24 août 2009
Crève générale à la rentrée
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive l'économie toute puissante .
Par solidarité avec mes « camarades » journalistes dans les médias « responsables », professionnels du bourrage de mou et de la sanctuarisation du fait-divers, je vais moi aussi vous passer une petite couche à ma façon, sur l’épidémie de peste noire à venir… Je n’invente rien : il s’agit simplement d’informations glanées de ci de là et si possible recoupées. Selon le sens dans lequel on passe le pinceau, le fini de la peinture change énormément d’aspect, les peintres le savent bien. Le programme de la rentrée de septembre (ou plutôt du début d’automne à venir car on a rarement vu d’épidémie se développer pendant les derniers beaux jours) a été établi par des journalistes devins sponsorisés par les labos : ce sera crève générale sur le front social. Le pire c’est qu’il paraît que même certains cadres supérieurs et autres patronnes du MEDEF pourraient être impliqués dans le mouvement. Les conséquences de cette fièvre automnale pourraient être catastrophiques puisque certains experts annoncent déjà un nombre de morts supérieur à celui des tués dans les accidents automobiles un bête week-end du 15 août. C’est dire ! Les vieillards affaiblis par la canicule, les enfants antibiotisés depuis la naissance, les malades du sida en phase terminale, les cancéreux du poumon, les gardiens de prison dépressifs, pourraient disparaître par centaines au cours de l’hiver… Il faut prévoir une mortalité presque équivalente à celle des épidémies de grippe ordinaire… L’essentiel c’est que l’opinion publique, totalement traumatisée, se mobilise et soit le plus concentrée possible sur ce dérivatif anxiogène, plutôt que sur de vrais problèmes insolubles sans changement (insupportable pour nos élites) de cap social. En bref, la crève doit occuper les esprits et non la grève !
Pendant tout l’été, les dépêches d’agence, soigneusement dosées, savamment distillées, ont fait monter la « mayonnaise ». Certes il y a bien eu quelques maladresses, montrant le côté artificiel de l’opération, mais dans l’ensemble le travail a été plutôt bien fait. Je ne m’attarderai pas sur le « nouveau décès dû au virus H1N1 » devenu « le virus H1N1 évoqué dans le décès de… » en passant par le « il n’est pas certain que le nouveau virus grippal soit responsable du décès de… ». Je remarquerai simplement que ces titres sont reproduits dans l’ordre où ils ont été publiés – l’essentiel étant que le premier fasse impression, le deuxième et le troisième n’étant là que pour de vulgaires questions de déontologie professionnelle. Le flux et le reflux d’informations sont tels qu’il est extrêmement difficile de se faire une opinion sur cette affaire de pandémie. J’ai donc beaucoup apprécié ce texte de Martin Winckler, publié sur son propre blog et repris notamment sur le site d’information altermonde. L’auteur remet la question à plat sur le plan médical et explique de façon très claire certaines notions qu’il faut avoir bien en tête avant de discuter de cette affaire : les symptômes d’une grippe, la différence entre virus et microbe, l’efficacité des antibiotiques et des antiviraux, les particularités du virus H1N1… C’est très clair, facile à lire et il est difficile de faire mieux en la matière. Je vous invite donc, en parallèle à ma chronique, à lire ce texte qui développe l’aspect médical du problème que je ne traiterai pour ainsi dire pas du tout. En tant que « chercheur de petite bête noire », ce qui m’intéresse surtout, ce sont les aspects politiques et économiques de la vaste opération médiatique lancée qui me semble être une énième tentative de manipulation de l’opinion publique internationale. Quand je dis « manipulation » je ne me situe aucunement dans une quelconque perspective de « complot » dont je n’ai rien à faire, mais simplement dans celle d’une grosse opération de marketing, doublée, dans certains pays de ma connaissance, d’une tentative d’occuper les esprits avec des sujets moins triviaux que les conséquences au quotidien d’une crise économique qui n’a pas encore abattu toutes ses cartes. Les « complots » que certains dénoncent de temps à autre ne sont pour moi que les manifestations parfaitement logiques de la « voracité » du capitalisme.
