6 février 2008
Le chat sur la pyramide
Posté par Paul dans la catégorie : Le chat noir; les histoires d'Oncle Paul .
Une légende égyptienne raconte qu’un jour Rê se fit attaquer par un serpent : le serpent avala Rê. Rê, dieu solaire disparu, la nuit enveloppa l’Egypte.
Bastet fut envoyée. Elle attaqua le serpent. Elle planta ses crocs dans la nuque de l’ennemi. En mourant, celui-ci recracha Rê. Ainsi Bastet rendit la lumière aux égyptiens.
Cependant, Bastet ayant planté ses crocs si près de Rê, elle en avala des éclats. C’est ainsi qu’elle transmit à sa descendance des éclats de Rê : lorsque la pupille des chats se rétracte, nous pouvons alors voir leurs yeux s’entourer d’un cercle lumineux, tel l’éclat de Rê. Et c’est également pour cette raison que nos amis félins recherchent la chaleur des rayons du soleil, des rayons de Rê.
Le chat entendit une pierre rouler quelques mètres en-dessous de lui et il redressa la tête, l’oreille aux aguets. Il se demanda si c’était l’homme au turban noir qui revenait le voir. Il lui avait apporté un poisson bien gras dont il ne restait plus que la tête et quelques arêtes, ainsi qu’une jatte de crème de lait qui lui avait servi de dessert. L’homme s’était prosterné devant lui mais n’avait pas essayé de le toucher. Il avait psalmodié quelques paroles avec une voix gutturale puis avait fait demi-tour dans la pente, veillant à ne pas glisser en effectuant une descente tout aussi périlleuse que la montée. Pendant les heures chaudes, le chat était resté seul sur sa corniche de pierre. Nul n’avait osé affronter les rayons de Rê pour venir déranger sa digestion. L’ouverture de l’étroite galerie qui s’enfonçait dans la paroi de pierre lui permettait de choisir, à son gré, une position plus ou moins ombragée. La nuit, il disparaissait et faisait de longues promenades dans de sombres couloirs dont nul ne se souvenait.
Dès qu’il l’avait aperçu, quelques jours auparavant, Onoteph, le gardien du temple, avait prévenu le grand prêtre : « le chat est noir, votre grâce, il ne ressemble en rien aux chats qui se promènent autour du temple. Il n’a pas leur pelage fauve. Il est noir comme les ténèbres et ses yeux brillent dans la nuit comme les rayons du Dieu Rê. Bastet nous envoie un signe mais vous seul pouvez savoir ce qu’elle nous demande ». Au début, le grand prêtre n’avait pas voulu croire son serviteur. Il pensait que celui-ci avait eu une illusion, que le pelage foncé du félin l’avait trompé sur sa véritable couleur à cause de l’ombre des pierres. Il avait fallu qu’Onoteph demande au grand maître de venir voir l’étrange animal. Il avait réussi à convaincre le vieil homme d’escalader les premiers degrés de la pyramide de Néférousobek pour vérifier ses dires. Le grand prêtre s’était alors exclamé : « même au temple de Bastet, à Bubastis, lorsque j’étais jeune purificateur, je n’ai jamais vu semblable animal. » En regagnant son temple, le prêtre se demanda si Bastet n’avait pas revêtu cette étrange livrée pour rappeler à l’ordre ses serviteurs. Il n’y avait pas de temple consacré à la déesse à Mazghouna et peut-être prenait-elle ombrage du fait que seuls les prêtres de Bubastis la vénéraient encore. Plus il y pensait, plus il se disait que le noir était un signe. Bastet regrettait-elle d’avoir rendu la lumière au peuple du Nil ? Le temple de Mazghouna était consacré à Isis, la déesse de la vie, mais il était peu fréquenté. Le prestige du lieu grandirait sans doute si le chat noir y élisait son domicile. Il s’endormit en se demandant comment il allait s’y prendre pour convaincre le félin de venir dans le temple et surtout d’y demeurer. Au réveil, il avait pris sa décision : il fallait capturer l’animal sacré, quitte à procéder ensuite à quelques sacrifices pour calmer son courroux.
Le chat n’aimait pas être dérangé ; il leva la tête en gémissant sourdement. L’homme au turban noir était encore là, mais il n’était pas seul. Il était accompagné d’un autre homme, très vieux, dont le crâne chauve luisait de transpiration dans les rayons du soleil couchant. Il transportait une corbeille d’osier qu’il posa à quelques mètres du chat, sur la corniche. Il souleva le couvercle et montra au félin, maintenant bien réveillé, le plat rempli de poissons qui se trouvait à l’intérieur. Puis les deux hommes se reculèrent précautionneusement, se prosternèrent et attendirent. Le chat n’était pas méfiant. Il sauta dans la corbeille pour dévorer son repas, mais il fut surpris quand le couvercle se referma. Avant que l’homme au turban n’ait eu le temps de réagir, il bondit hors de sa prison, se retourna, crachant sa rage et son mépris au vieillard rasé, puis disparut dans la galerie réservée à ses promenades nocturnes.
