14 mars 2008
Au musée ferroviaire canadien
Posté par Paul dans la catégorie : Carnets de voyage; La grande époque des chemins de fer .
Il y a, dans la banlieue de Montréal, au Québec, un musée ferroviaire vraiment plaisant à visiter. Nous nous y sommes rendus à deux reprises, en 2001 et en 2007. Pourquoi un tel acharnement ? En grande partie parce que nous avions été un peu frustrés par notre première visite. D’une part nous avions mis du temps à le trouver et, l’heure de fermeture approchant, il avait fallu faire une visite au pas de course alors que le site est d’une taille respectable, d’autre part parce qu’une partie du matériel exposé se trouvait à l’extérieur, en assez mauvais état, et que c’était assez pitoyable. En septembre 2007, nous avons pris nos dispositions pour arriver tôt, et nous avons été impressionnés par les travaux réalisés en quelques années pour rénover les hangars et remettre une bonne partie du parc de locomotives et de wagons en état. Il serait plaisant qu’un tel effort soit consenti chez nous pour la sauvegarde du patrimoine industriel, surtout quand on sait que la France a été l’un des derniers pays à investir dans la préservation de ses antiquités ferroviaires et aéronautiques.
Je ne vous conterai pas le détail de notre visite. Ce pourrait être fastidieux pour ceux qui ne sont pas, comme moi, fascinés par les embiellages, les jets de vapeur et les aiguillages en série. Je voudrais simplement vous montrer, à travers deux ou trois aspects du musée, que même un visiteur non ferrovipathe peut trouver « bielle » à sa mesure… La taille du matériel roulant par exemple est carrément impressionnante, que ce soit la hauteur des engins ou leur longueur. Debout à côté de l’un de ces monstres d’acier par exemple, je ne mesure même pas la hauteur d’une roue (bon je sais, je ne suis pas grand mais quand même). Le matériel est dimensionné à la taille du pays : 5000 km de Québec à Vancouver… Les gares sont éloignées et il n’est pas question que les locomotives fassent le plein d’eau et de charbon (ou de fuel) tous les cent kilomètres. Il faut donc transporter des réserves considérables de combustibles, mais il faut aussi que les motrices puissent tracter leur serpentin de wagons sur de fortes pentes pour franchir les montagnes rocheuses. D’où le gigantisme…
Le climat aussi offre quelques surprises pendant la longue saison d’hiver. Il faut que le train passe coûte que coûte car son rôle est essentiel dans le développement économique du pays à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Le musée présente quelques modèles de chasse-neige ferroviaires absolument impressionnants dont un colossal chasse-neige rotatif placé à l’avant d’un monstre à vapeur. L’aménagement, habilement conçu, des salles du musée, permet de monter dans la cabine de conduite de cet engin, mais permet aussi de parcourir quelques wagons, certaines voitures de tram ou de passer carrément en-dessous d’une locomotive à vapeur pour admirer la transmission.
Quelques modèles très anciens de locomotives sont présentés. Le chemin de fer apparaît en effet très tôt au Canada. La première ligne destinée au public est inaugurée en 1836 soit 11 ans seulement après la première voie ferrée construite dans le monde, en 1825, en Grande Bretagne. Le réseau se développe très vite : en 1876, le Nouveau Brunswick (côte Est) est relié à l’Ontario (centre) et en 1886, dix ans plus tard seulement, le premier train traverse le Canada. Le col Rogers permet le franchissement des Rocheuses à 1336 m d’altitude, mais le voyage est périlleux car les avalanches et les éboulements sont nombreux sur les rails ! Pour assurer la protection de la voie, un très long tunnel est construit en 1916. Les liaisons ferroviaires se développent dans toutes les directions jusqu’à la deuxième guerre mondiale, puis, comme dans beaucoup d’autres pays, ce mode de transport commencera à décliner. La liaison Montréal-Vancouver en train existe toujours mais elle présente surtout un attrait touristique.