Difficile, disais-je donc, pour le citoyen lambda de se faire une opinion tant soit peu complète et objective sur cette histoire de grippe, l’efficacité d’un vaccin, les risques réels encourus par les futurs malades et la vigueur de la pandémie. Le corps médical lui-même semble largement divisé sur la question, et les experts de l’OMS et ceux des diverses institutions prestigieuses telle la FDA (Food and Drug Administration aux USA chargée de l’homologation du ou des futurs vaccins) se livrent à une partie effrénée de ping pong, en s’envoyant à la figure arguments et contre arguments. Notez bien que ce sujet de la grippe A n’est pas le seul sur lequel le citoyen lambda (dont je représente ici le prototype – modèle « gueule ouverte ») a bien du mal à se forger un avis. Prenez par exemple le problème des téléphones portables et de leurs ondes (totalement inoffensives ou terriblement meurtrières selon les vecteurs d’information choisis), ou bien le délicat dossier des ampoules basse consommation, celui du revêtement anti-adhésif des poêles à frire…. On pourrait généraliser d’ailleurs avec tout ce qui touche, de près ou de loin au domaine médical. Il est logique qu’il soit difficile de discerner une quelconque vérité tant les lobbies concernés sont puissants. Dans notre pays où le « tout nucléaire » règne en maître, où il n’est point de salut hors d’EDF et d’AREVA, combien de débats réellement informatifs ont-ils été organisés dans les médias grand-public sur ce sujet par exemple ? Le revers de cette médaille c’est que, du coup, tout devient suspect et que certains opposants en viennent à défendre des arguments à peu près aussi peu sérieux que ceux des « va-t-en guerre » du progrès, des acharnés du « il n’y a pas d’autre alternative ma bonne dame ». Bref, si l’on veut faire dans le « solide », le « sérieux », il est bien des domaines dans lesquels on patauge un peu. Je vais donc essayer de m’en tenir à quelques évidences de base en ce qui concerne cette affaire de « crève générale ».
Première remarque : c’est la deuxième fois en quelques années que l’on nous rejoue, avec tambours, trompettes et cymbales, le grand air de la pandémie catastrophique. La grippe aviaire, puisque telle on l’appelait, devait être à l’origine d’une catastrophe sanitaire internationale qui ne s’est pas produite. Son virus « risquait de », puis « avait » finalement muté, selon les experts, et était devenu transmissible directement d’homme à homme. La mortalité (*), certes regrettable, induite par ce fléau, a été bien moindre que pour de grands classiques tels la dysenterie ou le choléra à propos desquels on ne fait plus grand tapage à l’heure actuelle. Flairant la bonne affaire, quelques laboratoires ont fabriqué des millions de comprimés de « Tamiflu », un antiviral dont l’efficacité est plus que discutée. Une partie de cette fabrication a été écoulée, notamment grâce à l’aide de quelques Etats complaisants qui ont « sommé » leurs services de santé de faire amplement leur marché à l’aide des deniers publics. Passons sur cette affaire de grippe aviaire qui reviendra peut-être sur le devant de la scène un de ces jours. En 2008-2009, nous voyons apparaître la menace d’une nouvelle pandémie présentée comme bien plus terrible que la précédente car cette fois on en est certains : le virus est actif, vigoureux, adore voyager, et se transmet, d’homme à homme, par les voies respiratoires. Rien de plus simple pour cette charmante petite bête de s’installer comme passager clandestin dans tous les moyens de transport et de parcourir la terre à la vitesse d’un TGV. Pas de chance, les stocks d’antiviraux qui ont été constitués dans les pharmacies des hôpitaux publics, sont justement périmés. Il faut absolument tout jeter, et, bien entendu, reconstituer les réserves à vitesse tout aussi grand V. Pas de chance non plus, si l’efficacité du médicament n’est toujours pas démontrée (alors que les effets secondaires nocifs, eux, sont sombreux), le prix de fabrication a sérieusement augmenté. Normal diront les économistes : si l’économie d’échelle entraine une baisse des coûts, la faiblesse de l’offre par rapport à la demande entraine une hausse du prix de vente. Il n’en reste pas moins que le Tamiflu, beaucoup de personnalités du monde médical le confirment, n’est pas une panacée et qu’il vaudrait mieux un « bon vaccin ». Deuxième occasion pour les multinationales de la pharmacie de se tailler des bénéfices sur mesure.
