14 mai 2009
Interlude pluvieux et bavard
Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .
Je m’étais dit que je n’écrirais pas de chronique ce jour, dérogeant ainsi à ma règle, appliquée avec plus ou moins de constance, de publication un jour sur deux, le temps de vous laisser « digérer » les textes un peu long, mais aussi bien sûr celui de les rédiger. Je m’étais même trouvé toute une bonne série de prétextes pour cela…. Mais le Dieu des Blogs (le Diblo – ça ressemble fichtrement à « diable » – s’il existe…) en a décidé autrement. Au moment où, tel le redoutable Wallace, j’allais sauter dans mes bottes pour me rendre au jardin d’un pas décidé, une violente averse a fait tourner court mon projet. Certes, j’aime mettre le nez dehors au petit matin, mais pas au point d’affronter les éléments déchaînés (euh… déchaînés, ma correctrice va sûrement trouver que j’exagère un peu… mais bon, il faut impressionner le public !). Pour me concilier la bonne volonté des autorités divines et toilesques, j’ai donc repris sagement le chemin du clavier et je me suis retrouvé confronté à tout ce qui, dans mes prétextes pour ne pas écrire, reposait sur des éléments sérieux. Grave problème par exemple, ma main gauche et ma main droite sont en train de rédiger deux chroniques quelque peu divergentes : l’une sur les entreprises autogérées en Argentine, l’autre sur la fonction symbolique du donjon dans les châteaux médiévaux… Résultat des courses : deux grosses piles de doc qui dissimulent une partie de mon écran et une liste de signets à consulter sur la toile qui ressemble à une page du « petit Robert ». Même s’il y a quelques jours que je travaille là-dessus, je n’ai, bien entendu, pas avancé comme je le voulais, pour tout un tas de raisons valables ou non. Je vous en donnerai quelques-unes en vrac dans le dernier paragraphe. Alors, comme toujours dans un cas pareil, je contourne lâchement l’obstacle et je me plonge dans ma liste de « brouillons ». Celle-ci s’allonge désespérément car, si je ne lui ai pas redonné vie dans les quinze jours qui suivent son commencement, une ébauche de texte devient un objet hétéroclite de plus dans mon armoire à idées. Je la contemple, ébahi, en me demandant quel est le zozo qui a pu avoir des pistes d’écriture pareilles, et je la laisse tranquillement se faire ensevelir sous la poussière quotidienne d’octets qui recouvre ma mémoire virtuelle et flottante. En général, les choses en restent là car essayez donc, dans le commerce courant, de trouver un plumeau efficace pour faire le ménage dans l’intimité de votre disque dur. Il existe soit des artefacts genre « tapette à mouche » qui écrasent les octets sauvagement et sans ménagement pour les voisins, ou alors des placebos, du genre changer l’arborescence de vos fichiers afin que l’indésirable trop bien rangé se retrouve dans un endroit surprenant et devienne, du même coup, objet d’intérêt.
Pour ce matin, il me reste donc trois pistes que je vais gâcher en les mélangeant soigneusement ! Quand je pense que j’aurais bien pu faire un billet sur la notion d’interlude, un second sur la pluie et le dernier sur le bavardage ! A la réflexion ça ne m’aurait posé aucun problème. Quand on vit à la campagne, on est intarissable sur la pluie : c’est toujours le sujet de conversation numéro un avec les voisins. Il y a un bouchon sur le chemin vicinal provoqué par deux véhicules arrivant en sens inverse mais garés au même niveau. Les deux chauffeurs ont baissé leur vitre pour dialoguer tranquillement… De quoi parlent-ils ? De météo une fois sur deux, les autres centres d’intérêt vitaux pouvant être le dernier match ou les problèmes de « bagnole » (si ce sont deux mecs), les promos d’intermarché ou la rougeole du petit dernier (si ce sont deux nanas). Au fait, autant le préciser tout de suite, « on », c’est moi, « je » vis à la campagne et « je » suis intarissable sur la météo. « De la pluie il en faut, bien sûr, sinon comment voulez-vous que ça pousse ! » ou bien « avec toute cette pluie on n’a plus le cœur à rien et cette humidité dans l’air ça donne mal aux reins »… Pas mal non ? Quant à l’interlude…. C’est un sujet autrement plus profond, plus sérieux… On touche à la philosophie de l’existence, genre « O temps suspend ton vol », il y a un trou de cinq minutes entre deux programmes, il faut absolument meubler. C’était courant les interludes à la télévision autrefois. J’adorais ça. Les émissions étaient un peu moins calibrées que maintenant et il y avait souvent des « trous » que l’on meublait avec de belles images, généralement muettes. Il y avait aussi les décrochages régionaux : il fallait