26 octobre 2010

Après la cérémonie funéraire de jeudi, François, Jean-Claude et Bernard vont enfin pouvoir se reposer…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .

Ouf ! Ça a été long et pénible, mais ça devrait tirer à sa fin cette semaine… David l’a dit à la télé donc ça doit être vrai. Ils s’en donnent du mal à la télé, David et ses potes pour raconter tous ces bobards… Quand il entend « reprise » ça le rend tout frétillant ! Quant aux pieds nickelés en charge du dossier, François, Jean-Claude et Bernard (le chouchou de ces dames), ils en ont ras la casquette ! Croyez-vous que c’est facile de feindre la colère, de faire de la marche à pied deux fois par semaine dans la rue, au milieu de la populace, alors que l’on est si bien reçus dans les salons de l’Elysée ? Le plus difficile c’est de manœuvrer pour opérer une fin de conflit que l’incurie du gouvernement ne laissait pas espérer. Dès le début de semaine, le ton est donné : la direction de FO s’occupe de miner la grève des éboueurs, celle de la CGT calme les cheminots en région lyonnaise et les potes à François tentent de remettre les raffineries en ordre de marche. Et croyez-moi, c’est pas de la tarte parce que les syndicalistes de base sont plutôt énervés.. C’est qu’ils en voulaient les salauds ! Ils n’ont rien compris aux consignes de l’état-major : trois petits tours de chauffe pour montrer qu’on n’est pas contents et qu’on veut au moins quelques miettes à la fin des banquets au Fouquet’s… trois petits tours puis on s’en va, bien sages, ranger les drapeaux dans le placard et les brassards sur les étagères, tout en haut. Trois petits tours n’ont pas suffi à les calmer ces ploucs de la base ? On leur en a organisé, 4, 5, 6, promis un septième, un huitième… Mais là, Basta ! L’hiver approche et le temps est venu de se blottir bien au chaud dans les permanences parisiennes, d’autant qu’en 2011 faudra recommencer la comédie pour la sécu, en 2012 pour les salaires… Dieu seul sait ce qu’ils vont encore réclamer… des profs, des sous, des médecins, du travail, des jours de congé !  C’est vrai que cette fois la pilule est un peu raide à avaler, mais avec une bonne dose de sirop médiatique ça aurait dû passer. Plus que belle la vie ! Idyllique ! Quand on va enchainer sur une baisse conséquente des rémunérations (pour faire plaisir au à la commission européenne ou au FMI) ou sur de vraies restrictions sur l’assurance maladie, il va falloir aussi du doigté. Si les gouvernants s’imaginent que les états-majors syndicaux vont continuer à faire tout le boulot pour trois petits fours… D’autant qu’à la base, dans l’ensemble, ils ne sont pas faciles à manipuler et il est de plus en plus dur de leur faire prendre des vessies pour des lanternes…

Sont pas contents les grévistes ? Z’ont perdu des journées de salaire, reçu quelques horions, attendu vainement la mise en place d’une caisse de grève à grande échelle ? Tant pis pour eux, François, Bernard et Jean-Claude ne leur avaient pas demandé d’en faire autant… Faire des piquets de grève, essayer de bloquer l’économie, vouloir provoquer un changement politique radical dans le pays ? Vous avez entendu ça dans la bouche de l’un des trois pieds nickelés ? Même celui qui joue le rôle du communiste avec le couteau entre les dents – j’ai ainsi nommé l’ami Bernard, la terreur des lecteurs du Figaro – avait promis, juré, qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une tentative de blocage de l’économie. La seule chose qu’on leur demandait à ces tordus de salariés c’était de marcher gentiment dans la rue derrière leur secrétaire confédéral bien aimé, entre deux banderoles, trois drapeaux, et quatre gros bras du S.O. La suite, eh bien c’était l’affaire des pros : une petite négociation bien gérée (on lâche le principal et on ramasse les miettes), la cote du prince hongrois baisse de trois points, celle de Martine ou de Dominique monte de deux, et… on enchaine vite fait par de belles et bonnes élections en 2012. Le suffrage universel pour remplacer le clown blanc par le clown rose, mais conserver les pieds nickelés solidement vissés sur leur strapontin au premier rang de la salle de spectacle.