L’astre de lumière disparut et la nuit enveloppa Mazghouna. Onoteph retourna à ses occupations et le vieux prêtre vers son lieu de méditation. En entrant dans le temple, il jeta un coup d’œil inquiet vers l’horizon et se demanda si la barque solaire réapparaîtrait le lendemain ou si la déesse allait appeler le serpent et les punir pour l’affront qu’ils venaient de lui faire. Il eut beaucoup de peine à s’endormir ce soir-là. Au milieu de la nuit, le sol se mit à trembler. Les secousses furent de plus en plus violentes. On entendit de sinistres craquements puis le bruit d’un grondement de tonnerre prolongé… Au petit matin, il ne restait plus rien du temple de Mazghouna. La pyramide de la Reine Néférousobek, compagne d’Amenemhat IV, n’était plus qu’un amoncellement de pierres.
Le chat s’enfonça dans le labyrinthe des couloirs de la pyramide. Il emprunta des passages que lui seul connaissait et se rendit jusqu’à la chambre funéraire de la Reine puis s’assit sur le sarcophage. Une toilette prolongée lui permit de se calmer un peu : on ne cherche pas impunément à capturer un chat noir quelle que que soit l’intention que l’on mette derrière cet acte. Ces humains méritaient d’être punis. Un grondement venu des entrailles de la terre répondit à son souhait. Les yeux du chat devinrent étrangement luisants. Il s’allongea sur la dalle de marbre et son pelage crépitant étincela de reflets bleutés. Une langue de feu caressa doucement son échine. Cette langue de feu prit la forme d’une main, se prolongea d’un bras puis d’un corps et une silhouette un peu floue se matérialisa dans le caveau. La déesse prit le chat ronronnant dans ses bras et les deux créatures s’estompèrent peu à peu dans un angle de la pièce ; puis l’obscurité reprit ses droits. Nul ne sait en quel endroit mystérieux Bastet emporta la noire créature. Elle le garda sans doute contre son sein pendant des siècles et des siècles et il fallut attendre le début du Moyen Age en Europe pour le voir réapparaître dans notre dimension.
2 Comments so far...
Clopopine Trouillefou Says:
6 février 2008 at 16:40.
Ah ! Quelle jolie histoire ! On a envie de la poursuivre ainsi :
» Et puis Cléopâtre mourut, à cause d’un autre serpent, caché sous des figues celui-là, et le déclin de l’empire egyptien fut définitivement prononcé par l’assemblée des Dieux. Seule Bastet, le chat noir dans ses bras, ne se résignait pas. Elle parcourait jour et nuit la terre et le ciel dans son entier, et refusait que sa barque, comme celle des autres dieux, pâlisse et cède la place à la forme flamboyante de la Croix Chrétienne. Elle n’était plus que fureur, essayait de soulever tous les esprits qu’elle rencontrait, en appelait à Isis et Osiris, mais ceux-ci devenaient de jour en jour plus transparents, jusqu’à ne plus être palpables, mais ressembler au courant du Nil, dans le Nil.
Alors Bastet s’introduisit dans l’armée céleste. Elle devint un archange, et, toujours remplie de fureur vengeresse, commença à prôner la rébellion contre ce Dieu Usurpateur. On connaît la suite : Telle une torche vive, Bastet fut précipitée, sous le nom de Lucifer, hors du Paradis des Chrétiens. Mais le chat noir, précipité avec elle, recueillit dans ses yeux verts, et jusqu’au bout de ses moustaches, l’âme tourmentée de sa première maîtresse. Aussi jura-t-il de faire tout le mal possible à l’engeance humaine. Le Chat Noir devint ainsi le symbole de la malchance, du sort contraire et de la diablerie bien connue de Satan, dans l’enveloppe duquel Bastet brûlait jour et nuit.
Les choses auraient pu aller ainsi, pour des siècles et des siècles, le Chat Noir ouvrant le bal des diableries et les pauvres hommes, dans leur vaine tentative pour lutter contre le Mal, le jetant au bûcher, quand il traversait leur route. Mais un jour, en Egypte… »
Bon j’arrête de divaguer
Clopine
fred Says:
7 février 2008 at 09:19.
Si vous voulez voir ce qui est arrivé à ce brave BASTET, regardez ça :
http://fr.youtube.com/watch?v=0SI90dsvA4E
ahem … désolé !