5 avril 2010
La chasse d’eau, un ennemi sournois, face auquel il faut rester vigilant
Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour... .
Petit conte pascal à prétentions éducatives
J’ai toujours rêvé de devenir un écrivain de littérature dite populaire. J’ai sans doute été marqué par ma longue fréquentation d’auteurs comme Michel Zévaco, Maurice Leblanc ou le captain W.E. Johns (bien que je ne mette pas ces trois auteurs dans le même panier !). J’espère un jour arriver à trouver un personnage récurrent qui soit à la hauteur de mes fantasmes, un nouveau Bayard, un Robin des bois dauphinois, ou un Arsène Lupin un peu moins snob que celui de Leblanc. Faute d’avoir l’imagination, le courage et le sens du devoir qui me permettent d’arriver à mes fins, il m’arrive bien souvent de choisir comme héros le simple monsieur Toulemonde dans la peau duquel je passe bien du temps, peut-être un peu trop à mon goût ! Je vais donc vous conter l’aventure de ce Monsieur Toulemonde, combattant un ennemi aussi redoutable que sournois : la chasse d’eau, une créature venue de l’au-delà technologique dont il semble que les méfaits ne cesseront jamais. Je suis bien conscient, en écrivant ce texte, que je fournis une arme redoutable aux militants du camp des toilettes sèches. Tant pis, je préfère courir ce risque plutôt que de garder le silence. J’ai besoin d’exorciser le trouble existentiel qui s’est abattu sur moi dans ces temps où les périls les plus redoutables semblent me guetter à chaque coin de rue.
La chasse d’eau, me direz-vous, mais n’a-t-on pas d’autres ennemis redoutables à affronter dans notre quotidien ? D’aucuns n’hésiteront pas à ramener au premier plan la bouteille de gaz ou celle de pastis, le crash de disque dur ou la panne de connexion internet, la grève des cheminots ou les enseignants qui refusent de garder les gosses pendant les vacances scolaires… Que nenni ! D’abord soyons clairs, nous ne sommes pas, dans ce blog, dans le domaine du micro-trottoir au journal de 20 h, et ne comptez pas sur moi pour mélanger tout et n’importe quoi. Même si les sujets que j’aborde dans mes chroniques peuvent parfois laisser planer quelques doutes, j’ai quand même quelques convictions sociales… je ne toucherai donc ni aux profs ni aux employés de la SNCF. Je pense également que lorsque l’on a des addictions, un petit sevrage de temps en temps ne peut pas faire de mal : je ne dirai donc rien non plus sur l’informatique. Le sujet est d’ailleurs devenu d’une banalité navrante : « c’est la faute à l’ordinateur »… Pas moyen d’avoir un prix, un renseignement, une information sérieuse quand « l’informatique ne fonctionne pas ». Les anecdotes sont suffisamment nombreuses pour que je n’en rajoute pas une louche. Restent enfin la bouteille de gaz ou celle de pastis… Là je serai formel : rien de comparable ! Un homme organisé a toujours une bouteille de l’un de ces deux composants essentiels en réserve dans sa cave ou dans son placard. Si l’homme n’est pas assez organisé pour ça, il n’a qu’à se faire remplacer par la femme qui possèderait – parait-il – un hémisphère cérébral de plus. Bref monsieur Toulemonde ou monsieur Toutunchacun ont la possibilité d’avoir une rechange en réserve… Vous qui me lisez, avec un sourire sardonique à peine dissimulé derrière le masque impassible de votre visage de marbre, soyez francs : avez-vous une chasse d’eau de rechange en réserve pour vos toilettes ? Non ? Alors cessez de faire le/la malin/e. Lisez le paragraphe suivant, partagez ma douleur, ayez pour une fois un peu de compassion dans votre attitude !
