15 août 2009

Chronolochronique désopilante

Posté par Paul dans la catégorie : Delirium tremens; les histoires d'Oncle Paul .

Où l’auteur, dans l’intention de faire grimper l’aoûtimat, livre ses conclusions profondes sur des sujets dont une partie des lecteurs ignore même totalement l’existence…

Ce genre de billet a pour objet aussi d’alimenter l’argumentaire parfois indigent des grands esprits qui se penchent sur l’univers des blogs. Ces braves philosophes, généralement soumis au même besoin impératif de délivrer leur opinion sur tout et rien à la fois (allez chercher la contradiction et vous finirez au goulag !), estiment que la majorité des blogs ne sont que des journaux intimes de peu d’intérêt pour le public et n’ayant pour fin ultime que de permettre à leur auteur de se contempler le nombril. J’ai donc décidé qu’il était important de publier, de temps à autre, sur « la feuille charbinoise », le plus célèbre des blogs inconnus, quelques billets de haute volée, attestant de la bonne volonté que je peux mettre parfois afin de donner au vide absolu une consistance visqueuse et palpable. Cette chronolochronique risque donc d’être un peu ennuyeuse au cas où vous auriez déboulé dans la salle à manger grâce à mon pote Gougueule en vous intéressant au clepsydre, à la morue séchée ou aux crises d’épilepsie chez les requins. Sinon, tout va bien, c’est le 15 août et je suis la Vierge dans son assomption vertigineuse.

couple-dhirondelles Grasse matinée : je me lève à 7h, réveillé par le chant gracieux d’un oisillon poursuivi par la BAC ou simplement affamé. J’ouvre un œil, puis l’autre (j’en ai deux) et je me prélasse trois minutes dans le lit, sur mon matelas en latex tout neuf fabriqué en France par des ouvriers ardéchois, un ou deux mois avant la fermeture de leur usine. La raison de ce laxisme est simple : pour une fois mon dos ne m’a pas empêché de m’endormir et je suis donc frais et dispos comme un concombre séjournant au réfrigérateur. D’ici une dizaine de minutes, je sais qu’un bol de thé chaud va m’accueillir de ses charmantes effluves, dans la salle à manger. Je le sais… puisque, d’un pas décidé, je descends le préparer. Je déjeune toujours de la même façon : non par amour de la routine, mais en raison du fonctionnement très limité de mon réseau neuronal pendant la demi-heure qui suit la béatitude de l’éveil. La dizaine de minutes de délai est facile à calculer… Le nombre d’opérations que je réalise avant de goûter au nectar himalayen est très limité. Nulle tradition à respecter, que ce soit prière devant un crucifix pour que ma journée soit bénie, offrande à la con à déposer devant l’autel des ancêtres ou clope à immoler en l’honneur d’un cancer du poumon qui ne m’attire pas vraiment. Juste faire chauffer l’eau, trancher le pain, le faire griller et s’asseoir bien au centre de la chaise plutôt qu’à côté. Passé un temps, j’ai eu la prétention de vouloir procéder à quelques tests dégustatifs, genre comparaison de thés divers. J’y ai renoncé : trop cérébral. Un matin je prends le sachet n°1, le suivant le n°2 et pour le troisième, je laisse planer le suspens : vous ne saurez pas.

sur-lordinateur J’allume l’ordinateur de mon bureau et un doux bruit de ventilateur, genre turbine d’airbus, se met en route. Je pense qu’il doit y avoir une grosse couche de poussière sur le processeur ou alors que nous sommes dans une phase transitoire en attendant une cérémonie au Père Lachaise. Je somnole gentiment devant l’écran. J’essaie de répondre aux courriels en débitant un minimum d’âneries (par contre, je ne suis jamais grossier à des heures aussi matinales). Petite visite sur le blog histoire de lire deux ou trois commentaires sympas : ma conjointe salarie deux ou trois collaborateurs qui m’écrivent tous les jours sous des pseudonymes divers histoire de me faire croire que j’ai plusieurs lecteurs ou lectrices intéressé(e)s par mes déblatérations. Je me débarrasse d’un clic péremptoire rageur des quelques spams qui sont venus souiller mes plates-bandes intellectuelles. C’est l’heure où, en classe (réminiscence d’une vie antérieure), je prêtais une oreille attentive aux récits des enfants rassemblés autour de moi, tout en essayant de me convaincre qu’il y en avait bien une trentaine et que c’était bien les mêmes que d’habitude ! Histoire d’insister sur le caractère routinier de ce début de journée, je préciserai que c’est l’heure où je fais mon premier tour d’horizon des sites d’informations et où je fais la liste de tous les sujets dont je ne parlerai pas ou plus dans mon blog tellement j’en ai par dessus la tête. Ce matin j’ai ainsi échappé à une douzaine au moins de thèmes de chroniques… enfin quand je dis « je », je devrais plutôt écrire « vous avez échappé… »

