2 juillet 2009
Les rats, les limaces et le blaireau…
Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Notre nature à nous .
Je pourrais ajouter aussi les résidus de désherbant, les promoteurs immobiliers, les c… qui traversent le hameau « à fond les gamelles » avec leur sono disco boum boum réglée sur le volume maximum ou leurs copains aussi débiles qui trouvent marrant de rouler avec des motos sans pot d’échappement… La vie d’un jardinier amateur n’a rien de facile ! Mais pour une fois je vais cibler et vous épargner une (petite) partie de mes récriminations. L’écojardinage a le vent en poupe et le but de la présente chronique n’est pas de décourager totalement les apprentis jardiniers ou de les pousser à piller le rayon chimie de leur magasin de loisirs. Non, le but de mon propos, c’est de mettre en garde les paysans en herbe contre les journalistes enthousiastes et/ou militants qui étalent leurs conseils à longueur de pages, se contentant trop souvent de copier ce que d’autres ont déjà copié avant eux sans jamais rien expérimenter. Je me suis toujours méfié des prophètes, et là, je dois dire que je m’en méfie plus que jamais. J’ai derrière moi une expérience d’une trentaine d’années de jardinage sans pesticides et sans engrais chimiques et je voudrais profiter de ces quelques lignes pour faire un bilan sommaire… des problèmes. Car problèmes il y a… S’il suffisait de respecter la nature pendant quelques années pour qu’elle se plie enfin à vos quatre volontés, ça se saurait. Dans de nombreuses régions, les équilibres naturels sont détruits et ils ne se reconstruiront pas en deux temps trois mouvements. Non « il ne suffit pas de…. et de ne plus… » pour que ça marche. Prudence est mère de sûreté et garantie de greniers pleins.
L’emploi massif des engrais et des pesticides, mais aussi les pratiques culturales, la surpopulation dans certaines zones rurales, la chasse, la bêtise humaine…. ont cassé les équilibres fragiles dans les chaînes alimentaires. Les prédateurs de récoltes, les maladies cryptogamiques, les espèces envahissantes sont devenus plus résistants, plus nombreux et ont élaboré de nouvelles stratégies. Les prédateurs sont plus longs à réapparaître que les proies, car les conditions de leur développement sont plus difficiles à réunir que celles des animaux qu’ils empêchent de pulluler. Un premier exemple : les rats. Ils sont particulièrement nombreux dans mon terrain cette année, et même, semble-t-il, dans la région, à la surprise générale car l’hiver a été plutôt froid et long, ce qui ne leur est guère favorable. Mulots, campagnols et rats des champs sont présents en grand nombre dans les jardins et dans le mien en particulier, sans que la cause de leur prolifération soit bien évidente à énoncer. Je veux bien leur concéder dix pour cent de pertes dans mes récoltes, mais la moitié ou la totalité, non. Quand je vois l’état de certains pieds de pomme de terre que j’arrache, mon sang se met à bouillir dans ma fragile petite tuyauterie interne. Il ne s’agit plus d’une « ponction tolérable », mais d’un pillage systématique, en règle… Je suis à deux doigts de voter pour le candidat qui proposera un plan « sécurité » dans les jardins avec des méthodes biologiquement acceptables.