Mon comportement étant comparable en beaucoup de points à celle de monsieur Toulemonde, le héros du jour, j’attends toujours la dernière minute pour régler les problèmes qui ne me passionnent guère ou qui m’inquiètent profondément. Je reconnais donc que mon dernier incident de chasse d’eau n’est pas tout récent et que cela fait bien un mois que les lâches embuscades et les harcèlements mesquins se succèdent. J’ai bien envoyé deux ou trois missions diplomatiques (notez au passage que j’omets le jeu de mot vulgaire « miction diplomatique ») dans les toilettes pour prêcher la bonne parole et inviter mon adversaire à dialoguer et à s’intéresser à ce phénomène passionnant qu’est la démocratie. J’ai proposé à la chasse d’eau de la débarrasser de son calcaire, d’augmenter sa ration quotidienne (je me moque de la consommation d’eau, car j’ai la chance d’avoir une source), de ne plus jamais lui adjoindre ces horribles produits verts ou bleus qui font croire à l’occupant des toilettes qu’il séjourne au bord de l’océan… J’ai fait énormément de concessions sans résultat. Avant de napalmiser ou de nucléariser le problème afin que cette maudite cuvette de WC comprenne bien qu’en démocratie ce sont toujours les démocrates qui gagnent, j’ai décidé d’envoyer une force d’intervention équipée de clefs à molette, de pinces multi-prises et autres armements à précision chirurgicale. J’ai bien entendu choisi un moment opportun pour agir : le samedi de Pâques, en me disant que si mon travail manquait un peu de savoir vivre (étant sans doute agrémenté de quelques jurons bien sonores), cela n’avait pas d’importance parce que les regards étaient tournés vers l’agneau pascal en train d’agoniser…
Avant l’arrivée de mon commando, j’avais un seul problème majeur : l’eau n’arrivait plus dans la chasse. J’étais confiant car mon adversaire avait déjà usé du même procédé un an auparavant et je l’avais battu à plate couture sur son terrain, en dénichant un petit morceau de plastique blotti dans la canalisation, au niveau du robinet, juste pour empêcher la libre circulation de l’eau dans la conduite. Le problème avait été réglé en deux temps, trois mouvements, un bobo et une douzaine de termes que les académiciens pourraient qualifier de grossiers. Un peu de désinfectant sur les blessures diverses récoltées dans cet échange de horions, avait permis d’éviter toute séquelle après le coup de main rageur. Me voilà donc parti à démonter le robinet, puis le tuyau, et enfin la chasse elle même, pour m’apercevoir, comme de bien entendu, que j’avais traité le problème à l’envers et que c’était la dernière pièce à laquelle j’avais accédé qui était la source de mes désagréments. Le redoutable engin en plastique, une fois démonté, détartré, huilé, bichonné… ne marchait toujours pas. Que fait-on, dans un cas pareil ? On court au magasin de bricolage le plus proche pour racheter la pièce incriminée, bercé par cette illusion que l’équivalent neuf une fois ajusté, l’incident sera réglé. Une veille de Pâques il faut agir vite, donc départ précipité avec (au passage) coup de pied dans le couvercle de la susnommée chasse d’eau qui se casse en deux. Arrivée au magasin, recherche accélérée de la pièce adaptée dans son magnifique emballage jetable… pendant un moment j’hésite : et si je changeais la chasse d’eau complète (cuvette et récipient) ? Détail d’importance, on ne peut plus acheter une chasse d’eau complète indépendamment de la cuvette de WC. « De nos jours, monsieur, on change le bloc complet, c’est à peine plus cher… les chasses d’eau c’est uniquement sur commande… une à deux semaines de délai… » Bon j’ai compris. D’ici quelques temps il faudra sans doute racheter le local complet, monobloc, porte incluse… Je me rabats donc sur un mécanisme et un tube de colle pour porcelaine (eh oui que voulez-vous ?).