accordeon Une bonne heure après le réveil j’atteins le summum de mes capacités intellectuelles. Il ne faut pas que je rate cette première et unique période d’activité cérébrale intense. C’est le moment où il est souhaitable que je joue de l’accordéon, que j’écrive la meilleure chronique du mois et que je lance tous les grands projets compliqués que j’ai mis de côté depuis (selon les cas), un jour, un mois ou quelques années. Comme dans la classe de certains de mes collègues, les neurones sont rangés par deux, alignés et prêts à exécuter les ordres les plus farfelus que je ne manquerai pas de leur communiquer. Ce matin, j’ai zappé le moment d’écriture : compte tenu du niveau de ce que je projetais de clapoter sur le clavier, j’ai estimé que la sieste du début d’après-midi conviendrait. Par contre il n’était pas question d’oublier la demi-heure musicale. je me coltine en ce moment l’accompagnement de la chanson « le champ de naviots » de Gaston Couté/Gérard Pierron (si vous êtes attentifs aux chroniques de ce fourre-tout, vous devez pouvoir suivre mon propos) et j’ai besoin de capacités puissance dix, genre super héros de l’accordéon, pour faire moins d’une fausse note par ligne de partition. A peine ai-je reposé mon ravissant petit Maugein que me voilà les deux mains dans la farine à pétrir le pain. Il ne faut plus lézarder car le soleil est haut à l’horizon et que les légumes du jardin ne vont pas apprécier une prolongation trop importante de leur régime sec. Histoire que vous tiriez un enseignement hautement qualitatif de la lecture de ce billet, je vous rappelle au passage qu’il ne faut jamais arroser des plantes en pleine chaleur, sauf si vous raffolez du gaspillage, des maladies fongiques et des aspersions de produits chimiques en tout genre. Fin de l’intermède culturel enfin pas tout à fait puisqu’il me faut encore ramasser tous les ingrédients nécessaires à la popote de midi. Bien entendu, je ne vous dis pas ce que fait ma complice pendant que je m’agite comme un ver de terre dans le sel : c’est sa vie privée et ce n’est pas à moi de vous dire qu’elle aussi arrose (avec une deuxième tuyau) et qu’elle ramasse des tonnes de machin pour remplir le congélateur et les pots de confiture.

