30 novembre 2020
Le colibri m’emmerde et je vous dis pourquoi…
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .
Je suis en désaccord avec la toute mignonne théorie du colibri si chère à Pierre Rabhi et à un certain nombre de ses coreligionnaires. Je ne vais pas m’empoisonner la vie à transporter une goutte d’eau à perpète pour éteindre l’incendie massacrant la planète pendant que les gros richards et les gros couillons larguent du pétrole en grosse quantité avec des avions gros porteurs. Le Christ est soi-disant mort sur la croix pour sauver l’humanité. Pas moi. Je préfère m’entrainer à tirer avec un canon de défense anti-aérienne pour abattre le Canadair boutefeu. Simplicité volontaire parce que c’est mon choix et que je veux bien l’assumer peut-être… Si j’avais plus de pognon, ça me permettrait d’alimenter plus généreusement les caisses de ceux qui – à mes yeux – ont besoin de moyens pour diffuser leurs idées. La théorie du Colibri m’exaspère car elle tend à rendre l’ensemble de la population responsable des problèmes de la planète. En 10, selon un rapport Oxfam, 388 personnes les plus riches possédaient autant que les 3,6 milliards des habitants les plus pauvres de la planète. Avec le creusement du fossé des inégalités, en 2017, ce nombre s’est réduit à 8. Huit possèdent autant que 3,6 milliards (*)… Tous responsables de la surexploitation des ressources ? Allez donc !
Décroissance non si c’est pour permettre à une bande d’ahuris de faire des croisières dans le remake du paquebot France qui voguera au gré des flots dans quelques années, ou d’aller se balader dans le vide intersidéral pour voir si l’on peut faire jolis clichés de la terre en perdition. Il faut arrêter ces discours misérabilistes, auto-flagellants et surtout culpabilisateurs. Je ne doute pas du fait que le moine usant du chat à neuf queues se faisait plaisir en se fouettant le dos puisque ça le rapprochait du Christ. Désolé, mais je n’ai pas besoin d’extase mystique pour être bien dans mes chaussures. Si j’ai froid, je me chauffe ; si j’ai faim, je mange et je ne me répands pas en lamentation parce que j’ai écrasé un moustique qui voulait me sucer le sang. Je ne ferai pas non plus la morale à un Ethiopien qui rêve d’avoir un réfrigérateur pour conserver sa nourriture ou à un Inuit parce qu’il mange trop de viande. L’accès au logement, à la nourriture, à l’eau potable, à l’éducation et autres besoins fondamentaux sont des droits qui doivent être impérativement satisfaits… Du moins, il me semble que quelqu’un avait écrit ça, autrefois, dans une quelconque déclaration grandiloquente.
Il est grand temps que l’écologie fasse le ménage en son sein et se débarrasse des contemplateurs de nombril et des moralistes à la petite semaine qui se prennent pour des gourous d’un jour chargés de montrer le droit chemin à leurs adeptes. Je ne ferai pas de liste car je ne veux pas que l’on m’accuse d’appel au meurtre ! L’écologie est sociale ou elle n’est pas. Je dirais même plus, elle est libertaire ou elle n’est pas… Nous ne nous débarrasserons pas des problèmes environnementaux avec l’appui des goldens boys du capitalisme et nous n’aurons pas un rapport viable avec notre environnement tant que les lois économiques n’auront pas été profondément chamboulées. Ce ne sont pas les envolées lyriques d’un Mathieu Ricard ou d’un Nicolas Hulot qui vont rendre le capitalisme plus vert. Il n’y a pas de révolution « sectorielle » possible non plus ; le changement sociétal ne peut-être que global (en n’oubliant aucun des secteurs qui doivent s’agréger pour avoir un minimum d’efficacité). Le chemin vers un avenir meilleur est long, semé d’embûches, et peut-être sans issu. Cela signifie que pour tenir nous devons obtenir des satisfactions et des gains provisoires… tout comme le voyageur avait besoin de relais sur la Route de la Soie pour accomplir son périple. L’économie sociale fait partie de ces relais, mais ne nous leurrons pas : ni les coopératives, ni les éco-hameaux, ni l’agriculture écologique, ni les strapontins de députés verts, ni les réseaux d’échange… ne provoqueront de changements majeurs dans notre monde à la dérive, sauf s’ils sont suffisamment nombreux et collaborent dans de vastes réseaux d’échanges englobant les luttes sociales. Leur utilité (sauf celle des députés verts) est par contre indubitable, ne serait-ce que parce qu’ils permettent de tester la viabilité des projets dont ils sont porteurs, et maintiennent dans nos esprits une espérance indispensable à notre survie.
