7 janvier 2008

Tinariwen, voyage musical chez les hommes en bleu

Posté par Paul dans la catégorie : l'alambic culturel .

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Le groupe Tinariwen et Abbas Ibn Firnas, dont je parlais il y a quelques temps à un tout autre propos, ont un point commun : leur lien étroit avec la civilisation berbère. La ressemblance s’arrête là, les musiciens de Tinariwen, même si leur musique est planante, n’ont jamais essayé de voler du haut d’une tour avec des plumes d’aigle !

Ce groupe musical s’est constitué en 1982. Son nom complet est Taghreft Tinariwen ce qui signifie « l’édification des pays ». Nom un peu bizarre mais qui s’explique lorsque l’on sait que les musiciens du groupe ont participé activement à la rébellion touarègue de 1990, délaissant un temps leur guitare pour combattre les gouvernements en place du Niger, puis du Mali. Le retour à la paix en 1992 permet au groupe de reprendre son activité musicale, tout en restant très engagé dans la défense de la culture touarègue et la dénonciation des souffrances infligées à leurs compatriotes.

La musique du groupe évolue peu à peu, réalisant un mélange plutôt réussi entre la musique traditionnelle et la recherche de sonorités nouvelles : utilisation de guitares électriques et ajout de de voix féminines en choeur par exemple. Mais ce qui est l’essence même de leur musique c’est la culture d’un peuple qui est à la croisée entre deux mondes : la fin de l’épopée des tribus sahariennes et l’arrivée d’un mode de vie nouveau, rempli d’incertitudes pour les jeunes générations. Cette citation, empruntée au site NG Spectacles, dans un très beau texte signé Nadeer, résume bien ce « blues des hommes en bleu » : « La friction entre ce glorieux passé et un avenir incertain profite ainsi à l’embrasement de textes et de musiques dont l’esprit et la structure évoqueront pour beaucoup le blues des origines; sans doute parce que l’origine du blues se situe précisément dans cette région située de part et d’autre de la boucle du fleuve Niger. »

tinariwen2.jpg Le groupe est connu en France depuis 1999, après sa participation au festival d’Angers « Toucouleur ». Leur premier disque largement diffusé, Amassakoul, parait en 2004. Un second disque, Aman Iman, en 2007, renforce la notoriété du groupe. Tinariwen a réalisé beaucoup d’autres enregistrements, notamment de chansons militantes diffusées sur K7 après la rébellion, mais la diffusion de ces titres est pour l’instant plutôt confidentielle. La composition du groupe n’est pas constante et varie selon les tournées, au gré des rencontres. Les musiciens leaders du groupe comme Ibrahim ag Alhabib, Alhousseini ag Abdoulahi ou la chanteuse Mina wallet Oumar sont cependant présents constamment et cela assure la régularité du contenu musical.

tinariwen3.jpg Ayant découvert le groupe en écoutant des morceaux d’Amassakoul , j’avoue avoir un faible pour ce disque. La musique est sobre, lancinante parfois, et accompagne très bien les paroles en amazigh (langue berbère) qui évoquent la beauté du pays, la révolte nécessaire, la tristesse de celui qui a perdu un ami, les paysages du désert… J’aime beaucoup des morceaux comme Chatma, Arawan ou Tenere Dafed Nikchan qui évoque la solitude que l’on ressent dans le désert, douce mélopée accompagnée par le son du tindé (voir photo de l’instrument), de la guitare et de la flûte t’zamârt. « L’âme des guerriers connaît elle la paix quand cesse l’aboiement des armes ? » Les sonorités un peu rauques de la voix des chanteurs sont très bien enveloppées par le son des instruments à corde, électriques ou non.

Avant de terminer cette chronique, je voudrais apporter quelques précisions sur les termes « Berbère » et « Touareg » que nous utilisons souvent à tort et à travers. Le terme de « Berbère » désigne un ensemble de groupes ethniques et non un groupe homogène. Cette appellation a été donnée aux peuples libres (i Mazighen comme ils se désignent fièrement eux-mêmes), par les Arabes au Moyen-Âge (et peut-être même plus tôt dans l’histoire). Elle avait à l’époque une connotation quelque peu méprisante, soulignant le fait que les Arabes percevaient la langue des tribus berbères comme une sorte de charabia. Les Touaregs constituent un groupe particulier de Berbères, comme les Kabyles ou les Chaouis. En fait, les Berbères ont un nom différent selon les régions où ils habitent. Leur culture possède un fond commun important mais varie selon les ethnies, de même pour la langue. Si vous souhaitez approfondir vos connaissances, vous pouvez aller faire un tour sur le « portail berbère » de Wikipedia : vous pourrez y découvrir de nombreuses autres informations sur le thème.

La première photo qui illustre cette chronique est d’Eric Mulet, la seconde représente la pochette du disque Amassakoul, et la dernière montre un joueur de Tindé (photo originaire du site de Manfred Schweda, journaliste photographe freelance et grand voyageur devant l’éternel).

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