La mise au point du vaccin n’est pas évidente car l’épidémie progresse vite et qu’il faut que la substance soit disponible en quantité importante et, si possible, avant que la pandémie ne se propage dans l’hémisphère Nord, c’est à dire dans la zone « aisée » de la planète que l’on envisage surtout de protéger. Travailler vite dans le domaine médical, cela ouvre souvent la porte à de gros problèmes. Heureusement les gentils gouvernements sont là pour donner un coup de pouce. Aux USA, par exemple, d’importantes subventions sont accordées aux laboratoires pour accélérer la phase de recherche. Puis, dans un deuxième temps, une loi est votée par le Sénat, garantissant aux mêmes laboratoires l’impunité totale en cas de « dégâts collatéraux » liés à une vaccination de masse à l’aide d’une substance pour laquelle il n’est matériellement pas possible de procéder à des essais cliniques sérieux… Généralement, ce genre de tests se fait sur la population plus ou moins consentante d’un pays en « voie de développement », puis sur des malades « cobayes » volontaires dans les hôpitaux occidentaux. Mais, comme il s’agit là d’une « urgence humanitaire », peu importe ce qui sera commercialisé, que ce soit un placebo ou une substance générant des effets secondaires pour certains patients, pas de problèmes… juridiques ou financiers au moins. Une affaire en or, un « jackpot » diront certains, pour les firmes qui vont décrocher le gros lot, et ce ne sont pas les plus petits qui se sont lancés dans la course… Mais l’essentiel c’est que les populations soient rassurées, que les politiciens donnent l’impression d’avoir « fait leur boulot », et que les actionnaires des entreprises concernées tirent les marrons du feu.
On pourrait être surpris de voir les gouvernements voler ainsi au secours de ces grandes sociétés qui n’ont pourtant aucun besoin d’un quelconque sauvetage ou plan de relance. Ce serait sous estimer le travail de lobbying efficace qui est effectué par les labos dans les services de toutes les administrations concernées. Il est de nombreux domaines dans lesquels il y a belle lurette que nos « dirigeants » ne dirigent plus rien du tout. En ce qui concerne la France, c’est un secret de polichinelle de dire que, par exemple, la FNSEA fait la pluie et le beau temps à l’UMP et au ministère de l’agriculture, ou qu’AREVA et sa filiale EDF rédigent les communiqués du ministère de l’équipement et de l’industrie. Si l’on grimpe d’un échelon, pour aller faire un tour à Bruxelles, par exemple, la situation ne fait que s’aggraver et la marge de manœuvre des fonctionnaires chargés de la rédaction des « décrets » est encore plus étroite. Ceux qui ne me croient pas devraient s’intéresser par exemple au dossier des OGM et aux pressions exercées sur certains élus par des firmes comme (par exemple mais pas par hasard) Monsanto. Nos politiques trouvent un intérêt tout autre à cette affaire que le volet économique. Chacun sait que la peur est un moteur extrêmement efficace pour manœuvrer les foules, notamment dans le domaine de la santé. Monopoliser l’attention de la population sur les risques d’une épidémie majeure, permet de tester la cohésion nationale et le « sens du devoir » de tout un chacun. Quel « mauvais citoyen » va se révolter contre une mesure prise, « dans l’intérêt général », pour des raisons de « santé publique » et protester contre certaines restrictions à partir du moment où l’Etat déclare agir seulement dans l’intérêt de chacun ? Qui va oser encore parler « droit du travail », « repos indispensable », « heures supplémentaires »…, lorsqu’il est mobilisé pour pallier au manque de personnel dans son entreprise ? Parler des licenciements qui ont eu lieu quelques temps auparavant pour se plaindre du surcroît de travail, alors qu’il ne s’agit que d’une simple « solidarité » avec les collègues « malheureusement touchés par l’épouvantable pandémie » ? Toute mesure prise dans l’intérêt général passe généralement comme une lettre à la poste, même si le facteur est malade. Les lois sécuritaires votées après le 11 septembre ont permis de mettre en place des dispositifs qui sont restés… Vous rappelez-vous que ce texte de loi (voté par une majorité de gauche à l’époque) a sérieusement durci les sanctions prises à l’égard des gens qui fraudent dans le métro ou dans le train ? Vous pouvez m’expliquer le rapport avec Ben Laden ?
Mon conseil pour conclure, c’est d’être extrêmement prudent avec cette affaire et particulièrement vigilant avec tout le train de mesures qui ne vont pas manquer de fleurir à l’automne, de se méfier des vaccinations de masse tout autant que des charlatans, de veiller à ce que les droits syndicaux, la législation du travail et autres garde-fous sociaux, ne soient pas un peu plus écornés à l’occasion de la mise en œuvre d’une politique d’exception pour une grande cause « humanitaire » nationale. N’oubliez en aucun cas que derrière tous les médias « de masse » qui nous informent se cachent des gens qui n’ont qu’une envie : imposer « leur » modèle de société et accroître leurs profits jusqu’à plus soif ! Quand vous aurez fini de lire l’excellente étude médicale recommandée plus haut dans ce texte, prenez encore cinq minutes pour consulter ce dossier paru sur « Altermonde ». Il est édifiant et fort bien documenté aussi.