A ma connaissance, trois méthodes de lutte existent : le piégeage (difficile et peu efficace), le poison (proscrit en écojardinage) ou la confiance totale dans les capacités de régulation de notre « mère la nature », et donc l’intervention massive d’une brigade de prédateurs musclés. Beaucoup de manuels de culture bio vous le disent : il suffit de ne plus apporter d’engrais chimiques, de ne faire que des apports organiques bien étudiés, et le sol retrouvera sa structure. Il suffit de ne plus utiliser de poisons chimiques et les prédateurs reviendront jouer leur rôle de prévention dans votre jardin : les chaînes alimentaires basiques se reconstitueront… Faites pousser vos légumes sainement et ils seront suffisamment vigoureux pour se défendre contre les maladies les plus courantes. Certes, certes… mais dans un monde parfait que le jardinier ne côtoie jamais ! Quels sont les prédateurs des rats dans ce jardin idéal ? Les chats, les renards, les couleuvres, les blaireaux, les rapaces diurnes et nocturnes… Ça en fait un paquet ! Ils ne doivent pas être à la fête ces pauvres petits rongeurs qu’en réalité j’adore (quoi de plus mignon qu’un petit campagnol ou qu’un chien de prairie ?). Sauf que… les rapaces manquent à l’appel. Pendant des années (et ce n’est pas fini) ils ont été chassés ; du fait de la surconsommatin de pesticides, les couvées n’ont donné pratiquement aucun résultat, les œufs étant clairs. Les renards et les blaireaux ne sont pas courants et quand ils interviennent dans un jardin (c’est le cas chez moi) ils font autant de dégâts dans un premier temps que les rats qu’ils pourchassent, en grattant le sol de leurs pattes puissantes. Les couleuvres se font discrètes et les chats ont une nette préférence pour les souris en boîte. De plus, ces charmants félins ont quelque peu tendance à attraper presque autant d’oiseaux utiles que de rongeurs agaçants.
Si les prédateurs de récolte ont la capacité de se multiplier de façon spectaculaire en une année, ce n’est pas le cas pour les super prédateurs qui leur font la chasse, d’autant que l’on ne maitrise pas certains facteurs de leur accroissement. Pour faire bref, il ne suffit pas qu’il y ait des souris pour qu’il y ait des chouettes et des milans. Cette adaptation rapide du nombre de prédateurs au nombre de proies ne se produit que dans le monde des insectes, à condition que l’indésirable ne soit pas une espèce provenant d’un autre écosystème et que son ennemi numéro un n’ait pas oublié de déménager. Je peux vous donner un exemple et un contre-exemple à ce propos. Lorsque le nombre de pucerons devient important, la population de coccinelles se développe assez vite sans qu’il y ait besoin d’enrichir la branche « nature » de Rhône-Poulenc en achetant des larves. Une patience de courte durée est généralement récompensée et, en attendant, quelques pulvérisations de savon noir font le joint. Pendant trois ans, nos fleurs printanières (digitales, lupins, roses…) ont été littéralement massacrées par un membre déplaisant de la famille des cétoines. De 2004 à 2007, le modèle « velu » de la famille a submergé nos plates bandes en saccageant tout sur son passage. Aucun prédateur n’est venu le déranger. Cet insecte a visiblement migré depuis le sud de la France, et, trouvant des conditions de vie qui lui convenaient, s’est multiplié comme les poux sur la tête d’un soldat de la grande guerre. Nous avons renoncé à utiliser un insecticide, même un produit naturel comme le pyrèthre car nous éliminions les insectes de façon non discriminée et donc idiote sur le plan stratégique. Nous avons bricolé des pièges aquatiques et lumineux à l’aide de cuvettes de couleur fluo… qui ont donné d’assez bons résultats. En 2008 le nombre de cétoines velus a considérablement diminué. Cette année, il n’y en a quasiment plus de traces. Ces phénomènes là, nous ne les maitrisons pas, et ce n’est pas parce que nous faisons « tout bien comme il faut » que nous allons y échapper.
