22 juillet 2010
Point de « fêteumédiévaleuh » mais plein de « fouarolivrrres » !
Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Des livres et moi .
Pourtant les différentes revues que je consulte sont formelles : cet été, il y a des « fêteumédiévaleuh » partout ; le calendrier en est débordant, saturé, rempli. On médiévalise à tout va, dès qu’il y a le moindre vestige dans les environs, et même lorsqu’il n’y a point le moindre os de templier à se mettre sous la dent. Pour être honnête, j’avouerai qu’on s’en est quand même fait une petite au mois de juin. C’était à Pérouges dans l’Ain, et le passé justifie amplement que l’on choisisse un tel lieu pour tournoyer, festoyer et batifoler à l’envie. Mais là, en juillet et août, rien… Quasiment le no man’s land culturel : on ne bouge pas de notre trou de verdure. Il faut dire que la culture, l’autre, celle qui est moins prisée dans les salons, occupe une bonne partie de notre temps. Quand il ne pleut pas, il ne pleut pas et le regard attendrissant que l’on peut adresser à ses zinnias en fleurs ou à ses poireaux, ne remplace en aucun cas l’eau tombée du ciel. Depuis un mois, sur ce coup, on est en train de se refaire le jeu de rôle de l’été 2003. Le personnage du preux chevalier est remplacé par la figurine du porteur d’eau provençal et le terrible magicien elfe par un guerrier indien effectuant la danse du scalp pour invoquer les nuages sacrés de bien vouloir délivrer quelques gouttelettes sur notre désert en devenir. Compte-tenu de la superficie à conserver en état hydrique suffisant, même un gars qui aurait le pouvoir de changer le vin et la bière en eau ne suffirait pas à répondre à nos besoins. Quant à acheter de l’eau en bouteilles dans les supermarchés pour arroser nos courgettes, faut pas exagérer, on n’est pas des pervers, on respecte trop nos légumes. L’eau en bouteilles, c’est juste bon pour les touristes qui s’arrêtent à la maison et qui ont peur de boire l’eau du robinet parce qu’elle vient d’une source qui n’est pas contrôlée par les Suez-Vivendi brothers.
La chaleur nous coupe l’envie d’aller au cinéma ; les programmes télé nous ôtent le désir de fixer d’un air absorbé le petit écran. Heureusement qu’il y a la lecture. Donc je lis, entre deux transports d’arrosoirs et quelques projections de copeaux de bois à la raboteuse. Mes provisions de pages à lire pour l’été fondent comme neige au soleil (sans laisser de flaque d’eau), mais heureusement, même dans notre campagne reculée ou culture rime avec engrais et désherbants, il y a de plus en plus de « fouarolivrrres » et les « fouarolivrrres » j’adore ça. Prenez dimanche dernier par exemple, eh bien il y avait une festivité annuelle dédiée à la lecture qui avait lieu dans le petit village de Brangues à 10 km de cheu nous. Comme vous êtes des lecteurs/trices cultivés/vées vous n’ignorez pas que dans ce charmant petit bourg du bas Dauphiné (faudra un jour trouver une appellation moins péjorative pour notre admirable région) se trouve la tombe (et le château, et le parc…) du dénommé Paul Claudel, écrivain décédé de son état. Dans le même village il y a aussi – chose beaucoup moins connue du grand public – la maison où eut lieu le fait-divers qui inspira le dénommé Stendhal, écrivain décédé de son état, lorsqu’il rédigea son roman intitulé « le Noir et le Rouge » (appellation abusive à mes yeux puisqu’aucun des protagonistes n’était militant à la CNT espagnole). Je stoppe là ma digression éducative, ayant adopté le principe très strict, cet été, de respecter l’état d’avachissement progressif des neurones de mes lecteurs/lectrices, et je reviens à cheval sur mon dada préféré. Il y avait donc, disais-je, un grand marché aux livres à Brangues, avec une trentaine de bouquinistes, mais aussi quelques auteurs venus dédicacer leurs œuvres. Je m’autorise à nouveau une brève digression à ce sujet pour faire remarquer que ce sont là des gens courageux et qu’ils sont de plus en plus nombreux chaque année. Ce sont souvent des écrivains/vaines qui se sont fait « éditer » (un autre mot me venait à l’esprit mais nous sommes entre gens de bonne éducation) « à compte d’auteur ». Convaincus de l’immense intérêt de leur création (dont je ne doute pas forcément par ailleurs, ayant parfois fait d’excellentes trouvailles), ils n’ont pas réussi à convaincre un éditeur, un vrai, de miser quelques thunes sur leur cheval et se sont donc gentiment laissés manipuler par des marchands de papier. Leur aventure s’est – trop souvent – terminée par une pile de livres qu’un monsieur souriant leur a remis – contre un chèque rondelet – en leur souhaitant bonne chance pour la diffusion. Contrairement à ce qui se passait il y a quelques années, ce sont bien souvent des auteurs lucides, qui ont signé consciemment, des contrats pourris, parce qu’ils ne voyaient pas d’autres solutions pour présenter leur création chérie au public. Dimanche, l’un d’entre-eux expliquait d’ailleurs qu’il ne gagnait pas un rond en tenant son stand, ayant signé un contrat dans lequel il renonçait à toucher des droits d’auteur… Il bossait donc, bénévolement, pour son éditeur/imprimeur… Sans commentaires… Fin d’agression et de distorsion (synthèse « digression » ?)
