29 mai 2022

Les épices me font rêver… d’Inde

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .

Ras El Hanout, Curry de Madras, Anis étoilée, Cardamome de Madagascar, Maniguette, graine de paradis…

Tous les continents ou presque sont à l’affiche en quelques mots.

Avez-vous déjà songé à ornementer l’opulence d’une laitue « grosse blonde paresseuse » de quelques soupçons de paprika de Hongrie ? La musculature d’un poivre de Malabar me paraît, quant à elle, figurer dignement dans la sauce moutarde d’une aiguillette de canard au cognac. La noix de muscade se complait à la baignade dans la béchamel d’un gratin de chou fleur violet dont elle ravive les senteurs fermières. Une pointe de cannelle (mais une pointe seulement !) donne un peu d’originalité à la classique (mais délicieuse) tarte aux pommes cuisinée avec les fruits du verger voisin.

Kaléidoscope d’images d’ici et d’ailleurs, du rêve et de la réalité parfois confondus. Senteurs, couleurs, et pourquoi pas, sons inaccoutumés. Certaines odeurs, comme celle de la cardamome ou de la girofle me ramènent en mémoire des images de notre voyage au Kerala, en Inde, il y a maintenant quelques années.

Graines et épices devant une échoppe

Déjeuner matinal sur la terrasse d’un hôtel de Thiruvananthapuram au Kérala. Notre bol fumant de légumes du cru dégage des arômes surprenants pour notre odorat habitué aux senteurs matinales du café et de la confiture de groseille. Dans le jardin voisin, un homme, pieds nus, escalade le tronc d’un arbre et cueille avec adresse les baies de poivre sur la liane s’enroulant autour du tronc. Un oiseau multicolore effarouché s’envole et son cri surprend la jeune fille en sari qui nous propose une corbeille de délicieuses galettes de pain Naan.

abondance au marché de Thrissur

Marché animé de Thrissur ; amoncellement de légumes et de fruits ; ravissement des yeux et des papilles ; empilement de sacs ouverts aux couleurs chatoyantes. Toute une palette de rouges, orangés, jaunes, caramel, s’offre à notre regard. Des marchands remplissent de poudres magiques leurs petites pelles métalliques et les offrent à notre convoitise. Ce jour là, je me dis que j’aimerais revenir, séjourner dans cette ville et faire ma propre cuisine à l’aide de tous ces ingrédients que je n’ai parfois vus que sur des images et dont j’aimerais harmoniser les saveurs et les senteurs.

café juste avant cueillette

Promenade en fin de journée, au déclin du soleil, dans un vaste jardin, planté de caféïers, de théïers et d’anacardiers chargés de noix de cajou. Plaisir exquis de goûter feuilles tendres et baies rouges ; recherche du parfum de café en écrasant dans nos mains les petites graines et le tendre feuillage qui les entoure. Retour à la terrasse où nous dégustons, en toute quiétude, les quelques notes de fraicheur que nous apporte un léger vent d’altitude. Nous sommes quelque part sur le plateau du Wayanad.

rue Kochi

Femmes en saris multicolores se pressant dans le quartier commerçant de Kochi. Notre déambulation nous conduit d’un arôme à un autre, vanille, café, cannelle. Ces parfums agréables ne suffisent pas, malheureusement pour couvrir les émanations nocives des pots d’échappement de véhicules aux carburateurs bizarrement réglés. Comparée au calme de nos havres de paix en montagne, toute cette agitation nous enivre et nous étourdit. Joie de trouver enfin une ruelle où l’on peut échapper un temps à la circulation folle de tous ces engins motorisés. L’encens reprend parfois le dessus lorsque l’on passe au voisinage de l’un de ces multiples temples que les Hindous bâtissent dans les endroits les plus improbables.

Malabar café quelque part dans le sud

Fin de l’intermède kéralais. Retour dans la petite pièce où nous prenons plaisir à cuisiner les repas partagés avec la famille, les oiseaux de passage ou les amis. Les épices y occupent une place de plus en plus conséquente. L’âge venant et la médecine se chargeant de réglementer sévèrement l’usage du sel, du sucre et des graisses odorantes, s’ouvre une large porte à l’emploi des épices dont les vertus sont recommandées par moult traités de diététique. Leurs rédacteurs, charlatans ou experts reconvertis dans les joies de la vidéo, sont soucieux de nous conduire au paradis en naviguant entre les écueils qui mettent notre santé en péril.