attendre que les gars de France 3 province aient fini leur pause syndicale pour prendre le relai. On occupait le spectateur en lui montrant par exemple un accouplement de libellules en dessus d’un nénuphar en fleur. Un truc passionnant… Enfin ça c’était le stade 2 des interludes. le stade 1 c’était une espèce de « mire » sur l’écran, épouvantable, généralement synonyme de problème technique au studio ou sur l’émetteur. Elle avait le don de débouler au moment crucial : dans un téléfilm par exemple, au moment où l’identité de l’assassin était révélé au public inquiet. De nos jours, seul ARTE renoue un peu avec cette pratique. Ce sont des visages que l’on voit à l’écran, des images presque fixes que viennent animer seulement un battement de cil ou un mouvement de lèvres : une pause relaxante entre un reportage sur le génocide au Darfour et un autre sur la déportation des Tziganes…
En fait, le seul thème que j’aurais eu un peu de mal à développer, c’est celui sur le bavardage. J’ai horreur d’aligner des mots à l’écran pour le plaisir de ne rien dire, et je déteste encore plus tenir des discours sans queue ni tête. Je ne suis pas du genre à noircir un écran uniquement pour rédiger une chronique un jour de pluie.
D’ailleurs, je vous l’ai dit, si je n’écrivais pas de chronique aujourd’hui c’est que j’avais de très bons motifs. Je n’ai pas à me justifier mais j’aime être honnête avec les gens qui me lisent alors je vais vous en donner quelques-uns qui valent ce qu’ils valent. D’abord j’ai joué au grand-père pendant trois jours. Nous avons gardé notre petite fille à la maison et nous nous en sommes occupés le mieux possible. Même si tous les lecteurs de ce blog ne sont pas « grands-parents » et encore moins « gâteux-bêtifiants », vous devez savoir que c’est une occupation très occupante ! D’autant plus qu’il fallait que je sorte de ma serre une bonne centaine de plants de dahlias, de cannas, d’œillets d’inde, de cosmos, de cocottes minutes, prêts à être repiqués dans mes massifs fraîchement labourés… Vous avez remarqué que dans la liste il y avait une fleur qui n’en était pas une ? C’est bien, vous êtes un lecteur attentif. Sinon, revenez en arrière, reprenez le paragraphe et appliquez-vous un peu. Ce n’est pas parce que vous lisez ma chronique au bureau, pendant la pause, que vous devez bâcler et lire en diagonale. Non mais ! Bref, avec tous ces repiquages, mon dos en a pris un coup, et quand ma colonne vertébrale trinque, ça me bloque l’hémisphère gauche du cerveau, celui où se trouve mon disque dur de secours. Ma petite fille étant partie en fin d’après-midi, j’aurais pu rattraper le coup hier soir et avancer sérieusement sur le dossier des donjons occupés dans les entreprises argentines au moyen-âge, mais je n’ai pas pu travailler parce que j’avais « concert ». Une soirée musique traditionnelle, « folk » comme on dit quand on parle l’anglosaxon couramment, plutôt singulière. Première partie à dominante vocale : une chanteuse avec une très belle voix accompagnée par un « cabrettaïre » (j’espère qu’on dit comme cela car je ne veux pas avoir d’ennuis avec les musiciens qui me lisent). On connaissait les deux avant de les écouter et on n’a pas été déçus par leur prestation, bien que côté paroles on préfère maintenant la chanson contemporaine à certaines sélections de textes traditionnels un peu lassants. La seconde partie nous a par contre passablement surpris. La première réflexion qui m’est venue en sortant c’est que je venais d’écouter le « Jimmy Hendrix » de la vielle à roue. Genre « ceci est une vielle à roue ; vous croyez qu’avec une vielle à roue on ne peut jouer que des petits airs tranquilles avec un son un peu monocorde ? Attachez vos ceintures, ça va démarrer ». Il faut dire qu’une vielle à roue électrique associée à tout un tas de machins électroniques, ça aide à trafiquer les sons. On en a eu pour notre argent, comme on dit dans un cas pareil (même si le concert était gratuit) : sacré musicien, sacrée technique de jeu, sacrée puissance sonore. Question sonorité, ça allait de la clarinette au violon en passant par la guitare électique et même la vielle à roue. Dommage que la vielle électrifiée n’ait pas le timbre de la vielle traditionnelle. Dommage qu’il faille une telle installation pour jouer dans une petite salle : l’ambiance « feu de camp » en prend un coup au passage… Quand je pense que j’étais parfois surpris par la manière dont le célèbre vielleux René Zosso abordait son instrument… Je trouvais sa façon de jouer parfois trop « moderne »… Je crois qu’il va falloir que je donne un sérieux coup de plumeau à mes approches musicales.