Les choses vont rentrer dans l’ordre, mais que de perturbations ! Les CRS sont épuisés ; les flics en civil se mélangent les pinceaux, tutoient leur chef et se syndiquent en lançant des pierres sur les vitraux des cathédrales ; les patrons comptent leurs sous et les ouvriers déchiffrent avec angoisse les termes ampoulés de leur lettre de licenciement. Faute professionnelle grave : vous avez brûlé deux palettes devant l’entrée de l’usine alors qu’elles étaient consignées ; voici un plan de la ville avec l’adresse des agences du Pôle emploi… Les laquais des mass-médias, eux, conservent leur poste : ce n’est pas facile de trouver des gars et des filles capables d’affirmer, jour après jour, qu’il y a des trains qui roulent (alors qu’il n’y en a pas), que l’approvisionnement en essence est quasiment rétabli (sauf chez toi, pas de bol), ou que les lycéens ne rejoindront pas le mouvement car la réforme que veut le gouvernement, elle est bonne pour eux et qu’il est temps qu’ils aient un peu de plomb (ou de balles en plastique) dans la cervelle. On ne devient pas le ramasseur des crottes du chien de son maître du jour au lendemain. Il faut le temps de prendre le pli ou d’apprendre à frétiller de la queue quand on reçoit un susucre. Autre catégorie professionnelle qui ne devrait malheureusement jouir d’un repos immédiat, ce sont les juges et les procureurs. C’est bien beau de mettre au trou pendant plusieurs jours un bon paquet de « casseurs » (2554 « casseurs » interpellés à ce jour selon le monomaniaque des statistiques) et d’en déférer un bon nombre devant les tribunaux ! Qui est-ce qui doit ensuite trier le bon grain et l’ivraie ? Toujours les mêmes et je vous assure que pour certains, ce n’est pas une tache facile. “Bon, toi, là le jeune basané, on t’a photographié le jour de la manif. Face aux flics tu avais l’air agressif ! T’es quoi exactement ? Un bon jeune dévoyé, un voyou casseur chômeur ou un malotru de syndicaliste ? Allez, au trou pour six mois ; délit de sale gueule (même avec une cagoule) ! Lancer des canettes de bière vides sur les forces de l’ordre ! De mon temps en 68, on prenait au moins la peine de les remplir d’essence… Quoi ? Y’en avait plus à la pompe ? Z’avez qu’à mieux vous organiser ! Au trou, au suivant ! » Le plus beau coup, ça a été le camp d’internement temporaire réalisé par la police place Bellecour à Lyon ; plus besoin de tôle, plus besoin de stade, y’a qu’à gérer l’ordre public dans les espaces ad’hoc.

A part ça, faire porter le chapeau uniquement aux leaders syndicaux, aux journaleux de misère, aux politiciens sans projet autre qu’un maroquin en peau de vache, c’est peut-être un peu limité comme analyse. Il y a une question gênante qu’il va falloir enfin se poser : admettons que les gens veulent du changement… oui, sans doute, mais jusqu’à quel point et par quel moyen ? Globalement, je me demande si la population, dans sa majorité, n’est pas favorable à un mouvement de grève par délégation… Il faudrait que ce soient les autres qui fassent grève, que leurs gosses puissent aller à l’école, que les transports en commun fonctionnent,  que le ramassage des ordures soit organisé, qu’on puisse quand même voir le match à la télé, et… surtout que l’on ne touche pas à la sacro sainte bagnole. La révolution ? Ok, dès qu’on a fini de payer les traites du 4×4, du pavillon de banlieue, de la télé HD-WIFI-RATP-EDF-ultra-brite, et de la baignoire à remous. En 2003, à l’issue tragique d’un mouvement de grève massif et continu en pointillé (nouvelle spécialité syndicale), j’avais été frappé par les déclarations d’une femme indienne à la radio. Il y avait des émeutes populaires, en Equateur, si je me souviens bien. L’armée avait tiré sur la foule, à balles réelles (c’est la formule officielle) et les morts se chiffraient par dizaines. Le journaliste lui disait : « malgré la répression, vous allez retourner manifester ? » La femme répliquait : « mourir comme ça ou autrement…, de toute façon on n’a plus rien à manger et on ne passera pas l’hiver ». Ces propos m’avaient laissé quelque peu songeur…, comparé au discours de certains collègues enseignants qui, au bout de trois jours de grève sur une chaise longue, se plaignaient du fait qu’ils n’arriveraient pas à joindre les deux bouts.

