28 juin 2009
Remous dans la mare aux cornards
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .
« Les conards (*) ont leur confrairie à Notre Dame de Bonnes-nouvelles où ils ont un bureau pour consulter de leurs affaires. Ils ont par choix et élection un abbé mitré, crossé et enrichi de perles, quand solennellement il est traîné en un charriot à quatre chevaux le dimanche gras et autres jours de baccanales. »
Il y a beaucoup de choses à dire sur la vie politique française et les grenouillages qui se produisent dans le marigot du pouvoir. Même si le sujet me lasse bien souvent, il est des affaires qui méritent qu’on ne les passe pas sous silence. Elles ne justifient pas non plus de longs développements, d’où l’idée de cette « mare aux cornards », un peu fourre-tout, un tantinet défouloir, un rien décousue. La note figurant en bas de ce texte explicite le rapport que je vois entre les cornards du XVIème siècle et nos politicards actuels.
Pour rentrer dans le vif du sujet, vous avez sans doute remarqué que nous avons un nouveau gouvernement. Le prince n’a pas changé de trône mais les courtisans se sont livrés à leur jeu de chaises musicales favori. Untel qui était incompétent à l’Education Nationale, promet des performances éblouissantes au ministère du Travail ; tel autre qui brillait par ses lumières dans la lutte contre le terrorisme ravageur, éclairera désormais les ombres du ministère de la Justice ; et patin couffin, comme disait ma voisine. Avez-vous noté cependant, la disparition de deux secrétariats d’Etat, évènement que les mauvais esprits ne manqueront pas de trouver lourds de symboles. Dans le nouveau groupuscule qui préside aux destinées de notre grand royaume, on ne trouve plus de secrétariat d’Etat à la fonction publique, ni de secrétariat aux droits de l’homme. Certes, en ce qui concerne la fonction publique, on s’en fout un peu, la présence d’un capitaine dans ce navire n’ayant pas vraiment frappé les passagers par l’ampleur de son action. Il faut dire qu’au rythme où vont les suppressions de postes (encore 16 000 annoncées dans l’Education Nationale) ou les privatisations des services, l’importance de l’équipage et surtout le peu d’intérêt que l’on accorde à son « rafiot » ne justifiaient effectivement plus que l’on gâche de belles compétences qui seront mieux à même de s’exprimer… ailleurs. Naufrage également du secrétariat d’Etat aux droits de l’homme. Il fallait s’y attendre, surtout si l’on a pris garde aux propos tenus à ce sujet à la radio, par Monsieur Henri Guaino, conseiller qui a les deux oreilles du Prince : « En faisant référence à la Déclaration de 1789, on n’est pas dans l’ordre du juridique, mais dans l’ordre de la philosophie politique. » Je vous invite à lire à ce sujet l’excellent billet publié sur le blog de Maître Eolas. Cet article intitulé « Prix Busiris à Henri Guaino » fait le tour de la question. Il est vrai que le respect de nombre d’articles figurant dans cette déclaration ne semble plus être une préoccupation majeure pour nos dirigeants. On n’en est certes qu’à des « entorses », mais tout ce qui peut servir de prétexte, de la pédophilie sur internet au terrorisme contre la SNCF en passant par l’immigration clandestine, est employé sans modération. L’indifférence d’une partie de nos concitoyens ne peut qu’encourager la nouvelle aristocratie dirigeante à aller dans cette direction. Et puis la question des droits de l’homme ça se discute en Iran ou au Vénézuéla mais pas dans un pays qui a aussi bonne réputation que le nôtre…