aubergine Pour midi, aujourd’hui, je fais simple : petit sauté d’aubergines et de pommes de terre, assaisonnées avec des tomates cocktail coupées en deux de façon à obtenir un hémisphère Sud et un Nord. Quelques petits oignons rissolés et un fond de verre d’eau viennent compléter le mélange, ainsi qu’un soupçon d’origan et une noix de paprika. En tant que président de la fédération charbinoise des légumophiles, je me dois d’accompagner ce plat d’une bonne grosse salade, genre laitue sucrine avec des tomates cerises et un peu de fenouil. Je ne cuisine pas de viande puisqu’il y a un reste d’hier. Avec cette chaleur on est de moins en moins carnivores. Midi arrive ; la table est mise et je m’installe confortablement sur un fauteuil de jardin histoire de me consacrer au premier débat philosophique privé de la journée : « y-a-t-il une différence vraiment marquée entre le Ricard et le Pastis 51 ou bien tout cela ne repose-t-il que sur des bases gastronomiques erronées et fortement influencées par la publicité ? » La discussion est serrée et j’avoue que je n’arrive pas à l’emporter sur mon moi intérieur. Il est clair qu’un seul test ne suffira pas ; la preuve d’ailleurs c’est que les tentatives faites au mois de juillet n’ont pour l’instant pas abouti à une conclusion nette et définitive malgré la participation au débat d’un ingénieur expert dans ce domaine. Au dessert on mange des prunes parce que c’est la saison des prunes qui commence. C’est ça qui est formidable à la campagne : on est soumis aux impératifs de production, pire que dans un kolkhose stalinien : fraises pendant quinze jours, puis framboises, puis abricots, puis prunes… Il vaut mieux éviter d’avoir envie de prunes au moment des pommes ou des oranges : ce serait un coup à se faire tirer dessus par un écologiste embusqué derrière l’armoire à confitures. Le problème des prunes cette année, c’est que ce sont les pommes dont on s’est occupés pour qu’elles n’aient pas de vers. On a mis des pièges pour les carpocapses (à vos souhaits) du pommier, et, du coup, cette engeance de bestiole s’est intéressée aux pruniers. Comme je vous l’ai dit plus haut, je ne suis pas très carnivore en cette saison alors il faut manger les fruits avec un sabre à la main. La dernière prune avalée, j’ai poussé le cri du samouraï repu et ma compagne a commenté ce haut fait en disant que « ça faisait de la peine pour la famille »… Je me demande ce qu’elle a bien pu vouloir dire.

echantillons-de-bois Je me suis préparé le petit thé digestif indispensable, cependant que Madame buvait son café, puis je suis allé me vautrer devant l’écran histoire de sourire béatement en lisant les courriers multiples de mes admiratrices. J’ai ensuite rédigé le chef d’œuvre littéraire du jour avant de me plonger dans la lecture d’un bouquin super dont je vous parlerai à l’occasion de mon dernier sermon du mois (et du moi : le bric à blog selon Saint Paul connu également sous le nom de  « lettre au préfet de Gien » ). Quand je pense que c’est l’heure où (autrefois) j’essayais de tirer les enfants de la torpeur dans laquelle les avaient plongés les frites et la morue séchée de la cantine… Sacrée mission que j’avais là et que, il faut bien le dire, je n’ai pas toujours réussi à accomplir ! Le temps s’écoule dans le clepsydre à une vitesse supraluminique et, dans ce monde de requins où le rendement poussé jusqu’à l’épilepsie est une clé du succès, il faut que je me remette à l’ouvrage sans point attendre. Je reconnais que ces dernières phrases ne présentent qu’un seul intérêt c’est d’avoir placé les trois mots indiqués dans la consigne d’écriture du premier paragraphe. Et zou ! le pain ! Et crouic ! L’accordéon 2, le retour du monstre grinçant ! La chaleur n’incommode point les braves et me voilà en train de scier et de raboter quelques belles planches qui vont me servir à ranger tous ces maudits bouquins que je passe mon temps et dépense mon argent à acheter sans fin ni cesse. 17 h, 18 h, je suis vanné, épuisé, rompu ! Je n’aurai jamais le courage d’enfourner le pain et de regarder la télévision pendant qu’il cuit… Je baisse la température du four tous les quarts d’heure, et, après une série de tests, je me suis aperçu que seule la télé me permettait d’avoir l’esprit suffisamment disponible pour ne pas oublier l’horloge… Les minuteries, je n’aime pas ça car je crois toujours qu’on me téléphone. La télé, vers 18 h c’est l’idéal. Je zappe toutes les trente secondes, ce qui fait qu’au bout de trente chaînes visionnées, il n’y a plus qu’à se lever du canapé. Comme mon satellite atomique me permet d’en capter trois cent sans avoir rien à débourser ainsi que je l’ai expliqué à la dame d’Orange (vous suivez ?) et bien il y a largement de quoi cuire le pain. Pour être honnête, je dois avouer que je ne cuis pas souvent de fournée en ce moment car je trouve l’épreuve particulièrement insupportable. Mais que voulez-vous, une maille à l’envers, une maille à l’endroit, un sudoku par ci, un judoka par là, ce n’est pas mon truc.