Notes : (*) 282 cas mortels recensés à ce jour de façon officielle pour le virus de la grippe aviaire dans le monde entier.
7 Comments so far...
fred Says:
25 août 2009 at 10:46.
Pour la 1ère fois dans mon ministère, on m’a demandé si j’étais prêt à venir travailler le soir ou le week end sans préavis ! (j’ai répondu « oui » bien entendu ! pour une fois que mon statut d’associal patenté peux servir à quelque chose !). Dans le même esprit, on m’a demandé de songer au télétravail ! (ne pas confondre avec travailler à la télévision !). Je n’attends que ça ! 🙂
Clopine Says:
25 août 2009 at 16:36.
Chez nous aussi on a reçu une note de service particulièrement alarmiste, embrouillée et peu lisible. Après décryptage, le message était qu’on pourrait venir travailler en cas d’épidémie, mais qu’il faudrait porter des masques, que les services publics seraient fermés (alors, on va faire quoi exactement ?) et qu’il faut prévoir dès maintenant à faire garder les enfants (mmoui, et comment, si les nourrices font leur devoir elles n’accueillent plus, si les haltes garderies sont fermées ? Sauf que comme nous sommes prévenues avant, on nous fera ouvertement la gueule si on ne vient pas au motif d’enfants à garder)
Bref, sans rire, c’est la panique totale à bord…
soi-disant.
Clo
Paul Says:
25 août 2009 at 20:23.
Visiblement, les administrations s’agitent. Volonté de déployer les parapluies au cas où ? En tout cas il semble que le jeu de l’oie soit poussé quelques cases plus loin que pour la grippe aviaire… Pas mal d’infos aussi dans le même sens que les vôtres, Clopine et Fred, de la part d’un copain qui est principal de collège et qui est abreuvé de circulaires et de réunions. Heureusement que vous pourrez continuer à lire « la feuille charbinoise » et tous les autres blogs sans masques ! De là à ce que l’on impose les gants en soie pour taper sur les claviers !!!
zoë Says:
26 août 2009 at 15:33.
Excellent alarme contre l’alarmisme et merci du lien sur Winckler qui m’a permis de découvrir son blogue (à la québécoise, j’imagine) et les infos sobres et utiles qu’il transmet
Paul Says:
27 août 2009 at 13:52.
@ Zoë – le blog de Martin Winckler est souvent fort instructif effectivement et il y a un gros effort de pédagogie de façon à ce que la problématique médicale soit accessible aux « nuls » !
@ tous – à lire, à la suite de mon texte, cet article sur le site de Jean Dornac : http://humeursdejeandornac.blogspot.com/2009/08/une-pandemie-de-profit.html
Paul Says:
28 août 2009 at 09:35.
Un autre complément aux propos que je tenais dans cette chronique… Un texte de Gérard Filoche intitulé « Se saisir de la grippe A pour instaurer un état d’urgence contre le droit du travail ? » Un bref extrait pour vous donner envie d’aller plus loin : « Il en va de la survie de l’économie nationale, des entreprises et de la sauvegarde de l’emploi ». En cas de passage en phase 6 de la pandémie – Roselyne Bachelot l’envisage dès septembre – l’employeur pourra « adapter l’organisation de son entreprise et le travail des salariés ». Le volume horaire de travail ou le nombre de tâches à effectuer pourront augmenter « par décision unilatérale de l’employeur ». Et l’administration Darcos précise que « le refus du salarié, sauf s’il est protégé, constitue une faute pouvant justifier le licenciement ».
Le lien indispensable : http://www.legrandsoir.info/Se-saisir-de-la-grippe-A-pour-instaurer-un-etat-d-urgence.html
Bonne lecture ; attention, les frissons dans le dos ne sont pas forcément un symptôme grippal !
LePtitLu Says:
4 septembre 2009 at 19:13.
Merci pour cet article ! A l’AREA, on a d’abord eu des recommandations à l’affichage, puis sous la forme d’un petit document distribué à l’ensemble du personnel dans lequel on nous explique comment il faut bien se laver les mains, éviter les contacts entre collègues (ne pas se serrer la main, ni se faire la bise) — recommandations appliquées à la lettre par la Direction en réunion. Je pense que ça l’arrange.