Une autre espèce d’ennemis du jardinier se porte bien également, ce sont les limaces. A la moindre pluie, elles sortent de leur trou ; au moindre arrosage, elles viennent se renseigner et surtout se goberger. Une limace orange de bonne taille a une capacité stomacale impressionnante. Lâchée sur un semis de salade, elle le ramène au néant en moins de temps qu’il ne vous en faut pour siroter un pastis. En jardinage traditionnel, on utilisait des « granulés bleus » à base de métaldéhyde (alcool solide) qui leur causaient des dommages considérables. Le problème c’est qu’on s’est aperçu que ce n’était pas très bon pour les prédateurs habituels de ces petites bêtes gluantes. Donc on a abandonné le produit, en bon écojardiniers que l’on est, pour en adopter un autre, le granulé de sulfate de fer, dont le prix de revient est exhorbitant et dont l’efficacité, quoi qu’en disent les journalistes chroniqueurs des magazines de jardinage et de tricot, n’est pas vraiment extraordinaire. En fait, pour que ça marche plutôt bien, il faut que le granulé soit là avant que le met préféré des limaces soit mis en place. Ça donne un schéma du genre : labour, granulés puis plants de salade ou de fleurs. Si vous mettez d’abord les plants, puis que vous attendez de vérifier qu’il y a des limaces pour traiter, il se peut que les limaces aient une indigestion, mais elles auront eu le temps de consommer tout ce qui est comestible sur le terrain. Pour résumer, cela veut dire que le sulfate de fer fonctionne à peu près bien, de façon plutôt préventive et qu’il faut en acheter des kilos si le jardin est grand. Allez voir dans votre jardinerie préférée le prix de la boîte (autour de 10 €) et comparez avec le prix des salades bios au marché… Vous allez avoir comme un léger doute sur l’intérêt de votre tour de rein.
Il y a donc des jours où tout va de travers : un rat (ou une ratte, pas de sexisme) a coupé 3 plants de salade. Le blaireau est passé derrière : il a peut être attrapé le rat (ou la ratte) après une course poursuite effrénée et une partie de chasse galerie hilarante, mais cela a coûté la vie à 6 salades supplémentaires. Comme il y en avait 12, tout n’est pas perdu… Cela laisse une marge bénéficiaire de 3 salades… Cela tombe bien, les limaces avaient faim. Elles ont dévoré le granulé que vous aviez mis la veille au soir, et les croquantes salades avec. Vous avez bien entendu le choix d’en racheter 12 ou de faire un semis. En attendant que les nouveaux plants soient prêts, vous pouvez toujours aller acheter des salades chez le producteur du coin, le s… qui met de l’engrais, qui traite et qui pollue. Histoire que votre orgueil personnel ne souffre pas trop, le mieux est d’enfiler un grand manteau couleur muraille et d’y aller le soir, juste avant la fermeture de la boutique !
Il y a heureusement les jours où tout va bien. Les tables de salades, vous en aviez fait deux et la deuxième est intacte. L’année est excellente pour les petits fruits et vous avez des framboises, des groseilles et des cassis à ne plus savoir qu’en faire. Les tomates ont quinze jours d’avance et, pour une raison que vous ne maitrisez pas vraiment, elles n’ont pas encore « pris » ce satané mildiou. Elles sont juteuses et croquantes à souhait… de quoi mettre l’eau à la bouche avec une petite vinaigrette à l’échalotte… L’échalotte ? Dommage ! Un rongeur mutant a trouvé l’adresse et a remonté le rang : il n’en reste PAS UNE…
Tout cela est fort drôle quand on est jardinier « amateur » et qu’un salaire ou une pension tombant à la fin du moins permet de racheter ce que les prédateurs ont emprunté sans jamais le rendre. Je me mets dans la peau du paysan du XVIIIème par exemple, comptant sur sa récolte de pommes de terre pour passer l’hiver et ne trouvant plus que des tubercules rongés (idem pour le blé, les racines jaunes ou les betteraves). Je comprends un peu mieux que le monde agricole se soit littéralement jeté sur les engrais et sur les produits chimiques « miracle »… Pendant un demi-siècle, on a cru, dans les campagnes et ailleurs, que l’homme avait enfin pris le dessus sur cette satanée nature. Il faisait la loi et pouvait éliminer (en théorie) tous les animaux qu’il estimait nuisibles, toutes les maladies qui saccageaient ses récoltes. Depuis, on s’est aperçu que ce « miracle » n’en était pas un et qu’il faut chercher de nouvelles voies. Encore faut-il, si on veut les trouver, ne pas être trop crédule et ne pas prendre nos ancêtres paysans pour des simples d’esprit.
