27 mars 2008
Sacré printemps…
Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Notre nature à nous .
On a cru qu’il allait arriver au mois de février : il faisait tellement chaud certains jours qu’on aurait presque pu manger dehors à midi avec un bon pull. Jonquilles, violettes, magnolias, beaucoup de floraisons étaient en avance. Nous aurions pu entonner le refrain célèbre : « il n’y a plus de saisons ma bonne dame » ou sa variante « avec leurs téléphones portables, ils vont tout dérégler ! » d’autant qu’il n’y avait pas eu un millimètre de neige pendant les mois prévus pour ce genre d’évènement, ce qui n’était pas arrivé depuis pas mal d’années.
Mais voilà, l’hiver a décidé de se rappeler à notre attention et ce, le jour même où le printemps officiel s’annonçait : grisaille, gel, premières chutes de neige conséquentes et un week-end de Pâques un peu tristounet, la goutte au nez (notez la richesse de la rime !). Les fleurs de pêcher ouvertes ont été recouvertes d’un délicat duvet blanc et les premières pontes de grenouille sur la mare ont disparu de la circulation. Mais ce n’est que partie remise car le printemps est sur les startings blocks et piaffe d’impatience. Il n’y a qu’à entendre le chant des oiseaux. Leur exubérance et leurs conversations se font de plus en plus matinales et me réveillent chaque jour à six heures. Je ne comprends pas tout mais il me semble bien entendre des trucs du genre : « t’as écrit ta chronique… t’as écrit ta chronique ??? »
En réalité, pendant l’hiver la nature ne dort pas vraiment. Les plantes travaillent, mais dans les profondeurs invisibles. Les arbres par exemple sont particulièrement actifs : leurs racines cherchent de nouveaux filons de nourriture, les bourgeons se gonflent progressivement, le bois de printemps se prépare et commence à bousculer son habit d’écorce qui se fait trop étroit. Certains signes étaient déjà visibles au moment de la chute des feuilles, à l’automne : les premiers bourgeons de plusieurs espèces se forment à ce moment-là puis entrent en veille à la saison froide en attendant des jours meilleurs. Pendant tout l’hiver, les fleurs du Paulownia attendent en boutons le bon vouloir de la météo.
Au premier signal de chaleur, dès que la luminosité est suffisante, tout ce petit monde s’apprête à se lâcher et à participer à l’explosion printanière. Sous nos climats plutôt tempérés, les signes du réveil sont progressifs : fleur après fleur, arbre après arbre, chacun apparaît à tour de rôle sur la scène… L’élévation de la température et surtout la durée de l’ensoleillement vont déterminer le déroulement du programme. L’allongement du jour est une donnée constante et induira la tendance de fond. La chaleur, elle, viendra apporter un peu de fantaisie dans l’ordonnancement des cérémonies. S’il fait chaud, les bourgeons les plus frileux s’ouvriront un peu plus tôt et les grenouilles feront la fête début mars. Dans le cas contraire, l’hibernation durera un peu plus longtemps, mais le réveil se fera, bon an mal an dans le même ordre.
Il est clair que certaines plantes sont nettement plus courageuses que d’autres : parmi les « sauvages » on ne manquera pas de féliciter les primevères, les pâquerettes ou les pissenlits pour leur enthousiasme et leur obstination. Du côté des fleurs « civilisées » les jonquilles, les pensées ou les violettes n’ont peur de rien et égaient les jardins très tôt dans l’année. Quand nous nous promenons dans notre parc ces jours-ci, cette différence de tempérament est bien perceptible. Les frênes et les noyers dorment encore profondément. On peut même se demander s’ils vont prendre la peine de s’agiter cette année. Au contraire, les érables, le sorbier ou le parrotia trépignent d’impatience et leurs petites feuilles sont déjà visibles ! D’autres arbres comme les chênes ou le zelkova sont « entre les deux » : les bourgeons pointent mais n’éclatent pas encore.
Dans les régions où l’hiver est plus rigoureux et surtout plus long, le spectacle du printemps est beaucoup plus court en durée et les artistes se bousculent les uns derrière les autres pour se faire admirer. En montagne, dans les prairies du Vercors par exemple qui sont magnifiques, la floraison se fait d’un seul coup, en général au début du mois de juin. Toutes les fleurs témoignent de leur présence à quelques jours d’intervalles au lieu de quelques semaines et le spectacle est vraiment grandiose. Le même phénomène se produit au Québec dans les parcs et dans les jardins floraux : on voit apparaître simultanément des floraisons qui sont souvent décalées en zone plus tempérée. La représentation dure moins longtemps mais elle est haute en couleurs, c’est le moins qu’on puisse dire.
Pendant cette poussée spectaculaire qui se concentre sur trois mois environ, les plantes tirent parti au maximum des réserves qu’elles ont accumulées en fin d’hiver et des conditions climatiques plus ou moins propices du printemps. Un mois de mai bien arrosé entraînera une poussée spectaculaire des tiges et des branches. A cette période, la végétation est vorace et il ne faut pas compter sur les pluies du printemps pour recharger les nappes phréatiques : plus il tombe d’eau, plus les plantes s’abreuvent et poussent. Dans nos campagnes, on dit que « tout ce que les vaches ont brouté le jour repousse pendant la nuit ». S’ils font le bonheur des ruminants, ces deux mois-là sont, par contre, le cauchemar des jardiniers pousseurs de tondeuse qui se mettent à rêver d’un gazon dont la croissance serait contrôlée par quelque sorcellerie hormonale ou OGMique.
Ce sont donc surtout les précipitations automnales et hivernales qui vont alimenter les réserves souterraines et permettre aux végétaux de passer un été confortable. Cette année, nous n’avons pas été gâtés de ce côté-là et si l’été est chaud, il ne faudra pas oublier de protéger les végétaux fragiles contre l’évaporation. L’arrosoir remplacera la tondeuse et nous pourrons dire : « il n’y a plus de saison ma bonne dame » ou, variante, « avec leur maïs OGM, ils ont tout détraqué » !
NDLR : toutes les illustrations de cette chronique sont des photos maison (Pascaline). L’image n°1 représente des fleurs de pêcher ourlées de neige, les images n°2 et n°3 montrent l’évolution des bourgeons d’amélanchier. Pour comparer, vous pouvez aussi vous reporter aux photos publiées dans la chronique « une amélanche sur le bout de la langue« . La photo n°4 c’est un magnolia stellata et la n°5 ce sont des œillets de Chine (en fleurs fin avril, début mai).
2 Comments so far...
François Says:
27 mars 2008 at 19:56.
Quelle lyrisme pastoral!
« Paulownia » me rappelle une dictée de Pivot. Je crois que je l’avais épelé « polognat » 🙂
sylvaine vaucher Says:
28 mars 2008 at 11:27.
« Je vous souhaite d’autres bonnes lectures sur « la feuille
charbinoise », lectures variées s’il en est !
Amitiés
Pascaline…. »
Le printemps en Suisse et à Genève…joue aussi au yoyo….des flocons cristallins …effacent soudain les percées anticipées, les rumeurs gazouillantes, les frissons trop vites oubliés…d’un printemps qui a decidé de rester en hiver.