2 février 2012
Réflexions politiques au fil de mes lectures (2)
Posté par Paul dans la catégorie : Le clairon de l'utopie; Philosophes, trublions, agitateurs et agitatrices du bon vieux temps .
Deuxième partie dans laquelle on parle encore de Jean Grave, de démocratie parlementaire et d’élections… mais aussi de trésors méconnus à découvrir sans plus tarder…
Depuis des décennies, nous votons, pour élire des députés, un président, des conseillers…, un coup à gauche, un coup à droite, les majorités changent d’étiquette mais guère de pratique, et, au bout du compte, le populo est toujours le dindon de la farce. Comment se fait-il que le piège grossier dans lequel sont enfermés les électeurs ne finisse pas par être dévoilé au grand jour, et que pour une fois, si l’on veut réellement changer l’organisation sociale, on ne cherche d’autre issue de secours que ce jeu parlementaire pseudo démocratique qui a parfaitement fait les preuves de son immobilisme ? On revient à Jean Grave. Son point de vue – proche de celui de nombreux autres théoriciens libertaires de l’époque, certes, mais qu’il a le mérite d’exprimer de façon posée et sans provocation – est fort intéressant… Plutôt que de paraphraser, laissons le parler :
«Et, lorsque revient chaque bataille électorale, les gens se précipitent aux urnes pour nommer celui qui leur parait le plus avancé. Non pas qu’ils espèrent en la réalisation de ses promesses – ils n’ont plus une très grande foi en les promesses électorales, mais parce que l’on subit la pression de la bande de sous-requins qui ont attaché leur fortune à celle du candidat, se glissant dans les comités électoraux, afin que l’élu fasse pleuvoir sur eux la manne électorale. Et l’électeur emboîte le pas, sous prétexte qu’il faut bien empêcher les réactionnaires de s’emparer du pouvoir que leur livrerait l’abstention…
[…] Les idées les plus hardies peuvent bien se faire jour dans quelques cerveaux, mais […] il faut qu’elles mûrissent lentement avant d’être acceptées par un petit nombre et ne plus être regardées comme des paradoxes, ou l’apanage d’un esprit « original » ; on comprend l’immensité de temps qu’il leur faut avant de se transformer en actes de la vie courante d’un certain nombre.
Et cela se comprend. L’individu a à lutter contre les préjugés, les idées reçues, qu’il loge inconsciemment en sa cervelle, et dont il ne se débarrasse que très lentement, au cours de la vie, au choc des faits. Son cerveau tend bien à l’élever, mais l’organisation sociale pèse de tout son poids sur ses actes et l’empêche d’agir comme il voudrait. […] Comme le passé a des attaches plus solides que l’idée qui ne fait que de naître, il est le plus fort, et, le plus souvent, les individus agissent d’une façon, tout en pensant d’une autre. »
Le piège électoraliste fonctionne alors à plein régime et, six mois ou un an avant la date fatidique du changement de cap possible, on arrête tout : les perspectives nouvelles qui ont jailli dans les esprits des uns et des autres au cours des luttes antérieures sont mises de côté. Il convient de transformer tout cela en objectifs raisonnables, même au prix d’abandons cruels et de concessions faites au nom du réalisme. Les idées nobles qui ont germé se dessèchent peu à peu. Les plus naïfs estiment que le candidat pour lequel ils vont voter risque d’opérer les transformations sociales auxquels ils aspirent. La grande majorité met son bulletin dans l’urne en considérant que c’est un moindre mal et que le candidat choisi occupera le strapontin à la place d’un autre, potentiellement plus mauvais. Pour se rassurer, on se dit qu’il est important que quelqu’un, avec lequel on ressent une certaine communauté d’idée, puisse influer sur les décisions de ceux qui ont été élus avec lui sur un programme passablement divergent. Ecologiste on est, par exemple, convaincu du risque encouru avec le développement de l’industrie nucléaire ; pour être sûr d’obtenir de précieux maroquins dans le prochain gouvernement, on passe sous les fourches caudines de l’allié puissant que l’on estime le plus proche de soi, ou tout au moins le plus susceptible de faire la charité de quelques sièges. Avec un peu de patience, le maroquin on l’aura, avec un budget ridicule et une autonomie plus que surveillée. Certes on sauvera quelques niches écologiquement utiles pour les grenouilles ou les orchidées, mais les succès obtenus n’iront guère plus loin, et les grenouilles continueront à coasser à l’ombre de la tour de refroidissement de la centrale voisine. Ce que je dis pour les écologistes peut se généraliser à bien d’autres courants de pensée, avec les mêmes résultats. Je ne dénigre pas l’objectif atteint – j’aime bien les grenouilles – mais je considère qu’en faisant cela, on court le grave danger de faire croire à la multitude que le succès est possible dans ce jeu démocratique parlementaire parfaitement biaisé dès le départ. La logique du profit immédiat qui gouverne la société n’a pas été remise en cause, et, sous un quelconque et fallacieux prétexte, les concessions accordées seront annulées dans un délai plus ou moins bref.