La disparition du ministère de l’Education n’est pas encore à l’ordre du jour mais le démantèlement des services, si. Mes chers collègues ayant apprécié avec humour la dégradation de leurs conditions de travail en 2009, vont pouvoir s’éclater encore un peu plus en 2010 (cf chronique « Education Nationale, vous avez aimé 2008 ?… »). Le nouveau maître à penser est un gestionnaire pur et dur, ex-DRH chez l’Oréal, et le parfum de révolte il connait ça. Il va falloir faire du chiffre mes amis, sinon on commencera à enlever des os sur le squelette du mammouth, notamment ceux des jambes qui ne servent à rien. Pour commencer, on va se débarrasser de 16 000 bouches inutiles et ruineuses à la prochaine rentrée scolaire. Ce n’est pas un ancien cadre supérieur de l’industrie qui va s’en laisser conter par les enseignants fainéants et indisciplinés. La répression déjà engagée contre les rebelles à la loi d’orientation Darcos, va pouvoir se durcir tranquillement si le mouvement de solidarité ne s’amplifie pas. Je vous signale d’ailleurs qu’un de mes anciens collègues de l’Isère (nous avons milité quelques temps dans le même syndicat mal famé), Erwan Redon, est menacé purement et simplement de licenciement pour faute professionnelle grave (ne pas digérer les réformes Darcos) par l’Inspection Académique des Bouches du Rhône. Quelle idée d’ailleurs de partir là-bas alors qu’en Isère on est si compréhensifs avec les mauvais esprits ! En attendant, il passe en commission disciplinaire le 7 juillet. Vous pouvez vous informer sur le dossier en vous rendant sur le site du comité de soutien, voire même pousser l’audace jusqu’à signer la pétition. On peut même profiter de son passage sur le site pour signer une deuxième pétition en soutien au pionnier en matière d’instituteur insoumis, Alain Refalo, dont j’ai déjà parlé sur ce blog (ça se passe dans la rubrique « sur l’école » si vous voulez suivre le dossier). Un autre collègue, Bastien Cazals, auquel on a déjà retiré 36 journées de salaire pour essayer de le faire rentrer dans le droit chemin, vient de recevoir un courrier amusant de son Inspecteur d’Académie : celui-ci lui intime l’ordre de ne plus communiquer avec aucun média pour tout sujet ayant rapport avec ses fonctions… Vous êtes assez grands pour faire les commentaires tout seuls !
L’appât pour essayer d’attirer dans le giron gouvernemental un écolo, un peu Judas sur les bords, était un peu gros et n’a pas fonctionné. Le camarade Borloo reste à son poste et pourra organiser de nouveaux stages de scoutisme et autres « Grenelle de l’environnement ». Sont maintenus à leur fonction, ou participent au jeu des chaises musicales, un certain nombre de personnalités que nous aurions eu de la peine à voir disparaître : les incontournables et charmantes Christine Lagarde et Michèle Alliot-Marie, ou le souriant Brice Hortefeux, le sémillant Kouchner, et le socialiste révolutionnaire Besson. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je n’ai pas réussi à savoir qui s’occupait des anciens combattants, de la solidarité avec les Tamouls et du démontage des centrales nucléaires. Je n’en parlerai donc pas. Je sais par contre que l’emprunt lancé par EDF est un grand succès et que les « victimes de la crise » ont investi massivement dans le renouvellement du parc nucléaire et le phagocytage des compagnies de production électrique dans les pays en voie de développement. Merci à eux. je propose que les intérêts de leur prêt généreux soient payés en déchets nucléaires. On en a quelques tonnes à distribuer au niveau de la planète. Entreposés dans le jardin, ce sont des intérêts qui ont le mérite d’être « durables » ! J’espère que le gouvernement lancera bientôt un emprunt pour financer la construction du Rafale et la réparation du « Charles de Gaulle ». Dans ce cas, je n’hésiterai pas à vendre ma collection de timbres aux enchères sur internet afin d’avoir quelques liquidités à investir. Qui a osé dire que je n’était pas un bon citoyen ? Pour EDF j’aurais bien voulu financer le nouvel EPR mais fin de mois oblige ainsi que pensions mal revalorisées, je n’avais plus une thune…
