30 novembre 2009
Brr…hic à blog de novembre !
Posté par Paul dans la catégorie : Bric à blog .
froidure en décembre – engelure en janvier – biture en février (proverbe charbinois)
Ce qui a beaucoup fait jaser sur les blogs cette quinzaine, c’est la dernière pantomime médiatique de notre prince hongrois. Notre manipulateur numéro 1 a en effet exprimé le souhait que les cendres d’Albert Camus soient transférées au Panthéon (en attendant que celles de Proudhon ne reposent sous l’arc de triomphe ?). Ceux qui ne sont pas encore habitués aux récupérations en tout genre de ce démagogue populiste, en ont avalé leur cravate de travers. Je n’ai pas parlé de ce « fait-divers » sur la feuille, mais d’autres l’ont fait à ma place et avec talent. Je vous propose trois textes, tout aussi différents qu’intéressants à propos de cette affaire. En premier lieu, un article de Dominique Hasselman, paru le 24 novembre dernier sur son blog ; pour compléter l’analyse, les réflexions pertinentes d’Isabelle Rambaud, sur « Rendez-vous du patrimoine » (quoique cet article-là s’intéresse plus aux divagations d’un autre énergumène, Pierre Bergé, qu’aux faits et gestes du patron) ; en bouquet final, je vous propose la lettre ouverte de Michel Onfray au Président de la République. C’est un pur moment de bonheur, délectez-vous. Je ne suis pas toujours sur la longueur d’onde de Michel Onfray et mon opinion sur ce très médiatique philosophe évolue un peu en fonction de ses prestations parfois discutables et de ses écrits. Je dirai qu’à la suite de ce dernier coup d’éclat, l’indicateur de pression de mon baromètre est plutôt repassé côté « beau temps ». Cette histoire panthéonesque a été l’occasion de tout un déballage sur le web (au moins francophone), ce qui a permis de découvrir quelques textes fort intéressants de divers auteurs. Le penchant libertaire de Camus est indéniable, ce qui explique les jugements peu amènes que les Marxistes (tout particulièrement les membres du fan club de Staline), notamment, ont formulés à son égard. Sa disparition en 1960 a en tout cas créé un vide indéniable dans la sphère de l’écriture philosophique. J’ai découvert ce très émouvant hommage que lui a rendu un certain Georges Belle, en mai 1960. Ce texte a été publié à nouveau en 2007 sur le site internet « la presse anarchiste ». Cette phrase extraite du texte : « Albert Camus représentait trop l’ultime résistance aux multiples impostures de notre histoire, aux viols sans cesse renouvelés de la société contemporaine pour que je supporte sans révolte sa mort. » Les termes d’imposture, de viol (j’y ajouterai l’escroquerie intellectuelle) ne s’appliquent-ils pas remarquablement aux velléités normalisatrices et récupératrices du locataire de l’Elysée ?
En terminant la rédaction de la chronique sur Durruti, la semaine dernière, j’ai eu comme un doute sur l’utilité de ce genre de rappel historique. Après tout, la guerre civile en Espagne s’est achevée il y a plus de 70 ans… depuis de l’eau a coulé sous les ponts… Je sais très bien que le contexte a changé, que les expériences ne sont pas transposables… Et puis une information vue au journal d’Arte, approfondie grâce à plusieurs sites d’informations (article à lire sur Rue 89 par exemple) m’a ôté les quelques doutes qui m’assaillaient ; visiblement, le dossier du franquisme est loin d’être bouclé comme en témoignent les faits rapportés ces derniers temps dans l’actualité. Le juge Baltasar Garzón, après s’être vu refuser la possibilité de faire ouvrir un certain nombre de fosses communes datant de la période 1936-39, dans le but de faire qualifier de « crime contre l’humanité » les assassinats perpétrés contre les militants républicains espagnols, a décidé de rouvrir le dossier des crimes franquistes avec une nouvelle approche. Il s’intéresse cette fois au dossier des bébés enlevés dans les prisons ou dans les maternités aux femmes suspectées d’avoir de « mauvaises opinions ». Plus de trente mille enfants ont ainsi été volés à leurs mères, avec la complicité active de l’église catholique espagnole. Leur état-civil originel a été falsifié ou détruit, et les enfants ainsi enlevés ont été confiés à des familles de « bonne moralité » chargées de les élever dans le respect des bonnes vieilles valeurs de la droite éternelle. Le pire c’est que ce trafic a continué même après la mort de Franco, un certain nombre d’institutions religieuses le trouvant fort lucratif. Certains enfants cherchent actuellement leurs « véritables » parents et se heurtent à un mur de silence. Vieille histoire que le franquisme, peut-être, mais il semble bien que l’Espagne soit loin d’avoir fini de régler ses comptes avec cette période de son passé ; beaucoup de politiciens, de droite comme de gauche, espéraient pourtant enterrer définitivement cette histoire. Voter des lois imposant l’amnésie ne suffit pas à régler les problèmes des vivants. Le même problème se pose actuellement au Chili et en Argentine, car les pratiques de l’extrême-droite espagnole ont bien entendu fait des émules outre-Atlantique. Du coup je me suis replongé dans un certain nombre d’articles concernant notamment les conditions de détention des femmes dans l’Espagne franquiste. J’y reviendrai sans doute cet hiver. Vous n’avez pas fini d’entendre parler des événements de cette époque et des gens qui en ont été les acteurs. Je reste convaincu qu’une meilleure connaissance de l’histoire ne peut qu’aider à mieux comprendre le présent.