fontaine Ne croyez pas que je vais détailler ma soirée alors que j’ai atteint la longueur de billet réglementaire (cf norme 807 du syndicat minoritaire des blogueurs). Je vous dirai simplement que cet instant charmant où le clair obscur s’impose peu à peu et limite du coup le champ de vision humain, eh bien, mon rythme d’activité ralentit peu à peu. Si j’habitais dans les îles j’irais sans doute à la plage regarder les vagues huileuses de crème solaire venir agoniser dans le sable. Mais point de mer à l’horizon et je me contente de la vision lointaine des cîmes neigeuses des Alpes. C’est moins romantique, surtout quand un hélicoptère me casse les oreilles, mais on fait avec. Lorsqu’il nous reste un peu d’énergie on va faire le tour du pâté d’arbres sur nos petites jambes à l’air. La balade est sympa : elle permet de surveiller l’avancée des lotissements qui vont bientôt nous recouvrir. Pour l’instant on a de la chance, l’agence immobilière qui ravage le secteur n’a pas encore réussi à vendre notre jardin et la commune interdit l’empilement des maisons neuves les unes par dessus les autres. En fin de journée, j’ai parfois un peu le blues lorsque je mets ma fiche dans la pointeuse et que le patron me demande de remplir le graphique concernant la réalisation des objectifs du jour. Heureusement il me reste suffisamment de neurones actifs pour faire des projets grandioses pour le lendemain. Cette bonne action réalisée, on peut, sans scrupules, se caler dans un bon fauteuil avec une bonne lecture à portée de main. Le bruit de la fontaine à eau que j’ai installée dans mon ébauche de cabinet des curiosités, suffit comme berceuse pendant que l’imagination part tout doucement à la dérive. La chatte aimerait bien que l’on regarde la télévision en s’asseyant sur la banquette, mais, non, vraiment non, y’a pas moyen.  Moment plaisant que cette grasse soirée, surtout lorsque l’on sait que l’on n’est pas tout seul et que l’on peut échanger sourires et propos chaleureux avec quelqu’un qui est tout proche de vous. Comme disait un philosophe charbinois méconnu, j’apprécie énormément la solitude, surtout avec une personne que j’aime pour me tenir compagnie ! Allez je vous en écrirai un de billet, un jour, et je l’intitulerai « la main droite de mon blog ». Je peux m’endormir heureux ; ma dernière idée de la journée n’est pas la plus idiote !

Notes scientifiques : la chronolochronie (ou chronichronologie) n’a qu’un rapport lointain avec la dendrochronologie. La chronolochromie est l’art dans les blogs de publier des textes sans autre tête et sans autre queue que (désolé) le fil linéaire du temps qui défile. On ne trouve dans ce genre de billet ni thèse construite, ni antithèse savante, ni synthèse érudite. La conclusion peut, au mieux, être considérée comme une éruption, ou parfois, comme un acte de constriction (attitude du boa faisant sa prière).

alchimie-dune-journee

2 Comments so far...

Stéphane Says:

15 août 2009 at 11:37.

Waouh ! trop vite ! j’allais à peine commencer à émettre quelques idées farfelues sur le post du 10 aout -je voulais parler de compte épargne temps, nouvelle riche idée pour ceusses qui bossent, mettre du temps de côté pour travailler plus MAINTENANT !- mais je me rends compte, ce matin du 15 aout, alors que je me réveille à peine, que toi, tu as déjà fini cette journée, que je prévoyais plutôt lente et fainéante, lézardisante pour tout dire, compte-tenu de la température.
Pas sur de pouvoir passer à la vitesse supérieure de sitôt … -la prochaine fois, je te parlerai du slow-movement-.
A+

fred Says:

17 août 2009 at 16:37.

Tu es bien trop modeste avec toi même ! Rien que pour se servir de ta télé il faut avoir fait polytechnique ! je garde un souvenir ému (et surtout honteux) de mon incapacité totale à comprendre l’utilisation de tes multiples télécommandes ! Il faut vraiment avoir envie de la regarder la télé chez toi ! 🙂 Alors que pour finir, c’est plutôt la télé qui me regarde au bout du compte ….

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