Pour se détendre on peu parler de la télévision ou de la radio publique. L’ineffable Philippe Val a commencé à remettre de l’ordre à France Inter en se débarrassant du chroniqueur chargé de la revue de presse matinale, Mr Pommier. Celui-ci a commis le crime de lèse-majesté suivant : parler plus souvent de Siné Hebdo que de Charlie. Ça commence bien… Les syndicats de France 3 ont déposé un préavis de grève car ils ne sont pas d’accord avec leur direction : celle-ci a déposé plainte contre x, relayant ainsi les attentes du Prince, suite à l’affaire de la vidéo diffusée sur Internet montrant la haute opinion que notre petit Timonier a de certains journalistes. L’un de ces mauvais courtisans, Joseph Tual, grand reporter à France 3, est convoqué pour la deuxième fois, le 2 juillet à la Préfecture de police de Paris pour cette affaire. La politique d’intimidation va bon train. Les personnels de Radio France International ne sont pas concernés par ce préavis puisqu’ils sont déjà en grève depuis plus d’un mois : certainement le mouvement de protestation de plus longue durée dans l’audiovisuel public… Ils ont même eu l’excellente idée d’offrir dix heures d’antenne en direct, le 17 juin dernier, aux auditeurs qui les soutiennent… Vous en avez entendu parler ? Comment cela ? Rien dans Paris-Match ? Une rumeur court dans les diverses rédactions de France Télévision, selon laquelle le Prince aurait l’intention de nommer à la tête de l’institution le frétillant Frédéric Lefebvre, accessoirement aboyeur en chef de l’UMP. Il paraît que cela inquiète les personnels concernés qui craignent que leur indépendance soit remise en cause… Personnellement, vu le contenu actuel des journaux télévisés, je ne pense pas que cela va changer grand chose. En tout cas, cette mainmise élyséenne sur les médias qui commence à préoccuper certains de nos journalistes, amuse beaucoup leurs confrères helvètes de la TSR. Cette chaîne a diffusé un documentaire sur la question que nous ne verrons sans doute pas sur France 2. Quand on pense que ce film de propagande contient des interviews de scribouillards expliquant qu’ils ont peur d’être licenciés par leur patron et qu’ils en sont réduits à tourner leur stylo trois fois dans leur cerveau avant de se décider à écrire quelque chose ou à publier une quelconque photo…
Du côté de ce que l’on ose encore appeler (sans rire) « la principale force d’opposition en France », cela va mal, de plus en plus mal. La bête souffre et il faudrait l’achever rapidement. Notre curieusement nommé parti « socialiste » a aussi des problèmes de gouvernement. Il faut dire qu’entre les militants qui font les yeux doux au petit Timonier pour se faire embaucher et ceux qui se laissent corrompre par les groupuscules d’extrême gauche, il ne reste plus grand monde. Il y avait pourtant, au sein de cette grande formation, une dynamique engagée pour réformer les institutions (je pouffe !) et tout un lot d’hommes politiques prometteurs, de Julien Dray à Manuel Valls pour ne citer que les plus fascinants (je pouffe deux fois !). Heureusement qu’il nous reste quelques opposants vigoureux, Cohn-Bendit, Chevènement ou Bayrou… Avec eux, je me sens pleinement rassuré. Je regrette beaucoup que ce cher Dany le « rouge » n’ait pas accepté un poste au gouvernement. Son entrée au ministère de l’écologie aurait peut être entrainé une réaction salutaire du Sinistre de l’Intérieur contre ces satanés grévistes qui n’arrêtent pas de brûler des pneus et de polluer l’air avec leurs barricades malsaines… J’aurais aimé un vrai changement ministériel – genre « les enseignements tirés de la crise » – histoire de voir, de mes yeux, ce que pouvait donner un capitalisme durable, éthique, écologique et équitable. Cela m’aurait peut-être inspiré pour finir de rédiger une chronique que j’ai commencée, intitulée « capitalisme, écologie et éthique sont dans un bateau… » Il me manque la fin et je ne peux donc la publier pour l’instant… A moins que l’âme damnée de notre petit Timonier, Mr Henri Guaino, n’ait quelques conseils à me donner.
