7 janvier 2010
Petite histoire du coq radioactif qui rêvait d’avoir des plumes vertes
Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Humeur du jour .
Décidément, notre emblème national radioactif a bien des misères. Le sommet de Copenhague n’a été qu’un pétard mouillé et ceux qui espéraient que le rayonnement (radioactif) de la France retrouverait la splendeur qui était la sienne au temps des lumières ont été cruellement déçus. Faute d’idées nouvelles et de philosophes dont le rayon d’action dépasse celui d’un studio d’enregistrement radiophonique, nous avions au moins un concept intéressant à proposer pour lutter contre le réchauffement climatique : la mise en route d’une multitude de petits EPR (Engins Particulièrement Radioactifs) aux quatre coins de la planète. Le thème de la promotion pour ce produit était simple : le pétrole, le charbon, ça pollue ; l’éolien, le solaire, ça coûte cher ; l’électricité, surtout lorsque elle est d’origine nucléaire (et française) c’est un produit miracle. La preuve d’ailleurs, c’est que dans le plan d’enfer conçu par le généralissime de nos troupes, à savoir la célèbrissime « taxe carbone à la française », on imposait les manants utilisant du fuel ou du gas-oil et l’on offrait des indulgences aux preux gaspillant l’électricité à tout va. Notre coq valeureux lissait donc ses plumes avec volupté, dans la perspective d’un nouveau combat à livrer et de nouveaux clients à conquérir, en Afrique en particulier… Il faut dire que notre coq avait eu bien des déboires et qu’il avait fortement besoin d’une opération financière réussie pour redorer sa crête. On apporta donc grand soin à la composition de la délégation envoyée par notre basse cour au pays des Danois… Madame la ministre de l’écologie (son nom n’a guère d’importance dans l’histoire) avait pris soin d’emporter dans ses bagages, un homme de gauche, sympathique de surcroit puisqu’ancien président de SOS Racisme (un gage de bienveillance à l’égard de tous ces bronzés dont on ne veut pas dans l’hexagone) et militant acharné pour l’écologie, puisqu’il pousse ses convictions jusqu’à travailler chez AREVA, l’entreprise qui œuvre pour la grandeur rayonnante de la France. Pour ceux qui ne l’auraient pas reconnu, je parle de Fodé Sylla, chargé (comme par hasard) du dossier des relations avec les pays africains dans « l’ONG » dont je viens de citer le nom.
L’occasion était trop belle : il fallait que le monde entier puisse enfin s’apercevoir que notre coq arborait de magnifiques plumes fluorescentes bleu, blanc, rouge mais aussi une superbe parure de plumes vertes qui se dressait sur son croupion. Certains étaient même partisans de repeindre la crête en vert ; d’autres hésitaient ; finalement, pour que l’approche soit plus discrète, on se limita à l’éventail croupionesque. Il se trouva, bien sûr, quelques fâcheux, dans des ONG étouffées par la jalousie, pour dire que la présence de représentants de commerce d’AREVA dans la délégation était maladroite, voire même quelques indisciplinés pour protester vigoureusement contre les effets positifs de la propagation de nos gentils EPR sur la planète. Heureusement, cette contestation rampante s’étala principalement sur Internet et n’atteignit pas nos grands médias soucieux d’impartialité et fiers d’assister à un combat de coq, à la mode antique. Certains s’aperçurent alors, dans le fan club de notre volatile, qu’Internet était vraiment une porte ouverte sur n’importe quoi, que l’on pouvait y tenir des propos insensés, et que si la France était la Chine tout cela ne se serait pas produit. Il y eut même un canard, copain comme cochon avec le coq, qui suggéra que l’on pourrait nationaliser Internet de manière à mieux contrôler les discours qui s’y propageaient : constituer en quelque sorte un ONIF (imitant en cela l’ancienne ORTF), à savoir un Office National de l’Internet à la Française. On aurait pu confier la direction de cette officine à quelques spécialistes de la question : nous n’en manquons pas. Malheureusement, le tas de fumier sur lequel s’éleva péniblement notre coq était branlant et, malgré le soutien actif de notre petit Timonier, le volatile se cassa littéralement la g… Dans le tohu-bohu général, personne ou presque n’entendit ses cocoricos vibrants, et nul ne porta attention à son plumage rayonnant. La France peinait à retrouver la place prestigieuse qu’elle avait occupée dans le monde à l’époque de Voltaire et le 21ème siècle des lumières peinait à éclairer le monde.