Une autre conclusion que je voudrais tirer également, est qu’il faut que les donneurs de conseils soient prudents dans leurs propos : affirmer qu’un problème est résolu grâce à la méthode tartempion sans l’avoir utilisée ou sans avoir eu véritablement de résultat flagrant peut être dangereux, voire même avoir l’effet inverse sur ceux que l’on veut convertir à ses idées. Je m’appuierai pour étayer cet argument du risque de découragement, sur un exemple personnel. Combien de fois n’ai-je été dégoûté par ce que je lisais sur les forums de pédagogie : tous ces gens qui racontaient à longueur de pages leurs réussites, les moments excellents passés dans leur classe, les enfants épanouis. J’essayais de travailler de la même façon, mais ce n’était pas évident. Il y avait aussi des journées où « rien ne marchait », des moments de mauvaise humeur difficile à contrôler, des parents qui grognaient, des enfants qui en voulaient… plus… Pendant des années j’ai cru que le problème venait de ma façon d’aborder les situations, d’une certaine maladresse, d’un relatif manque de confiance…. avant de m’apercevoir que j’avais souvent à faire à de « gentils escrocs inconscients », prenant plaisir à raconter non la totalité de leur vécu scolaire, mais les meilleurs moments, énumérant leurs succès mais jamais leurs échecs…. Du coup, j’ai ralenti mes passages dans les forums de pédagogie et j’ai fait ma cuisine dans mon coin… comme au jardin… et, je l’espère, sans faire trop de c….
7 Comments so far...
fred Says:
2 juillet 2009 at 14:43.
Dans le jardin du grand ZIHOU savez vous qui qu’il y a ?
y’a des rats, des limaces et des blaireaux !
Risquant d’appartenir à la 3ème espèce, mais en tente, je crains le pire pour les dragonneries 2009 ! A moins d’inventer un système de sac de couchage « sous vide » les nuits risquent fort d’être « sportives » cette année ! Sache que je suis de tout coeur avec toi dans cette lutte terrible ! Chez moi, ce sont les fourmis qui se déchaînent cette année !
Paul Says:
2 juillet 2009 at 14:55.
Je peux l’accompagner à l’accordéon si tu veux ! Je m’entraine pour dans quatre semaines…
idle Says:
6 juillet 2009 at 09:54.
Juste pour signaler la présence d’énormes et très nombreuses
limaces marron plutôt clair sur ma terrasse et parfois même jusqu’à nos portes d’entrées.
P.S. : je vis dans l’Oise 60500.
fred Says:
4 août 2009 at 07:55.
Comme je m’y étais engagé précédemment, et ce malgré un coefficient de dilatation qui baisse d’année en année, j’ai repoussé, avec succès, l’attaque matinale de 3 limaces oranges géantes grâce à mon « joystick » personnel. A voir leurs réactions (un recroquevillement soudain !), gageons que ces téméraires baveux sauront avertir leurs congénérères que la guerre à pris désormais une autre tournure ! Nous Vaincrons ! ZIHOU est grand !
fred Says:
6 août 2009 at 08:35.
Ce problème de limace me titille encore !
Or, je viens d’apprendre un « truc de grand mère » pour lutter contre elles !
Il suffirait de mettre de la bière dans un pot de cornichon vide !
(par contre, je n’ai pas plus d’infos que ça ! faut il en disséminer des dizaines ?)
Paul Says:
6 août 2009 at 13:06.
Méthode efficace je confirme mais dans un petit jardin. Il faut placer de nombreux pots pour répondre à la demande et éviter que les copains ne les vident pendant la nuit. Il s’agit d’une méthode à utiliser à titre préventif, comme les granulés au sulfate de fer. On peut aussi mettre des planchettes par ci par là et récupérer les limaces au petit matin afin de les faire griller pour les tartines…
fred Says:
7 août 2009 at 08:07.
Je ne connaissais pas cette apétance des limaces pour la bière !
Un nouveau monde s’ouvre devant moi !