En attendant, merci d’avoir consacré quelques unes de vos précieuses minutes à l’étude de la faune de cette « mare » plutôt vaseuse. A la revoyure.
Notes : (*) au XVIème siècle, conard et cornard sont synonymes et désignent les membres d’une société bouffonne en Normandie. Il ne s’agit donc pas d’une insulte mais d’une expression imagée. Je précise cela au cas où l’une des personnes dont l’identité a pu être évoquée de façon directe ou allusive dans cette chronique serait tentée de porter plainte pour diffamation ou atteinte à sa très honorable moralité.
5 Comments so far...
Lavande Says:
28 juin 2009 at 16:27.
Sur le même sujet lire la chronique du jour (brillante) de:
http://lardlibres.canalblog.com/
La dernière phrase plaira particulièrement à Paul, j’en suis sûre:
« De quoi se menotter à un radiateur le jour des élections ! «
François Says:
28 juin 2009 at 20:32.
En parlant de connards, je ne résiste pas à amener une petite perle géographique: les habitants du village d’Ecône, en Suisse, s’appellent les « éconards », ça ne s’invente pas.
Et que trouve-t-on donc de remarquable dans cette petite bourgade? Le séminaire Saint-Pie X fondé par Monseigneur Lefebvre. Très connu pour son ouverture d’esprit, ce joyeux homme a réussi à froisser suffisamment le Vatican pour se faire excommunier avec toute sa congrégation. Fort heureusement, le non moins frétillant Benoît XVI a proposé de ramener toutes ces brebis égarées au bercail, en embarquant au passage une brebis négationniste (mais que l’on ne saurait traiter de « galeuse », bien sûr, entre gentlemen, ça ne se fait pas).
Comme quoi, la mare aux cornards n’est pas prête d’être vide…
Paul Says:
29 juin 2009 at 09:56.
Même si je me trouve parfois quelque peu cynique, je crois que je n’atteindrai jamais le niveau nécessaire pour « faire dans la politique ». Notre nouveau venu à l’Education Nationale, le bienheureux Châtel, Luc Châtel, retenez bien son nom, à peine débarqué dans son nouveau costume et validant bien entendu les suppressions de postes engagées par son prédecesseur, se livre ce matin à une déclaration qui vaut son pesant de cacahouètes flétries : « »Il faut optimiser le niveau de remplacement des enseignants »
Gonflé le gars, à moins que… la clé de cette pantomime ne se trouve dans une petite phrase figurant un peu plus loin dans son envolée lyrique : « tout naturellement j’ai évoqué l’école du futur à savoir le numérique… » Et si dans le cartable de ce monsieur figurait le projet de remplacer les enseignants absents par des cours pré-enregistrés sur Internet me faisait remarquer un collègue rencontré ce w.e. Un ballon d’essai a déjà été lancé dans le cas des écoles fermées pour raisons « sanitaires »… Il ne reste plus qu’à élargir l’expérience… N’est-ce pas Mr le directeur des Ressources Humaines ?
zoë Says:
29 juin 2009 at 22:04.
Excellent! ca ne nous remonte pas réellement le moral sauf à considérer qu’on n’est pas seule à regarder ce cirque avec d’une part une overdose de bile, d’autre part un nœud gordien qui se tortille au creux de nos entrailles. J’explique : je ne peux pas ne pas voir dans quel merdier nous pataugeons vs comment échapper au désespoir que suscite ce bordel. Bon continuons à ramer ou pédaler (comme dirait Clopine qui est allée agiter ses petits poings contre la carapace du monstre nucléaire). Merci Paul
Paul Says:
30 juin 2009 at 16:13.
A propos de l’affaire Joseph Tual, les propos de l’intéressé sur Rue 89…
http://www.rue89.com/2009/06/30/lettre-ouverte-de-joseph-tual-nicolas-j-irai-a-ta-convoc
à lire pour compléter ce que j’ai écrit.