Il faut dire que la technologie d’une part, et l’économie d’autre part, ne nous aidaient guère. La mission des représentants d’AREVA était complexe. Il leur fallait expliquer en quoi leur produit miracle était nouveau et n’était que l’embryon de découvertes encore plus révolutionnaires. L’Engin Particulièrement Radioactif n’était qu’une première étape. Nous allions bientôt éblouir la planète avec notre Resurrrrégénérrrrateur, le prototype qui dormait encore dans les cartons de nos ingénieurs. La preuve, disait le coq, que tous ces produits sont d’excellente qualité, c’est qu’ils sont fabriqués par des travailleurs français (sauf quelques manants s’occupant de tâches inférieures telles l’extraction de l’uranium, la maintenance des réacteurs, ou la conservation des déchets dans leurs jardins) et que plusieurs partis et syndicats (plus ou moins bolchévistes dans les temps anciens) sont convaincus de leur innocuité et de leur luminescence. Certes les volatiles étrangers faisaient remarquer qu’il y avait beaucoup de pannes dans notre parc de réacteurs, des fuites par ci par là, et de nombreux problèmes d’entretien. Le coq vert balayait ces arguments d’un battement d’ailes vigoureux en faisant remarquer que tout cela n’était qu’une affaire de renouvellement. La France n’avait que trop tardé à construire une nouvelle vagues de ces engins miraculeux, véritables climatiseurs planétaires, sources d’attraction pour les radieuses générations futures. Le problème des déchets n’en était pas un ; il suffisait de patienter un peu et surtout d’avoir la foi. D’autres volatiles étrangers faisaient remarquer que les prototypes d’EPR en construction présentaient de nombreux dysfonctionnements, que le resurrrégénérrrateur avait déjà montré ses capacités à ne pas fonctionner. Bref le débat tournait mal et nos valeureux champions de l’électricité verte et fluorescente avaient bien du mal à se faire entendre dans ce centre des congrès de Copenhague. D’autant que le bruit des matraques de l’efficace service de sécurité danois, s’ajoutant aux hurlements des manifestants maltraités, obligeaient à hausser la voix. Bref, l’atmosphère s’échauffait peu à peu, ce qui est le comble, si l’on convient que ce sommet devait permettre à la délégation française de vendre des climatiseurs radioactifs permettant de refroidir le continent africain et l’ensemble de la planète. Bref, nos VRP n’avancèrent qu’à petits pas glissants, sur l’épineux dossier de l’installation d’une multitude de réacteurs nucléaires sur le sol d’un continent qui n’en avait aucunement besoin…
La peinture verte ne suffisait visiblement pas à redonner de la santé à notre pauvre coq. Pendant qu’il s’égosillait dans les contrées nordiques, les mauvaises nouvelles s’accumulaient. Le réacteur que nous avions péniblement vendu à la Finlande nous coûtait des milliards à cause des retards dans la construction et des petits arrangements entre amis ; heureusement que le petit peuple de la basse cour, ayant bien du mal à trouver du grain pour lui-même, ignorait cette information. Le contrat « sans précédents » qui devait être signé avec les Emirats arabes avait était balayé d’un revers de manche de djellaba. On ne pouvait de plus pas trop critiquer ces clients récalcitrants puisqu’une autre tractation était en cours concernant un autre fleuron de notre industrie, le Rafale de notre ami Marcel. Les douze réacteurs projetés en Afrique du Sud s’étaient envolés dans l’atmosphère début décembre… On parlait de contrats mirifiques avec un consortium aux USA mais Anne, la sœur Anne (Lauvergeon), ne voyait rien venir, du haut de sa tour d’uranium. Les pitreries de cet agaçant Ahminejad en Iran, compliquaient la tâche des officines de communication qui essayaient désespérément de démontrer que non, grands dieux non, le développement du nucléaire civil n’avait aucun rapport avec la prolifération nucléaire militaire. Les Chinois, calculette à la main, avaient engagé une phalange du doigt dans cette histoire d’EPR mais cherchaient comment ne pas y laisser leur main et encore moins leur coude. Bref tout allait mal dans la basse-cour, et le coq, au retour de son voyage dans le grand Nord, déprimait…
La nouvelle année n’a rien arrangé, et les perspectives pour notre consortium national et son bataillon d’apprentis ingénieurs issus de l’école des Mines, ne sont toujours pas brillantes, malgré les déchaînements de communication et le dévouement du petit personnel politique. La valeur en Bourse des actions EDF et AREVA est dramatiquement basse… La France n’hésitant jamais à déverser son argent pour soutenir des causes perdues, et surtout des entreprises en manque de profits, nous avons ainsi appris qu’une part non négligeable du « grand emprunt » que va lancer le gouvernement auprès des petits rentiers et des grosses banques, va être affecté au développement du nucléaire. Qui remboursera cet emprunt et paiera les intérêts correspondants ? Je vous laisse trouver la réponse à cette devinette difficile. Il y a des chances que ce soient les mêmes que ceux qui sont en train d’aider les laboratoires pharmaceutiques à améliorer leurs marges bénéficiaires… A quand le vaccin pour protéger des radiations ? Il est grand temps de donner un coup de pouce à notre coquelet national. En France, nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des atomes, des vaccins, des chars Leclerc et des avions Rafale. Et si l’on offrait, en prime, un char, un chasseur et quelques milliers de dose de vaccins à chaque acheteur d’un Engin Particulièrement Radioactif ? Le marché ne deviendrait-il pas plus attractif de la sorte ? Notre grand président ne peut agir seul ; la preuve, malgré toutes ses gesticulations, il n’y a guère qu’aux Français qu’il arrive à vendre des EPR. Il faut dire que chez nous c’est facile : celui qui décide de la demande et celui qui fait l’offre, c’est la même personne… Nos grands penseurs doivent aider le coq : j’imagine bien Mr Alain Minc, Mr Bernard Henri Lévy, ou Mr Philippe Val, parader dans un spot à la télévision chinoise avec des plumes vertes là où je pense… Amusant non ?
Post Scriptum : petite anecdote amusante, je reçois ma facture EDF au moment où je termine la rédaction de cet article. Je n’ose l’ouvrir, par crainte des retombées financières. EDF… EDF… ne s’agit-il pas de cet autre volatile qui se permet de majorer de façon considérable le prix de l’abonnement pour les petits consommateurs d’électricité et de ne quasiment rien changer pour les gros, ce qui permet ensuite de dire que les tarifs n’ont augmenté que de façon insignifiante ? Je m’y perds…
Et puis pour faire bonne mesure, lisez donc cet article sur le brûlot antinucléaire nommé « Ouest-France ». Mais où va-t-on ma bonne dame ! Où va-t-on ?