Retour à la maison. Je traite d’abord les dégâts colatéraux et je m’aperçois, à mon grand étonnement, que la colle choisie semble opérer correctement. Je redémonte ma petite plomberie préférée et j’installe le nouveau boitier blanc immaculé en plastique de première qualité. Première satisfaction, une fois remise en eau, ni le robinet ni les raccords de tuyauterie ne fuient, ce qui est quasi-miraculeux. L’eau arrive à flots dans la cuvette qui se remplit, se remplit, se remplit…. sans que la vanne de fermeture automatique ne vienne porter un terme au phénomène. Bof, pensais-je, simple question de réglage… Il est d’ailleurs fait mention, sur l’emballage de l’objet, d’une notice détaillée ayant pour objectif de guider l’apprenti plombier dans sa démarche… Pas de notice ! Plus rien dans l’emballage d’ailleurs. Pas de problème, fier descendant en droite ligne du preux chevalier Bayard, je ne vais pas me laisser turlupiner par une vanne capricieuse. Je règle, je dérègle, je visse, je dévisse, j’observe, j’écoute, je remonte avec délicatesse… Rien… L’eau coule toujours à flots et refuse obstinément de s’arrêter un jour… Il est fort probable que j’ai acheté – à prix d’or – un gadget cassé ou incomplet, remis en rayon par un client à la solde du terrorisme international. Inutile d’espérer changer quoi que ce soit avant mardi. Je ferai avec. Après tout j’ai bien un robinet derrière la cuvette pour ouvrir ou couper l’eau selon mon caprice du moment. Il est probable que les invités de fin de semaine n’apprécieront pas particulièrement de trafiquer à quatre pattes dans les toilettes… Mais bon ; je n’y suis pour rien ; il y a un moment où, face à l’ennemi intérieur, on doit savoir opérer un repli stratégique. Hélas, mes ennuis ne s’arrêtent pas là : le fameux robinet, furieux d’avoir été démonté et remonté plusieurs fois, ne coupe plus l’eau totalement mais laisse passer un filet qui va devenir problématique pendant la nuit. Il faut donc bricoler un système pour bloquer la misérable chasse ouverte pendant la nuit. Je passe un coup de téléphone à Mac Gyver qui me suggère d’insérer un manche extra plat de petite cuillère juste à l’endroit critique. Ça marche. Je suis épuisé par ce combat titanesque entre l’homme et la machine…
Il y a, au milieu de mon jardin, une touffe de jonquilles qui avait refusé de fleurir l’an dernier, mais qui est absolument splendide cette année. Quand l’énergumène qui s’occupe de la chasse d’eau céleste aura fini ses travaux de plomberie météorologiques, nul doute que je reprendrai mes activités agricoles. A part les rats et les limaces qui me causent toujours quelques soucis, le jardinage, c’est quand même plus reposant. Mardi, je retournerai chez les maudits épiciers de Tarnac qui tiennent le magasin de bricolage, et je leur dirai tout le bien que je pense de leurs gadgets sous blister. D’ici là, suivant le conseil donné par mon psychoplombiéthérapeute, je vais rédiger une chronique pour mon blog. Il paraît que c’est important d’extérioriser les problèmes pour les exorciser. Personnellement, ce qui me ferait le plus grand bien je crois, c’est d’externaliser la totalité des travaux de plomberie ! Bon retour au boulot mardi !
11 Comments so far...
Paul Says:
5 avril 2010 at 12:30.
@ JEA – Et encore ! si j’avais rapporté quelques canards ! Même pas !
Leirn Says:
5 avril 2010 at 20:05.
ah, mais c’était pour ça, la petite cuiller dans les toilettes ? note, je me doutais que ça devait avoir un lien.
fred Says:
6 avril 2010 at 08:33.
J’ai été très attentif à tes soucis de chasse d’eau car depuis une coupure d’eau générale suite à des travaux de voirie la mienne me pose également quelques soucis. Du coup, j’ai grandement apprécié ton schéma ! ça me donne une idée de la complexité de la chose ! Ma chasse d’eau est également très sournoise ! Je dois à chaque fois vérifier que le levier se repositionne bien sinon ma chasse d’eau passe son temps à se remplir sans y parvenir avec un bruit de ruisseau qui coule ! J’aime bien ce bruit de ruisseau cela dit .. Sache que je suis de tout coeur avec toi ! Et que si jamais ta chasse d’eau ne refonctionne pas, je me ferai un plaisir d’aller faire pipi sur tes limaces !