Sur les bons conseils du FMI, le gouvernement roumain a pris les mêmes décisions (spontanées) que le gouvernement grec… Il a baissé de 25 % le salaire de ses fonctionnaires et les pensions des retraités ont perdu un petit 15 % au passage. Quand on connait le montant préalable de ces pensions et de ces salaires, on peut apprécier la manœuvre dans toute sa finesse. 280 € par mois (le salaire d’un privilégié de prof) pour vivre dans un pays où le prix de la vie se situe à peu près à la moitié de chez nous (et encore pas dans tous les secteurs !), ça devient un exercice périlleux. Chez nous, depuis 2003, les pensions des fonctionnaires ne sont plus inscrites dans le grand livre de la dette publique, mais dans le budget de l’Etat. Un budget, c’est une colonne « rentrées » et une colonne « sorties ». Quand il n’y a plus assez de recettes, on coupe dans les dépenses de façon drastique et en évitant, si possible, d’égratigner ses amis ou la frange fortunée de son électorat. Que croyez-vous que le prince régnant va faire, chère madame, si les banquiers pompent encore un peu plus d’argent public et si les cadeaux à répétition à ceux qui pourraient payer des impôts se poursuivent ? Notez bien qu’il reste une solution que pas mal de citoyens de pays un peu moins favorisés (pour l’instant) que le nôtre ont adopté : on peut toujours installer une table de camping au bord de la route et vendre un oignon, deux carottes et trois poivrons… Suffit d’avoir un jardin et pas trop de concurrents !

Quoi ? Qu’ouie-je ? Il y aurait encore une procession quelques jours plus tard ? Le 6 novembre ? Je parie que c’est Bernard qui a poussé ses petits camarades à bout… à moins qu’ils aient joué les dates au poker menteur… On ne peut plus être sûr de rien depuis qu’il y a de la pub pour les jeux de casino à tous les coins de page sur la toile d’araignée mondiale… Bon, après les gars faudra se reposer ! La neige, le ski, le père Noël, la trève des confiseurs, le remaniement ministériel, les interviews de Hollande dans Gala. On n’a pas que ça à faire !

En conclusion (provisoire) je dirais qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer (de rage) d’autant qu’il n’est pas certain que les événements suivent obligatoirement le chemin prévu par les augures… A cette heure, neuf raffineries sont encore en grève et les trois qui ont quitté le mouvement n’ont pas pour autant repris leur activité. La dernière carte à jouer ? La solidarité avec ceux qui ne marchandent pas leur droit de grève.
Et merci à Patrick Mignard pour l’illustration du clap de fin.

4 Comments so far...

Clopin Says:

26 octobre 2010 at 18:38.

Merde, et moi qui croyait que pour notre anniversaire, ce serait le grève générale et la révolution dans la foulée !!!

PS : ça devient de plus en plus complexe de « submiter » un commentaire. Mais où s’arrêteront-ils ?

Paul Says:

26 octobre 2010 at 18:54.

@ Clopin – pour notre anniversaire dauphinormand ça me parait mal barré. Chérèque a lu mon dernier article et il est passé aux actes en envoyant des fleurs à Mme Parisot grâce à Interflora qui n’était pas en grève.
Quant au « submit » des commentaires, j’ai dû en passer par là car les daubes pullulaient cet été ! L’audience grandissante de « La Feuille » n’améliore pas la situation. C’est fou le nombre de gens qui veulent vous vendre du viagra premier cru vieilli en fût de chêne !

Cathy Says:

27 octobre 2010 at 09:26.

Merci pour ton article ! ça fait du bien, vu l’air ambiant. Parce que, bien sûr, les syndicats vont tout casser, comme d’habitude… Ça va laisser quelques aigreurs, je crains. Assez pour que tout change? J’en doute… ça doit être l’âge 🙁
Mais c’est vrai qu’une vraie grève générale et la révolution dans la foulée, en cadeau d’anniversaire, moi aussi ça me plairait bien…

Zoë Says:

28 octobre 2010 at 20:57.

Cher Paul, j’ai relayé votre mauvais esprit par le mien sous l’arbre. Y’a pas de mal à se faire du bien. Tous ensemble! Tous ensemble!
Ah ah ! Votre portier me demande de reproduire ceci :regard nausere

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