1 février 2008

Hardi Pardaillan !

Posté par Paul dans la catégorie : Des livres et moi; Histoire locale, nationale, internationale : pages de mémoire; l'alambic culturel .

pardaillan1.jpg Michel Zévaco, écrivain français, né le 1er février 1860…
“…Michel Zévaco : cet auteur de génie, sous l’influence de Hugo, avait inventé le roman de cape et d’épée républicain. Ses héros représentaient le peuple ; ils faisaient et défaisaient les empires, prédisaient dès le XIVe siècle la Révolution française, protégeaient par bonté d’âme des rois enfants ou des rois fous contre leurs ministres, souffletaient les rois méchants. Le plus grand de tous, Pardaillan, c’était mon maître… » (Jean-Paul Sartre, Les mots)

Me voici lancé dans une longue série de présentation de « grands » personnages de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Après Louise Michel, la militante, Michel Zévaco, l’écrivain (tous deux ont au moins deux points communs, leur convergence idéologique et leur passion pour la littérature). Il faut dire que cette période de notre histoire est riche en événements et en personnages célèbres (certains moins que d’autres, mais ils ont eu leur importance quand même !). La biographie de Michel Zévaco est à elle-même tout un roman d’aventures : tour à tour professeur, militaire dans les dragons, journaliste engagé au côté des anarchistes et enfin écrivain populaire. Il a même tenté la carrière politique en se présentant aux élections législatives à Paris en septembre 1889 : il n’obtient que 1,1% de suffrages et ne recommencera jamais une telle démarche !

pardaillan2.jpg Le caractère rebelle du personnage se manifeste très vite : il ne reste que dix mois dans l’enseignement avant d’être révoqué pour avoir tenté d’enlever la femme d’un conseiller municipal de sa commune. Sa brève carrière dans l’armée lui vaut une multitude de punitions pour insolence envers ses supérieurs et négligences de toutes sortes : 88 jours de consigne et 118 de salle de police en quatre ans. Dès ses débuts dans le journalisme, il se distingue en provoquant en duel le ministre de l’intérieur Constans : « Eh bien, je vais te donner l’occasion de prouver que j’ai menti en t’appelant lâche ! Si le culte de ta vieille carcasse de peau ne t’absorbe pas tout entier, si l’immonde peur qui blêmit ta face te laisse une minute de répit, trouve-toi le Ier mai, à deux heures, place de la Concorde. » Cette prouesse verbale lui vaut une convocation au tribunal pour « provocation au meurtre », suivie d’une condamnation à 4 mois de prison et 1000 francs d’amende. Son premier roman feuilleton « Roublard et Cie », est sous-titré « les tripoteurs du socialisme » et cible « les parasites éhontés qui exploitent le socialisme et s’en font un tremplin » (on aimerait lire de tels feuilletons dans la presse quotidienne de nos jours !). Car ça y est, Michel Zévaco a choisi son camp, celui des anarchistes, ennemis de l’autorité et des exploiteurs du peuple.

pardaillan3.jpg Il collabore à de nombreux journaux : « la tribune libre », « l’égalité » (où il côtoie Louise Michel qui, elle aussi, écrit des feuilletons à ce moment-là) puis au « courrier français ». Entre-temps, il réussit à publier lui aussi un journal, « le gueux », en mars 1892 : la publication s’arrête au premier numéro. La même année, il a de nouveau affaire avec la justice, pour s’être quelque peu emporté dans un meeting pendant lequel il déclare, avec l’emphase qui sera bientôt celle de ses héros les plus célèbres : « Je me fais agent provocateur et je dis : s’il vous faut de l’argent, prenez-en ; s’il vous faut assassiner pour en avoir, tuez ! » Cette brillante déclaration lui vaut de passer les six premiers mois de l’année 1893 à l’ombre des barreaux de la prison Sainte Pélagie… La répression à l’égard des anarchistes se durcit et notre futur « romancier à succès » se calme un peu. Il fait connaissance de Jean Jaurès qu’il admire beaucoup (admiration méritée car nous avons affaire là à un socialiste, un vrai, pas un « bobo de salon ») et intervient énergiquement (avec sa plume seulement) lors de l’affaire Dreyfus. A partir de 1900 il se consacre pleinement à sa carrière de romancier pendant une vingtaine d’années. Il est, à ce moment-là, l’un des auteurs français les mieux payés avec Gaston Leroux. Son œuvre se compose d’une trentaine de romans, certains très connus comme « le capitan » ou « les Pardaillan » (cycle en 10 volumes avec de multiples rebondissements), d’autres beaucoup moins comme « l’hôtel saint Pol » ou « Jean sans peur ». Il meurt d’un cancer en août 1918.