S’il est sans tendresse pour les réformistes dont les objectifs se limitent bien souvent à l’obtention de quelques améliorations temporaires dans le fonctionnement social, et presque toujours à leur propre nomination et à leur maintien dans un poste de pouvoir, Jean Grave n’est pas tendre non plus avec ceux qu’il appelle les « fétichistes de la révolution », ceux qui solutionnent les problèmes à grand renfort de barricades, et sont prêts à sacrifier la vie de leurs concitoyens pour la réalisation immédiate et illusoire de leur vision idéale du monde.
« Il y a aussi les féticheurs de la Révolution, qui contribuent à ancrer cette idée qu’il n’y a qu’un coup de force à opérer, pour que, du jour au lendemain, soit instaurée la société idyllique de nos rêves.
Pour les uns, ce vocable, Révolution, répond à tout. Faisons la Révolution, et tout sera pour le mieux.
Pour d’autres, la Révolution, c’est la conquête du pouvoir ; c’est renverser ceux qui le détiennent pour mettre à leur place des individus dévoués à l’humanité qui décréteront le bonheur universel.
Seulement, par malheur, lorsqu’un changement de ministère ou une révolution leur apporte le pouvoir entre les mains, ils s’aperçoivent avec terreur qu’aucun individu n’a la même conception du bonheur… […] D’autre part, comme leur révolutionnarisme n’est fait que de formules, de jactances et de beaucoup d’ignorance ; aux prises avec les difficultés, ils perdent la tête. Montés au pouvoir avec – ou sans – la conviction de faire quelque chose, ils entendent surtout y rester. Prisonniers de l’ordre social qu’ils avaient juré de bouleverser, ils finissent par devenir plus réactionnaires que ceux auxquels ils se sont substitués… »
Si l’urne est nuisible, et la barricade illusoire, à quel saint faut-il alors se vouer ? C’est là que la lutte au quotidien, même s’il s’agit d’un combat pour de simples réformes, retrouve toute son importance. Au travers de tous les combats que l’on initie, ou auxquels on participe, on s’aperçoit qu’une autre gouvernance est possible. On s’éduque, on sort de ses inhibitions, on remet peu à peu en cause la hiérarchie… On s’aperçoit alors que l’adage « la fin justifie les moyens » est une erreur grossière qu’il faudrait plutôt remplacer par exemple par « les moyens conditionnent la fin ». C’est dans l’autogestion des luttes que l’on apprend l’autogestion tout cours. C’est la construction de nouveaux liens sociaux et économiques, même expérimentés à petite échelle, qui sert de laboratoire à la construction de la société future, et qui – surtout – rend crédible auprès d’une multitude de témoins, la validité des projets que l’on entend mettre en place à grande échelle. En 1910, déjà, Jean Grave est parfaitement conscient de ce fait et il l’exprime en critiquant ceux qui – au nom de l’idéal révolutionnaire – méprisent les luttes pour l’amélioration du sort des ouvriers au quotidien, tout autant que ceux qui perdent de vue tout idéal sociétaire, et limitent leur action à la réduction de quelques heures de la semaine de travail. Un juste équilibre entre la réforme et la révolution, entre le réel et la potentialité, le temps présent et le futur (auquel il ne faut pas renoncer).
