6 juin 2008

Indiana Jones ou comment les EtatsUniens voient le monde…

Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour .

Bon, je ne pensais pas vous parler du dernier Indiana Jones sur ce blog. Je ne suis pas allé le voir d’ailleurs ; j’avais trouvé les premiers épisodes distrayants mais je me méfie un peu des résurrections tardives, genre « on prend les mêmes ou presque et on recommence ». Je ne suis pas trop nécrophage et je ne prends pas ma mobylette pour suivre les tournées européennes de feu les Rolling stones. Mais il se trouve que cette dépêche de l’AFP que j’ai lue hier, dans la journée, m’a un peu interpelé, son ton me paraissant moins consensuel que d’habitude. Voici donc l’élément déclencheur de cette chronique sur le dernier opus de Spielberg :

 » LIMA (AFP) – Indiana Jones, le célèbre archéologue du « Royaume du crâne de cristal » n’est certainement pas géographe, vitupèrent les Péruviens, irrités en voyant leur pays andin confondu grossièrement avec le Mexique.
Les spectateurs péruviens avaient pourtant été préparés par une campagne publicitaire ne laissant rien ignorer du fouet, des différents pistolets de l’aventurier allergique aux serpents, du saint graal ou des nazis avides de reliques aux pouvoirs magiques. Ils ont été décontenancés, déçus et enfin irrités en entendant le mexicain Pancho Villa parler en quechua, la langue des Incas et en constatant la confusion dans les décors et les lieux supposés.
« C’est un barbarisme », tonne Hugo Neyra, un historien, devenu directeur de la bibliothèque nationale de Lima.
A la sortie des salles, les spectateurs sont désorientés par les rancheras, ces chansons traditionnelles mexicaines qui accompagnent le héros dans l’Amazonie péruvienne. Ils sont aussi surpris par les féroces guerriers mayas qui parlent la langue des Andes où encore par la fameuse pyramide de Chichen Itza (au Mexique) déplacée… dans l’Amazonie péruvienne.
Pour l’historien Manuel Burga, ancien recteur de l’Université San Marcos, Steven Spielberg et George Lucas manquaient visiblement de conseillers historiques: « Il y a beaucoup de données fausses, même s’il s’agit d’une fiction cela va faire du tort, on montre un Pérou qui n’est pas vrai. Il n’est pas possible de confondre l’Amazonie avec la forêt du Yucatan au Mexique » proteste-t-il.
L’historien Teodoro Hampe n’est pas surpris en expliquant que pour l’Américain moyen, tout ce qui existe au-delà de sa frontière sud, à partir du Mexique c’est du pareil au même: « Pour eux, c’est la même chose que ce soit le Mexique, le Guatemala, la Bolivie ou le Pérou ».
Enfin les commentateurs regrettent que le message du film soit que les réussites des civilisations latino-américaines proviennent des extraterrestres et non de leurs habitants. »

Je ne crois pas qu’il y ait besoin de beaucoup de commentaires car la dépêche est assez explicite… Deux quand même me paraissent s’imposer. D’abord, ce n’est pas la première fois que des cinéastes étatsuniens présentent une vue caricaturale d’une culture autre que WASP… Ce qui est nouveau, c’est que « les caricaturés » supportent de moins en moins de l’être et perçoivent toutes ces « approximations » comme une forme de mépris. Cela devrait donner matière à réflexion aux « maîtres du monde » sur la façon négative dont évolue l’image de leur pays aux yeux de l’opinion publique internationale… La page « bas de soie, chewing gum et Coke » est peut-être en train de se tourner et la vision du « rêve américain » en train d’évoluer sérieusement. L’avenir proche le dira… Certains estiment cependant que la crise économique en gestation pourrait bien mettre « l’Empire à genoux » ou tout au moins l’amener à s’intéresser un peu plus à ses affaires intérieures.