michelzevaco.jpg Michel Zévaco n’a pas laissé dans l’histoire de la littérature française une empreinte aussi forte qu’Alexandre Dumas ou Gaston Leroux. C’est profondément injuste car les romans historiques qu’il a écrits sont beaucoup plus vivants que ceux d’Alexandre Dumas par exemple. Son écriture n’a pas la même lenteur et les scénarios comportent une multitude de rebondissements. Mais ce qui distingue surtout les livres de Zévaco c’est la morale et le comportement de ses héros, proches du peuple, ennemis des riches arrogants, toujours au service des causes les plus nobles. Parfois, la plume de l’écrivain s’emporte et l’on trouve, comme dans « les amants de Venise » de violentes diatribes contre la religion, le pouvoir, la justice qui lui est inféodée et la crédulité des peuples qui se laissent manipuler. Ce discours, trop politique sans doute, a porté préjudice à l’auteur. La société a préféré conserver dans sa mémoire des écrivains plus conventionnels, moins révoltés. Les adaptations à l’écran des romans de Zévaco ont été bien souvent des caricatures, transformant l’œuvre de ce militant politique en bluettes à l’eau de rose… Et puis il faut dire que le roman populaire est un genre littéraire souvent méprisé par les intellectuels. Peu d’entre eux ont su s’y intéresser vraiment. Gloire soit rendue (à ce propos au moins) à notre Jean Paul Sartre national qui a su séparer le bon grain de l’ivraie (cf intro) ! Certes, le feuilleton est une forme de littérature où le pire peut côtoyer le meilleur. Zévaco se situe, selon moi, parmi les meilleurs.

Certains titres, comme « la mignon du Nord » ou « la marquise de Pompadour » qui n’avaient pas été réédités depuis longtemps (peut-être même jamais réédités) sont de nouveau disponibles sur le marché. La collection « Bouquins » comporte une version intégrale des « Pardaillan » par exemple et l’éditeur AlterEdit, qui semble lancé dans une vaste campagne de réédition des auteurs de romans populaires, propose des titres moins connus du grand public. Je terminerai par ces propos empruntés au chevalier de Pardaillan : « Que de crimes dans l’histoire de l’humanité, avec cette effroyable excuse : J’obéis ! Ce n’est pas moi le responsable !… Comme s’il y avait des disciplines plus hautes que la discipline de la conscience… » Hardi Pardaillan, ce sera la devise de ce blog pour les semaines à venir !

2 Comments so far...

fred Says:

1 février 2008 at 12:22.

Zévaco ? Kézako ? me dis je l’espace d’un instant …
Et puis en voyant les titres de ses bouquins, tout s’éclaire !
Mais bon sang mais c’est bien sûr !
Combien d’après midi endiablées j’ai passé, enfant, à martyriser les plantes du jardin paternel avec un bâton en guise d’épée, après voir vu les films de cape et d’épée inspirés par cet auteur ! Encore 1000 fois merci Mr ZEVACO !

Gaillardo Says:

15 novembre 2018 at 00:40.

Qu’elle joie cette ambiance de châteaux forts et de duels endiablés ! La passion de ces siècles historiques, et surtout, cette passion pour l’atmosphère du film  » Le Capitan » avec Jean Marais, le meilleur dans ce style.

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