La réhabilitation de ceux qui ont tenté, d’une façon ou d’une autre, de s’opposer aux régimes totalitaires recouvrant l’Europe telle une chape de plomb, suit timidement son cours. On peut lire à ce sujet un excellent article publié par François De Beaulieu sur son blog. Il s’intitule « Traitres de guerre » (en deux parties) et compare le traitement réservé aux Résistants allemands et espagnols survivants par nos modernes démocraties. Il y a une dizaine d’années, les citoyens allemands qui ont été emprisonnés à l’époque du nazisme ont vu leurs droits en partie reconnus, et le gouvernement a décidé d’indemniser (avec parcimonie) les « dommages » subis. L’état espagnol a suivi cette voie, avec une dizaine d’années de retard et tout autant de parcimonie. François de Beaulieu explique les modalités complexes du dédommagement proposé. Ce qui est sûr c’est que vu le montant des indemnités « offertes », ces héros obscurs ne pourront pas être accusés de « creuser les déficits publics ». Il semble nettement plus urgent de béatifier les prêtres qui ont payé de leur vie, leur soutien enthousiaste à la dictature fasciste, que de réhabiliter les pouilleux qui rêvaient « d’un autre futur ». Nos voisins ne sont pas les seuls à avoir des rapports conflictuels avec leur passé. Le dernier siècle de l’histoire hexagonale est bourré de dossiers sensibles, des mutineries de 1917 à la répression dans nos colonies, sans oublier le régime de Vichy et autres « babioles » du même genre. Prenez le temps de parcourir le blog de François de Beaulieu ; je vous en ai déjà parlé une fois ; je ne manquerai pas d’y faire référence à nouveau. Son contenu, essentiellement historique, est riche en récits et en témoignages instructifs, notamment en ce qui concerne la lutte contre le régime nazi… en Allemagne.
Bien entendu, tous les faits d’actualité énoncés dans les paragraphes précédents ne sont que des éléments de second plan. La « une » des médias reste occupée par le marronnier le plus intéressant de la saison : cette fameuse grippe H1N1, qui a provoqué bientôt plus de morts dans l’hexagone que ce qu’on peut dénombrer dans les accidents routiers en un mois. C’est dire ! La masse d’articles publiés est énorme et il est impossible de les lire tous tant il y a de redondances (en ce qui concerne les opposants à la vaccination) ou de bourrage de crâne (du côté des VRP des labos pharmaceutiques). Je vous recommande cependant la lecture du texte « les profiteurs de la peur » sur le blog « pharmacritique ». L’auteur revient sur le documentaire diffusé par ARTE (encore !), intitulé « un virus fait débat », le commente et surtout propose un certain nombre de liens internet intéressants pour approfondir le sujet. Il incite à la plus grande méfiance à l’égard des directives de l’OMS, organisme de plus en plus « influencé » par le lobbying des grands groupes pharmaceutiques : « …cette organisation, qui n’est que politique mais se fait passer pour une instance scientifique, a fort opportunément changé sa définition de ce qu’est une pandémie. » Un autre extrait du même article : « les vaccins sont devenus une source centrale de revenus pour des laboratoires qui n’innovent plus et dont les pipelines sont vides… Plus que jamais comptent les slogans d’une « prévention » déformée, qui n’a plus grand chose de scientifique et dégénère en propagande. Il en faut afin de mettre en oeuvre le pharmacommerce de la peur à l’échelle voulue – y compris à l’échelle planétaire, comme on le voit avec la grippe porcine. »
A ce propos j’ai remarqué que l’on trouve cette phrase « certains malades de la grippe A-H1N1 développent de graves infections secondaires, en particulier de jeunes adultes qui n’y sont normalement pas vulnérables », dans les bannières « actualité » de certains sites d’infos, et ceci très régulièrement depuis deux ou trois mois. Seul l’auteur de la déclaration change : il s’agit une fois du docteur truc, une autre fois du docteur machin, ou d’un quelconque organisme de prévention US. J’ai toujours trouvé étranges ces « copier-coller » utilisés comme un leitmotiv : infos ? publi-rédactionnel ? Le doute est permis… Si le fait que « même des jeunes » peuvent mourir de la grippe ne vous suffit pas, sachez que le virus est en train de muter… sans que l’on sache trop vers quoi… La conclusion qui me paraîtrait logique c’est que si le virus évolue, le vaccin hâtivement mis au point ne doit plus guère être efficace… Mais bon, je reconnais que mes connaissances thérapeutiques ne dépassent pas le remède des quatre chapeaux signalé par Lavande dans les commentaires d’une récente chronique. En tout cas, jeunes lecteurs et jeunes lectrices, sachez que vous n’êtes pas non plus à l’abri d’un accident mortel en vous installant au volant de votre coupé sport aérodynamique !