Bon, au fait, vous êtes convaincus maintenant que je n’avais pas le temps d’écrire une chronique ? Il pleut toujours, je suis bon pour me pencher sérieusement sur le dossier des « donjons autogérés ». A moins que… nous ne partions acheter un matelas, car, je ne vous l’ai pas dit, mais avec tous ces repiquages, toute cette humidité, tous ces sièges inconfortables dans les salles de spectacle… j’ai mal au dos la nuit et ça m’empêche de dormir. Or comme l’inspiration vient en dormant…
5 Comments so far...
zoë lucider Says:
14 mai 2009 at 09:40.
Merci pour votre passage et la confirmation du diagnostic de Vinosse. Connaissez vous son site ? C’est un paysan amoureux de la vie. Il vend des plants mais vous avez une serre et une réserve. Moi je fais partie de ceux qui aiment les merveilles de la nature mais sont contraints parce qu’ils cultivent autre chose de laisser à la va comme je te pousse le jardin aller. Et en ce moment quand je pourrais aller éclaicir le fouillis végétal, il tombe des cordes. C’est dire si votre texte me parle !
Phiphi Says:
14 mai 2009 at 13:33.
Dans le genre interlude à la téle, il y avait le petit train avec un rébus dont je garde un souvenir ému 😉
Phiphi
Paul Says:
14 mai 2009 at 13:40.
En fait, là, on est partis dans la rubrique « télé-nostalgie » : Chefs d’œuvre en péril l’autre jour, les interludes aujourd’hui… Bientôt Thierry la fronde et compagnie ! C’est la faute au climat normand (pour faire plaisir aux Bretons) ou au climat breton (pour faire plaisir aux Normands) qui s’installe sur le pays entier !
Clopine Says:
16 mai 2009 at 14:22.
De toute manière, en ce moment, en Argentine, il pleut dans les châteaux autogérés. A part leur envoyer une bassine (vosu savez ce que ça coûte, une toiture argentine, quand on est désargenté ?), vous ne pouvez rien pour eux, Paul.
Alors que nous régaler d’un texte parfaitement synthétique, politique, technique, idéologique, informatique, artistique, métaphysique, ethnique et analytique sur les grands problèmes cruciaux de notre planète du moment, ça, oui, je vous le confirme, Paul, vous pouvez le faire. Et toc.
Clo
(ps, au fait, vous faites quoi vers le 21 juin, exactement ? )
Paul Says:
16 mai 2009 at 20:50.
J’avance, j’avance sur cette chronique là Clopine, je ne lâcherai pas le morceau. D’ailleurs quand je joue à ce jeu là, consistant à annoncer une chronique à paraître, c’est une manière pour moi de me poser un défi au moment où je sens que mon ardeur faiblit un peu à l’ouvrage. Comme je déteste me dédire, à partir du moment où j’ai « lâché le morceau », cent fois sur le clavier je remets l’enclume ! Quant à la planète, si ça continue, elle va avoir besoin d’une sacrée quantité de bons médecins. Ce qui m’enrage le plus c’est l’impression que j’ai qu’en ce moment nous faisons du « sur place » et que pendant notre piétinement, la liquidation continue… En tout cas, je continue à penser que politique, écologie, histoire, mémoire, actualité, émotion, éthique, philosophie et intelligence sont des choses qui s’emmêlent étroitement et que l’on peut construire un blog où l’on parle de tout avec le plus d’humanité possible. je ne dis pas que j’y arrive mais je creuse ma voie au stylo entre deux coups de pioche, trois coups de maillets et quatre accords dissonants à l’accordéon. Quand je fatigue, je vais me resourcer chez les autres… sur « clopineries » par exemple !