Que fais-je donc, quand je vais dans une « fouarolivrrres » ? Eh bien je me jette sauvagement, les binocles sur le nez et le cheveu au vent, sur la première pile de livres d’occasion qui se présente, puis sur une seconde, une troisième et cela dure jusqu’à ce que mes yeux fatiguent. Parfois je commence par feuilleter, mais lorsque je pressens que l’ouvrage va m’intéresser, ma démarche est toujours la même : je regarde le prix car je sais très bien qu’il est inutile que je me fasse « trop mal pour rien ». Dans beaucoup de marchés livresques locaux où je me rends, j’ai le plaisir de retrouver le même bouquiniste. C’est un homme affable, avec lequel j’ai plaisir à discuter. Il connait bien son métier qu’il exerce avec un plaisir et un talent indiscutables. Il semble savoir quelles sont mes limites et possède le don de toujours placer sur son étalage un ouvrage dont le rapport qualité/prix me fera impérativement craquer. C’est grâce à lui, l’an passé, que j’ai pu me procurer cette incomparable édition de « l’homme et la terre » de Reclus. C’est à lui également que je dois le plaisir d’avoir dans ma bibliothèque « l’astronomie populaire » de Camille Flammarion ou le somptueux « Train bleu » que j’ai rapporté dimanche dernier… Histoire, géographie, roman, livre d’art, littérature populaire… il a toujours, derrière les fagots, quelques volumes qui sauront exciter ma curiosité. Il n’a point besoin de se faufiler dans le public ou de jouer au coupe-jarret pour me détrousser : son sourire seul suffit généralement à vider ma bourse. C’est sacrément plus efficace que la « sélection de livres » choisis « juste pour moi » par l’ordinateur d’Ah ma zone pointcom ! Le plus terrible c’est que je rentre souvent à la maison avec un lourd bagage et l’impression d’avoir fait une excellente affaire. Lui pense sans doute de même et nous nous quittons sur un salut cordial en attendant la prochaine rencontre. Grâce à moi en tout cas, le chargement de sa camionnette est moins pénible le soir !
Or là, justement, il se trouve qu’à Morestel, encore plus près de ma principauté d’élection, dimanche prochain, a lieu un marché aux livres qui LUI est MENSUEL à la belle saison. Le bougre sait bien qu’il va m’y retrouver. Il m’a d’ailleurs promis d’apporter, juste pour moi (voilà qu’il se prend pour un Amazone lui aussi), quelques éditions antiques de romans populaires réjouissants qui devraient faire mon bonheur. Là c’est un peu terrible car j’ai l’impression, de la même façon que d’autres deviennent narco-dépendants, d’être livro-intoxiqué. Si au moins mes goûts se limitaient à la volonté sage et méthodique de vouloir compléter une collection de la « petite bibliothèque rose » ou de me procurer l’intégrale des œuvres d’Alexandre Dumas. Mais ce n’est pas le cas : des dizaines de domaines m’intéressent et une collection de livres, dans un cas pareil, c’est à peu près la même chose qu’une tentative de déplacement de la dune du Pilat avec une petite cuillère. Je lui ai laissé une liste d’ouvrages, à ce libraire compatissant… Il y a de quoi s’inquiéter : je ne suis pas sûr qu’une camionnette bourrée de précieux volumes suffirait à répondre à ma demande… Rassurez-vous, je vais réagir. Je ne veux pas plonger dans l’abîme ; j’ai une volonté d’acier et je ne me laisserai pas faire. Dimanche, je n’achète pas plus de livres que j’ai de doigts dans la main droite (pourvu que je n’ai pas un accident avec la machine à bois !). Deuxième résolution : avant Noël, je me débarrasse d’une bonne centaine d’ouvrages qui ne m’intéressent plus et qui ne sont là que pour m’obliger à raboter de nouvelles planches pour la bibliothèque. Je vais contrôler l’expansion de tout ça, avant, dans une deuxième étape, de passer à la décroissance. Oh là j’arrête, on ne promet pas n’importe quoi ! Certes la décroissance est à la mode mais faut pas exagérer, disons que je vais en rester au développement durable de ma bibliothèque.
Au fait, et la « fêteumédiévaleuh » dans tout ça ? C’est vrai qu’on n’en cause pas beaucoup. Du coup, pour vous consoler, je vous propose une deuxième image de celle de Pérouges dont je parle au début de ma conférence épiscopale. Mais c’est promis, un jour, je vous dirai tout le bien et tout le mal que je pense de la reconstitution historique et du médiévalisme ambiant. Bonne cervoise en tout cas, mais faites attention : l’abus d’alcool, même moyenâgeux, nuit gravement à la lecture, surtout en plein soleil !
7 Comments so far...
la Mère Castor Says:
26 juillet 2010 at 06:34.
J’ai boudé la médiévale de mon village cette année, et sans aucun regret ni remords. Par contre, comme vous, j’ai couru bouquinistes et librairies, et ce n’est pas fini.
Paul Says:
26 juillet 2010 at 06:37.
Bien le bonjour, Mère Castor ! J’ai vu aussi sur le blog que l’activité avait été intense pendant le festival d’Avignon… Le mois d’août sera-t-il plus calme ou bien allez-vous courir à nouveau vers d’autres folies ?
fred Says:
27 juillet 2010 at 11:54.
aurais je trouvé un preneur pour ma collection entière du reader’s Digest ? 🙂
Paul Says:
27 juillet 2010 at 11:57.
@ Fred- Euh non, je trouve ça plutôt indigeste, et puis je suis snob, il faut que ça remonte à avant 1914 pour m’intéresser ! Merchi quand même ! A très bientôt !
fred Says:
27 juillet 2010 at 12:08.
Je te réserve alors une petite surprise historique (en deux volumes)
(ça va, c’est pas trop gros !)
(mais faut quand même de la place sur une étagère)
Paul Says:
27 juillet 2010 at 12:09.
@ Fred – Ça tombe bien : j’adore les surprises !
la Mère Castor Says:
28 juillet 2010 at 21:23.
j’irai courir l’Auvergne, pour faire contraste y’a pas mieux.