« L’Etat ne prend autant d’extension que parce que nous croyons trop à sa toute-puissance, et que nous l’armons contre nous, à chaque instant, en lui demandant de se substituer en notre lieu et place, pour accomplir ce qu’un peu d’initiative de la part des individus leur permettrait d’exécuter d’une façon beaucoup plus libérale et moins coûteuse. Mais comme l’Etat n’a pour mission que d’assurer la jouissance de ceux qui en détiennent la force, il se sert des armes que nous lui fournissons pour étendre ses attributions, augmenter ses prérogatives, et étouffer les réclamations de ceux dont le rôle consiste à produire pour ceux qu’il protège.
Il faut donc démontrer aux individus que l’Etat le plus puissant n’a de force, que celle qu’il tire d’eux, qu’il ne sera rien du jour où l’individu se décidera à vouloir être lui-même, et agir par lui-même. »
L’investissement dans la recherche de nouvelles formes de luttes, de nouvelles structures de travail, le rejet de l’urne, ne signifient pas que l’individu ignore l’existence de l’Etat. La lutte contre le pouvoir central et contre les diverses structures dont se dotent les oppresseurs reste bien présente. Si Grave ne développe pas directement la notion de « désobéissance civile » élaborée notamment par Thoreau et reprise par de nombreux libertaires, l’idée est sous-jacente dans ses écrits, elle fait partie de son arsenal de moyens de lutte contre le capitalisme. Le combat doit se mener en s’engouffrant dans chaque brèche qui s’ouvre, en utilisant chaque opportunité qui se présente pour contrer l’omniprésence étatique. Les bases de la société future s’élaborent au sein même de la société capitaliste présente, cette société que Jean Grave qualifiera, avec un peu trop d’optimisme, de « mourante » dans une autre de ses œuvres majeures.
Je termine cette brève évocation du travail de Jean Grave, en citant un paragraphe que je trouve porteur d’espoir, plus peut-être que ceux que j’ai inclus dans la première partie de l’article (et de l’espoir nous en avons bien besoin, tant ont progressé les problèmes auxquels l’humanité était confrontée il y a un siècle). Ce texte montre bien l’une des qualités principales de son auteur, à savoir son ouverture d’esprit… Je trouve étonnant que certains anarchistes, à son époque, l’aient trouvé doctrinaire et borné !
« Nous voulons réaliser un état social où toutes les aspirations puissent évoluer librement. Il faut donc que les individus se mettent bien dans la tête que ce qui répond à leur idéal de bonheur peut-être parfaitement intolérable pour d’autres ! Que, par conséquent, la réalisation de ce qu’ils désirent ne peut pas se faire par lois et majorités, mais en essayant soi-même de réaliser dans son coin, dans son milieu, autour de soi, les idées qui vous sont chères, sans attendre une majorité pour les imposer.
Ce dont il faut bien se convaincre encore, c’est que la liberté ne se débite pas par tranches : elle est ou n’est pas ; la liberté pour tous ne peut être complète que si chacun respecte la liberté des autres, la liberté de chacun n’ayant d’autre limite que lorsqu’elle entrave celle d’un autre. Conflit qui doit s’arranger à l’amiable et non par la force.
Ce qu’il faut apprendre, c’est que l’affranchissement individuel ne peut être l’œuvre d’aucune puissance terrestre ou imaginaire, mais l’œuvre de l’individu lui-même qui, à chaque instant de sa vie, doit lutter pour résister aux empiètements de l’Etat ou ressaisir ce qui lui a été enlevé.
Mais un individu qui voudrait résister seul au milieu de la foule serait bientôt écrasé.
D’autre part, vouloir grouper les hommes sous un programme général, ce serait les vouer à la dislocation lorsqu’il s’agirait de passer à l’action.
Il y a cependant un moyen d’éviter ces deux extrêmes. Si les individus ont des conceptions différentes qui les séparent, ils en ont de communes qui les rapprochent. S’il leur est impossible d’être d’accord sur chacun de leurs modes d’activité, pourquoi ne se solidariseraient-ils pas, avec ceux qui pensent de même sur un point particulier, bien défini, pour le mode d’action sur lequel ils sont d’accord.