Paul Says:
6 avril 2010 at 12:15.
Merci pour ton message de soutien Fred ; je n’en attendais pas moins de toi, preux chevalier prêt à embrasser les grandes causes. Heureusement, fini la petite cuillère : la chasse est terminée. Grâce à mon intervention musclée de la matinée, le niveau d’alerte anti terroriste repasse de rouge à vert printanier. L’esprit libre, frais et dispo, je vais pouvoir me remettre à plancher sur la dizaine de chroniques que j’ai en cours ! Sauf que la cadence de publication va rester relativement calme car j’ai trois ou quatre mètres cube de béton à tourner et à couler qui m’attendent en embuscade à l’angle de la maison… Ce n’est pas encore le mur de l’Atlantique, face à l’adversité, mais presque…
Lavande Says:
7 avril 2010 at 08:49.
Extérioriser, exorciser, externaliser voilà trois ex qui me vont bien et pas seulement pour les travaux de plomberie.
J’y ajouterai procrastiner dans la version: « pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on pourra peut-être éviter de faire demain? »
Pourquoi Pas ? Says:
7 avril 2010 at 16:42.
En même temps, « ranger » dans le garage, ce n’est pas vraiment de l’extériorisation : certes, ça sort de l’appartement, mais ça reste à l’intérieur… Peut être serait il temps d’inventer le terme « garagiser » (ne pas confondre avec gargariser) comme synonyme d’extérioriser, exorciser et procrastiner. Note en passant : étrangement, mon ordinateur au travail ne reconnaît pas le verbe « procrastiner »… est-ce un signe ?
Lavande Says:
8 avril 2010 at 11:52.
Le joli terme « garagiser » ( et la façon dont je le pratique) me fait venir à l’esprit une variante de ma précédente définition de la procrastination: « pourquoi faire aujourd’hui quelque chose qu’on pourra probablement faire faire par quelqu’un d’autre demain ».
Zoë a fait un post aujourd’hui (sous son « arbre à palabres ») qui m’est quasiment dédié.
Pourquoi Pas ? Says:
8 avril 2010 at 15:48.
En même temps, avec la fuite des cerveaux (ou des neveux, je sais plus) vers l’étranger, la procrastination transitive est rendue plus délicate !
En l’occurrence, je m’attendais à ce que ta définition de procrastination s’applique à cette histoire : pourquoi réparer la chasse d’eau le samedi de pâques alors qu’on peut appeler son plombier en urgence le dimanche de pâques au matin. Mais non. Même pas !
Paul Says:
8 avril 2010 at 20:07.
Une chasse d’eau un jour, une dalle en béton les deux jours suivants. Je suis en période d’hyper-activité, bien que la météo n’y mette guère du sien. Heureusement qu’il y a les copains pour aider à boucler une liste de travaux qui se rallonge sans cesse… Demain, on attaque des murs en parpaings d’agglo et une cloison en bois (selon la pluviométrie). Pauvre blog, j’ai bien du mal à lui consacrer du temps au milieu d’une telle fébrilité printanière…
Cathy Says:
11 avril 2010 at 13:12.
J’ai bien ri en lisant la chronique. Chez nous, on a cassé le réservoir d’eau des WC la veille du premier janvier de cette année. C’est très bête… On ne trouve pas de magasin d’ouvert, pas de plombier. Et, bien sûr, le robinet d’arrivée d’eau a commencé à montrer quelques faiblesses !
Ah, c’est joyeux, ces bêtes-là, et même pas reconnaissants pour tout ce qu’on fait pour eux pendant des années.
Et bien sûr, quand on joué de la bassine d’eau (pour remplacer la chasse) pendant quelques jours, et qu’on a acheté de quoi changer ce qu’il faut, il y a toujours un bidule qui n’est pas au bon diamètre.
Alors là, on rêve d’habiter à la campagne, avec une cabane en bois au fond du jardin, avec juste un banc et un trou. ça s’appelle maintenant des « toilettes sèches ». Et ça fait envie.