Le mouvement « Pour une Suisse sans Armée » a tenté sa chance hier en Helvétie, en proposant comme thème de référendum l’interdiction de l’exportation des armes. Certes leur proposition a abouti à un échec, mais qu’elle ait déjà été formulée et proposée comme thème de votation est quelque chose de tout à fait positif… Vous imaginez la même procédure en France ? Un pays où l’on ne prend pas le risque de demander une seconde fois aux habitants leur avis sur la constitution européenne ? Quant à montrer du doigt ces mêmes Helvètes parce qu’ils ne veulent plus voir de minarets dans les futures mosquées qui seront construites et à dénoncer leur anti-islamisme primaire, c’est s’occuper de la paille qu’il y a dans l’œil du voisin plutôt que de la poutre… Quel aurait été le résultat d’un tel référendum en France ? Je vous laisse faire des paris sur le score du « oui » et du « non ». La peur est le vecteur numéro 1 d’installation de l’idéologie fascisante. De la peur à l’intolérance puis à la haine il n’y a qu’un pas, vite franchi lorsque les médias les plus puissants déversent sans arrêt leur propagande nauséabonde. On peut lire à ce sujet un bon texte d’Alain Gresh sur le blog du monde diplo. Je pense que ces deux derniers sujets que je viens d’évoquer vont faire couler pas mal d’octets dans les jours à venir…
Désolé du côté un peu rébarbatif de ce « bric à blog » automnal. Les thèmes abordés n’ont rien de festifs, mais il faut dire que l’actualité n’est guère réjouissante et que cela ne va pas en s’arrangeant. Dans la prochaine chronique, on parle « bouquins » et j’essaierai de vous proposer quelques pistes un peu plus récréatives ! Décembre sera là demain et les fêtes de fin d’année approchent : les dindes commencent à claquer du bec, les marrons à se peler et les homards sont en quête d’un asile politique incertain… Certains se demanderont peut-être la raison pour laquelle un étrange proverbe charbinois figure en tête de cet article : je suis le premier à m’interroger…
Illustrations : photo 2 Agusti Centelles (exposition « Républicains espagnols à Bordeaux ») –
7 Comments so far...
Zoë Says:
30 novembre 2009 at 12:49.
Cher Paul, votre bric à blog est comme toujours fort bien fourni. Seul défaut (mais c’est le cas de cette forme d’exercice), il faut réserver une partie de sa journée à l’exploration. J’y reviendrai donc. Et merci
Dominique Hasselmann Says:
30 novembre 2009 at 13:27.
Oui, minarets interdits + ventes d’armes autorisées à l’export : les Suisses sont finalement des sacrés va-t-en-guerre, contrairement à une réputation que l’on croyait bien établie…
La peur est bien le dénominateur commun à ces deux décisions. Heureusement, le couteau suisse est encore un peu épais pour que chaque Helvète se le mette entre les dents !
Lavande Says:
30 novembre 2009 at 14:37.
C’est pas un minaret, la photo qui est en tête du blog? Avec le muezzin et la muezzine en gros plan à droite?
Bravo au moins comme ça on est sûr que tu n’es pas Suisse.
Paul Says:
30 novembre 2009 at 15:01.
@ Lavande – Damned, we are made like rats ! Il est temps d’abandonner ce bandeau !
Clopine Trouillefou Says:
30 novembre 2009 at 15:41.
Chez nous, il ne fait pas froid.
Il pleut.
Sisisi.
Du coup, on mensualise les bitures…
Clop’
Paul Says:
2 décembre 2009 at 09:41.
J’ai parlé de la récupération de Camus dans cette chronique. Mais j’aurais bien entendu pu parler de beaucoup d’autres dont notre prince hongrois essaie de s’approprier la mémoire et surtout l’image vertueuse. J’aurais pu parler de Marc Bloch, par exemple. Je vous invite à lire un texte rédigé par la petite fille du grand Résistant que fut Marc Bloch. Vous le trouverez notamment sur le site d’infos alternatives « Altermonde-sans-frontières ». Voici le lien : http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article12298
François Says:
4 décembre 2009 at 17:49.
L’acceptation de l’interdiction des minarets m’a vachement déçu de la part de mes compatriotes et je suis loin d’en être fier. Le fait que d’autres pays auraient voté pareil n’est pas une grosse consolation.
Quant à l’interdiction d’exporter du matériel de guerre, c’est vrai que l’on a au moins le mérite d’avoir pu voter sur le sujet, même si le schmilblick n’a pas avancé. Il faut que les opposants à cette initiative (soit l’ensemble de la droite) a mené campagne en parlant d’interdiction des exportations en général. Forcément, ça a dû refroidir pas mal de gens. Ils ont aussi joué sur l’éternel créneau de la défense nationale, comme si la Suisse était capable de construire tout son matériel militaire toute seule. Et comme si l’armée suisse était capable de défendre le pays, d’ailleurs.