Les mentalités évoluent et la mode d’un orientalisme mis à toutes les sauces constitue un engrais fertile à l’emploi de toutes ces nouvelles saveurs. Comment s’adonner à la méditation Chakra ou Samatha après avoir savouré des tripes à la mode de Caen ? Comment être « avec soi en tête à tête » sans avoir inhalé un rien d’encens et mangé son bol de riz basmati safrané avec un zeste de cardamome et de poivre noir ?

Et pourtant… les épices ? Point trop n’en faut et il faut les choisir avec subtilité, disait l’oncle Romuald cuisinier hors pair et gérant à vie d’une guinguette imaginaire sur les bords de la rivière Baïse. Le poivre, le sel et les herbes de Provence suffisent amplement à nombre de recettes qu’il emprunte à l’un de ses traités gastronomiques préférés. Sans oublier quand même le poivre moulu au dernier moment, juste avant de porter le plat en salle. Adepte de tous les bonheurs possibles, je ne saurais lui donner tort ou raison !

Bazar des épices à Istanbul – photo G Da – licence Wikimedia

Le temps passe, les modes changent. De tels a priori ne sont plus à l’ordre du jour dans nos cuisines. Du curcuma qui prévient le cancer lorsqu’on l’associe au poivre, jusqu’à ces mélanges qui rendent le transit intestinal aussi doux qu’un voyage en gondole sur les canaux vénitiens, des menus sophistiqués des restaurants à succès aux conseils plus ou moins avisés des chefs étoilés de l’audiovisuel, les poudres miraculeuses remplissent nos étagères. Il est vrai qu’un bon curry (que l’on nomme Masala en Inde) permet un moindre dosage de sel et rend particulièrement savoureuses les premières courgettes du jardin. Certains adeptes de naturopathie vont même jusqu’à absorber au réveil des gélules contenant les poudres miracle qui leur permettront de rajeunir un peu plus chaque jour ! Rendons plutôt au riz Basmati sa jolie couleur jaune safran avec le Curcuma !

Je me gausse parfois. Je souscris à certains choix culinaires car j’ai toujours apprécié la richesse de la cuisine libérée des frontières… Mais pour moi, ce n’est pas là l’essentiel… Je crois simplement que ces mélanges exotiques aux senteurs plus ou moins identifiées, me font surtout rêver de voyages et de rencontres. N’est-il pas fondamental que le merveilleux retrouve place dans nos vies en toute simplicité ? Sachez que vous pouvez trouver les recettes du bonheur, seul, avec vos proches et vos amis, sans avoir besoin de vous contempler le nombril et sans vous exclure d’une socialisation bien supérieure à toutes les postures méditatives venues d’un ailleurs parfois imaginaire. Je fais partie de ces vieux grognons qui considèrent que les moulins à prière ne doivent pas remplacer les revendications syndicales, n’en déplaise aux patrons de nos entreprises « new age ».

4 Comments so far...

Anne-Marie Says:

31 mai 2022 at 18:45.

« Je fais partie de ces vieux grognons qui considèrent que les moulins à prière ne doivent pas remplacer les revendications syndicales, n’en déplaise aux patrons de nos entreprises « new age ».

Je souscris à 100%

Paul Says:

1 juin 2022 at 07:48.

@ Anne-Marie – A lire, l’excellent ouvrage de Thierry Jobard, « Contre le développement personnel ». L’auteur, libraire, se dit effaré par le développement exponentiel de ce rayon « attrape-nigauds » dans certaines librairies.

Bernadette Suchod Says:

1 juin 2022 at 18:57.

La carte du Malabar café ne correspond pas tout à fait à tes préférences culinaires !

Paul Says:

2 juin 2022 at 07:52.

@ Bernadette – c’est vrai… Il est des nourritures à peine comestibles parfois et c’est dommage de gâcher de bonnes épices pour les préparer. Mais je suis conscient que cette opinion, très tendancieuse, se prête à discussion !

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