Le second problème que je me pose concerne les causes de cette pauvreté culturelle qui frappe de nombreux observateurs. Elles sont certainement à chercher du côté de l’éducation des citoyens étatsuniens. Mais je me demande quand même comment il est possible que ce pays, renommé pour le haut niveau de ses campus universitaires et la valeur des travaux effectués par ses chercheurs, réussisse à offrir une telle image de lui-même. Comment se fait-il qu’un « terroir » qui a donné au monde des écrivains et des artistes de grande valeur, ne se signale, sur la scène internationale, que par une accumulation de preuves d’inculture manifestes, accompagnant parfois un comportement proche de celui d’une bande de barbares ?… Quelle est la responsabilité dans cette faillite, d’un système éducatif que certains de nos édiles, en mal d’imagination, copieraient volontiers ? Je m’interroge… car cet état de fait me désole et si la politique du gouvernement US m’indigne bien souvent, je ne m’inscris pas dans le camp de l’anti-américanisme primaire, loin de là…

Vous allez me dire qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat et que « Indiana Jones » n’a jamais eu la prétention d’être un film culturel. Bon d’accord, c’est un prétexte, qui n’a rien à voir (je le signale au passage) avec les commémorations du 6 juin. Mais de nombreux autres exemples auraient pu m’amener à faire le même genre de commentaires ou à me poser le même type de questions. Le discours des candidats actuels à la Maison Blanche ne plane guère plus haut que le film de Spielberg. L’un rêve de guerre totale en Irak, l’autre fantasme sur l’anéantissement de l’Iran. En matière de philosophie, c’est à qui se prendra pour la plus grosse grenouille de bénitier afin d’attirer les foules. Les analyses de la situation politique internationale (du moins telles qu’elles apparaissent dans les discours publics) sont d’une indigence navrante. Obama qui semble maintenant avoir définitivement supplanté Clinton, ne brille pas par l’intelligence de ses propos sur Cuba, l’Irak ou la Palestine. Son discours devant l’AIPAC (très bien analysé sur le blog Loubnan ya Loubnan dans une chronique récente) ne promet en rien d’améliorer la situation au Moyen-Orient… Lui, c’est la Syrie qu’il voit fabriquer des armes de destruction massive par exemple. Si ça continue, l’Occident chrétien partira en croisade avant la fin de l’année. Si au moins on pouvait gagner des indulgences ! Au secours, Indiana Jones, fais quelque chose ! Désarme les tous d’un coup de fouet magistral par exemple…

3 Comments so far...

fred Says:

6 juin 2008 at 13:13.

C’est vrai qu’on a pas de bol avec tous ces dirigeants « va t’en guerre ». D’ailleurs, le Président Iranien se pose là lui aussi en matière de « provocation ». Demander l’éradication d’Israel comme il le fait, n’inspire guère la sympathie … C’est ballot ! Alors que les dirigeants Syriens semblaient commencer à se calmer …

:oj Says:

15 juin 2008 at 11:54.

Indy 4, ou quand les masse-todonte du cinéma américain fouillent les vieux cercueils par mandue d’idées. Je suis quand même allez le voir (juste pour sortir le fiston et que j’ai des tarifs réduits :p). Il ya bien une ou deux scéne d’action sympathiques et bien menées, mais à côté de ça, j’ai du me retenir pour ne pas rigoler du ridicule et de la pauvreté des situations.
Croyez-vous qu’ils se soucient de l’image qu’ils donnent ? Non, puisqu’ils se nourissent d’autosatisfactions. Clichés, invraissemblance et pour finir une galipette extraterrestrienne (E.T es-tu là ?), pire que du réchauffé, un délire sénile, avec au bout du compte l’engloutissement de la cité perdue vue et revue, comme quoi elle n’est si perdue que ça (voir la momie 2, là au moins, ils ne se prennent pas au sérieux…).
Heureusement qu’il y a de meilleurs supports d’évasion pour ne plus penser aux #°@* de dirigeants égo sans trique qui nous gouvernent :o))

Amibe Says:

25 juin 2008 at 23:10.

J’ai vu aussi.

Cet Indiana Jones est une resucée des tarzans (fourmis, jungle, massacre de la tribu, ou alors un hommage déguisé) avec plein de références cinématographiques.

Je ne pourrais pas dire dans quels films je les ai vues, mais j’ai cette lourde impression de déjà vu dans d’autres films. Ce qui rejoint ma certitude sur le cinéma américain : on tricote dur pour produire du « neuf » avec du très vieux… parce que l’imagination et le talent ne sont plus au rendez-vous.

La culture américaine tourne à vide. Et c’est normal quand on cherche de la rentabilité à tous prix, on obtient du vide culturel.

Il suffit de regarder une chaîne copiée sur la mode américaine (celle qui se veut première) pour se rendre compte du néant qui nous guette.

Par chance, Internet va balayer toute cette médiocrité, car il existe encore des lieux où l’on peut réfléchir le monde.

Bien Amicalement
l’Amibe

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