ou trois ans, nous arpentons la section qui navigue entre Belley (direction Genève) et Lagnieu (direction Lyon). Depuis que nous sommes subventionnés directement par notre fournisseur d’électricité (verte) cette tendance s’est encore accentuée. Nous essayons d’emprunter un bout de piste cyclable chaque fois que nous décidons d’un itinéraire, si possible en boucle. Figurez vous que je peux déjà vous communiquer quelques observations judicieuses faites ces derniers mois et me permettre de vous donner de modestes conseils.
Une première remarque concerne le calendrier : mieux vaut éviter le dimanche si l’on veut faire un parcours un peu long sans avoir à freiner ou à klaxonner tous les cinquante mètres. Ce jour-là, la Via Rhona est largement utilisée par les piétons, pousseurs de poussettes et contemplateurs de smartphone. Parenthèse sociologique sur la vie de famille. Beaucoup d’adultes que l’on croise au cours de leur déambulation sont accompagnés de smartphones, de chiens, de poussettes ou de trottinettes ou de bambins à pied (rare)… En observant leur comportement, on peut en déduire que ce sont en premier lieu leur téléphone qu’ils emmènent prendre l’air ; en second lieu leur chien et pour finir, faute de mieux, leurs enfants ou petits-enfants. Figurez-vous que si la personne que l’on croise parle à haute voix, c’est dans 70 % des cas à son blablaphone, dans 20 % des cas à son chien-chien… Oui-oui, je vous laisse calculer tout seul le pourcentage de malades mentaux ou de babas cools attardés qui s’adressent à leur progéniture. J’ai vu l’autre jour sur l’étrange lucarne une Madame spécialiste de la petite enfance parler du nombre de mots acquis par les chérubins lorsqu’ils sont confrontés à l’apprentissage de la lecture. Il paraît que plus le vocabulaire oral est important, moins la confrontation sera sanguinaire. Cette éminente spécialiste avançait un nombre supérieur à mille mots, pour être à l’aise, et constatait, avec tristesse, que dans beaucoup de cas, les enfants qui abordent la lecture n’en possèdent que deux ou trois petites centaines… Mais que fait donc la télévision ?
Une seconde remarque, plus « touristique », concerne la beauté des tronçons que nous avons arpentés. Le plus joli est, sans trop de concurrence, l’antenne de la Via Rhona qui permet de se rendre dans la charmante bourgade médiévale de Crémieu. Le cheminement choisi par nos bienfaiteurs départementaux est super agréable : pente régulière, jolis ouvrages genre viaducs, ou tracés en talus à flanc de coteau… Ce qui me fait un peu mal au cœur c’est que ce tronçon de piste cyclable emprunte tout simplement l’ancien tracé de la voie des Chemins de fer de l’Est de Lyon. Ça peut être un itinéraire de qualité mon neveu ! Rien de tel qu’une ancienne voie ferrée pour faire passer une « voie verte ». Au train où ça va d’ailleurs, la France va être quadrillée de pistes cyclables, vu le nombre de lignes ferroviaires qui ont ou qui vont passer de vie à trépas. Il suffit d’enlever les rails comme ça on est bien certain que pas un illuminé ne voudra y faire à nouveau circuler un train un de ces quatre. Bref, pour un grand amateur de transport ferroviaire, comme moi, ça console sans consoler…
Nous voilà puissamment motivés pour aller rouler ailleurs, dans quelques semaines. Nous avons des vues sur les voies vertes qui longent les canaux de Bourgogne et du Nivernais. Nous vous tiendrons au courant de cette escapade au pays des vignobles, des clochers romans et de la navigation fluviale… Les canaux aussi c’est intéressant en matière d’horizontalité. Ça nous permettra ensuite d’envisager sereinement les grands cols des Alpes quand les poules auront des dents !
One Comment so far...
Pommebleu Says:
3 octobre 2019 at 11:10.
Quelle fluidité verbale et humoristique !
C’est vivifiant
Belles balades à vélo !