Sur l’une des voies du musée, un wagon bien particulier nous a intrigués et nous a permis de découvrir un usage fort singulier du transport ferroviaire au Canada : le wagon école. De nombreux villages dans les endroits les plus reculés, possèdent une gare mais n’ont point d’école primaire. Le train va permettre de résoudre partiellement le problème. Une locomotive amène une voiture aménagée de façon ad hoc qui va stationner pendant quelques temps sur une voie de garage. Une moitié du wagon est occupée par la salle de classe. On se croirait dans une petite école rurale du Massif Central il y a quatre-vingt ans : pupitres, bancs, ardoises, tableau noir, cartes géographiques murales, rien ne manque ! L’autre moitié du wagon sert d’appartement (bien modeste) pour l’instituteur : une couchette, un bureau pour travailler et un coin cuisine pour se restaurer. L’école fonctionne pendant quelques jours, puis le wagon est attelé à un nouveau train de passage et déménage dans le village voisin. Cela n’empêche pas le fait que certains enfants doivent quand même faire plus de 30 km pour venir étudier. Ce système va fonctionner pendant une quarantaine d’années dans l’Ontario par exemple, de 1920 à 1960.
Les maîtres d’école, recrutés pour ce genre de mission, sont bien entendus volontaires. Il leur faut s’adapter aux us et coutumes des pionniers afin de pouvoir leur transmettre les connaissances qui leur permettront de mieux comprendre le fonctionnement de leur pays, si grand et si différent d’une région à l’autre. Nous sommes restés un bon moment devant cette voiture école, à nous demander, l’un et l’autre, comment nous aurions réagi si nous avions eu ce fonctionnement-là pendant notre carrière scolaire !
Pour les paresseux et les nostalgiques du bon temps, j’ajouterai que l’on peut se déplacer dans l’enclos du musée en utilisant un tram électrique d’époque : banquettes en bois rustiques, conducteur très digne dans son uniforme, et tintements de cloches à chaque franchissement d’un passage piéton ou à chaque arrêt dans un point important de l’exposition. La classe ! Très amusant aussi, le petit tour « à dada sur un wagon », dans un réseau miniature de train de jardin, que je n’ai pas manqué de faire, le sourire aux lèvres et l’air aussi épanoui qu’un gamin de cinq ans. Là, vous n’aurez pas de photo, faut quand même pas exagérer !
NDLR : les photos accompagnant l’article proviennent de notre album personnel, sauf les deux documents en noir et blanc, « empruntés » aux archives du Ministère de l’éducation de l’Ontario. Pour avoir plus d’infos sur le musée lui-même, au cas où, un de ces jours, vous traverseriez l’Atlantique pour visiter ce pays magnifique, voici l’adresse du site du musée.
One Comment so far...
Pascaline Says:
15 mars 2008 at 08:35.
Pour moi qui suis moins attirée par les bielles, les jets de vapeur, la délicate fragrance du charbon brûlé et les coups de sifflet stridents, ce musée m’a pourtant fait une profonde impression. J’ai noté mes coups de cœur :
«Jusqu’à 1860, il existait 300 heures locales différentes. Impossible d’établir des horaires de train fonctionnels et sécuritaires ! Le chemin de fer avait besoin d’heure juste, et vite ! 12h 15 à Portland, 12h 10 à Québec, 12h à Toronto, 11h40 à Buffalo… En 1879, l’ingénieur canadien Stanford Fleming (…) propose que la planète soit divisée en vingt-quatre fuseaux horaires d’une heure, et que les heures locales soient établies à partir d’une heure de départ universelle, le méridien de Greenwich, à zéro degré de longitude. Le 18 novembre 1883, l’Amérique du Nord adopte ce système (…).»
Le musée exhibe une buick rutilante : elle a été rééquipée en 1947 pour la faire rouler sur les rails comme voiture d’inspection, son poids passant dans la foulée à 3,8 tonnes.
Ce qui m’a peut-être le plus frappée, c’est cette photo d’un train malchanceux : alors qu’on venait juste d’enlever des sortes de tunnels de protection, il a été pris dans une coulée de neige et stoppé net. Le convoi venu à son secours a subi le même sort. Sachant que ce train transportait des passagers et qu’il n’était pas question de les laisser mourir de froid, il a fallu organiser l’évacuation des voitures dans des conditions terribles.
La photo montre les véhicules nappés de glace comme s’il était abandonné là depuis des lustres, avec des stalactites qui le recouvrent presque entièrement.
En attendant, j’aime bien prendre le train, après tout bien moins dangereux que la voiture…