Bref, les trop nombreux relents idéologiques judéo-chrétiens qui sévissent au sein de l’écologie m’indisposent. Ce n’est pas mieux du côté de la politique institutionnelle fut-elle d’extrême gauche : les groupements politiques ne songent trop souvent qu’à la pureté de leur « ligne idéologique » et consacrent plus de temps à se tirer dans les jambes les uns des autres en se traitant de collabos, de fascistes ou de ramollis du cerveau, qu’à faire avancer les luttes écologiques et sociales. Leurs leaders sont essentiellement là pour défendre leur chasse gardée. Laissons volontiers les politicards gauchistes de droite ou droitistes de gauche vider leur panier de boules puantes… Il est temps de construire du neuf, plutôt que de s’intéresser à la candidature plus ou moins déclarée de vieux cloportes de la politique qui n’ont comme dessein caché que la volonté de promouvoir leur propre carrière, quelque soit le discours derrière lequel ils maquillent leurs intentions. Le mouvement des gilets jaunes a permis d’avancer d’un pas dans la bonne direction. Il lui a manqué juste un peu de culture historique pour faire un bilan des actions accomplies et se rappeler qu’il n’y a « pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun ». C’est bien de le chanter, c’est encore mieux de le traduire dans les faits !
Quant aux collapsologues, survivalistes, et autres prédicateurs de collision dans le mur… Qu’ils continuent à palabrer, mais ne leur donnons pas plus d’importance que nécessaire. Je pense que c’est là aussi une voie de garage de l’écologie. Les prophéties de malheur imminent dans les années 70 n’étaient pas entièrement fausses, mais elles étaient un peu trop dramatiques et ont pu fournir du grain à moudre aux tenants du « vous voyez bien que tout peu s’arranger, y’a encore du pétrole et des poissons dans les rivières ! » La peur est une arme dangereuse ; seul l’espoir nourrit le changement. Si j’émets de grosses réserves quant aux théories des collapsologues, je vous invite par contre à lire l’excellent ouvrage « La fin de la mégamachine » de Fabian Scheidler. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre, il ne s’agit pas d’une prédiction apocalyptique de plus, mais d’un outil précieux pour comprendre la situation actuelle et élaborer des solutions. Comme dit dans la présentation : « seul celui qui connait sa propre histoire peut être capable de l’infléchir.»
C’est tout pour aujourd’hui et en plus pas d’illustration… Je suis content d’avoir vidé mon flacon de vitriol dans les toilettes. Je ne suis pas assez méchant pour le balancer à la figure d’une autre créature vivante, fut-elle même En Marche vers le chaos. Soyez donc suffisamment gentils pour ne pas me traiter d’intégriste. La preuve, si le colibri trouve un avocat je suis prêt à consacrer quelques minutes à l’écouter, mais laissez-moi le privilège de radoter… C’est plutôt mignon les colibris !
Notes : (*) Lire à ce sujet l’excellent ouvrage de Vandana Shiva (« 1% Reprendre le pouvoir face à la toute-puissance des riches).
4 Comments so far...
Zoë Lucider Says:
2 décembre 2020 at 17:32.
J’applaudis des deux mains. Moi aussi le colibri me donne des boutons. Tous ces petits gestes ne sont pas inutiles mais fallait-il en faire tout un tintouin qui du coup a détourné l’attention des vraies luttes . Fatigue!
Dieu Says:
5 décembre 2020 at 18:02.
On oublie souvent la fin de l’histoire (je ne sais pas si elle est d’origine mais moi elle me va bien) :
« Au bout de quelques heures, le petit colibri mourut d’épuisement, très fier de lui. Si fier de lui qu’il avait réussi à se construire un ego aussi monumental que l’incendie de forêt qu’il prétendait combattre. Puis la forêt brûla tout entière, comme de juste, jusqu’à la dernière fougère, jusqu’au dernier brin d’herbe. Le colibri n’avait guère quoi être si fier, finalement. »
NON MAIS DES FOIS !
Prady Says:
30 décembre 2020 at 22:38.
Voilà qui est bien formulé. Bernard Friot dit qu’il faut remettre la main sur le travail, pour pouvoir remettre la main sur l’argent, l’argent des 1% des 1%, ceux qui polluent le plus! Sans luttes sociales il n’y a pas d’espoir, et les luttes sociales ce sont d’abord la solidarité et l’entraide si chère à Kropotkine… A propos de Bernard Friot et de sa phrase, un documentaire interressant à voir sur le site des mutins de Pangée: » un pognon de dingue », avec également Monique Pinson-Charlot, Franck Lepage et bien d’autres
Paul Says:
31 décembre 2020 at 09:51.
Merci pour ce commentaire et pour le lien. Il y a énormément de choses passionnantes à découvrir sur le site des Mutins de Pangée (vidéo – DVD et VOD).