C’est l’application dans la lutte du mode de groupement que nous imaginons pour la société que nous désirons… »
Espérons, pour conclure, que la lecture de ces quelques extraits donnera à certains l’envie d’aller un peu plus loin… La mine d’œuvres à l’intérieur desquelles puiser est considérable : de Reclus à Grave, en passant par Thoreau, Kropotkine, Emma Goldman ou Pierre Clastres, la somme des écrits des penseurs libertaires représente un véritable trésor intellectuel qu’il est impossible de continuer à ignorer, d’autant que l’histoire a, dans bien des cas, démontré la lucidité dont faisaient preuve certains de ces auteurs parmi les plus anciens. Espérons aussi que la vision de ceux qui perçoivent les anarchistes comme des individus n’ayant que la volonté de détruire, aura un peu évolué. C’est, après tout, l’un des deux mille douze objectifs que je me suis fixé ! En ce qui concerne Jean Grave, il n’est point question, à travers ces deux chroniques, d’en faire un quelconque panégyrique. D’une part je ne connais qu’une partie de son œuvre, et, d’autre part, il y a des positions qu’il a exprimées, notamment lors de la déclaration de guerre en août 14, que je ne partage pas. Je ne crois pas, d’ailleurs, qu’il y ait de penseur avec lequel je sois en accord total. Je n’ai jamais été très porté sur le col Mao !
Histoire de changer, la prochaine fois, on parle de la Révolution de 1789 et de la grande peur dans le Bas-Dauphiné, le point d’attache de mes racines.
Notes : la sixième image, le portrait de Jean Grave, provient du site Cartoliste, dûment référencé par la Feuille Charbinoise dans sa liste de liens permanents. Si vous n’êtes pas encore allés visiter l’impressionnante collection de cartes postales présentées par ce site, il est encore grand temps de rattraper cet oubli ! Mais ne trainez pas car le fonds grossit de jour en jour…
5 Comments so far...
Patrick MIGNARD Says:
2 février 2012 at 17:31.
AUX URNES LES MOUTONS
Le voici revenu le temps des élections
Celui où les élus nous prennent pour des cons,
Celui où les promesses et serrages de mains,
Eclairent de mille feux ce que sera demain.
Pendant tous ces longs jours où l’urne était absente,
Ils géraient en silence toute affaire cessante,
Surtout leurs intérêts, puis ceux de la cité,
Derrière le paravent de leur sérénité.
Ils veulent absolument qu’on aille tous voter,
Assurant par là même leur légitimité,
En donnant l’illusion au pouvoir qu’ils détiennent,
Que c’est leurs ambitions que le peuple a fait siennes.
De l’illusion ces princes tout comme les comètes,
Reviennent par période refaire leurs emplettes,
Sollicitent nos voix avec de grands sourires,
Et si on les ignore, nous prédisent le pire.
A toutes nos questions ils ont une réponse,
Mais pour nos vrais problèmes ils n’en ont pas une once.
Ils déclarent savoir depuis des décennies
Mais leur incompétence évidemment la nient.
Leur objectif suprême s’est bien sûr d’être élu,
S’ils en cumulent trop nous proposent leur bru,
Ou leur fils, leur épouse… tout est bon pour régner,
On est toujours trop seul, faut être accompagné.
C’est donc en rang d’oignons que nous allons voter,
Sachant pertinemment que rien ne va changer.
Abusés, bafoués mais fiers d’y être allé
La carte d’électeur nous l’aurons avalée.
Le soir de l’élection, à la télévision,
Nous n’aurons en spectacle que leur satisfaction.
Ils nous remercierons, nous promettant la Lune
De cette mise en scène, nous restera des prunes.
Une fois installés dans leurs nouveaux fauteuils
Ils se croient sur un trône, de modestie font deuil,
Nous croient à leur service, réclament des honneurs,
A eux les privilèges et à nous la sueur.
Après tout ce spectacle silence retombera
Routine quotidienne re rythmera nos pas,
Demain tout sera gris comme à l’accoutumée,
La merde quotidienne faudra bien l’assumer.
Janvier 2004-01-15 P.M
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J’IRAI CRACHER DANS LEURS URNES
Très régulièrement on nous prend pour des cons
C’est même précisément le jour des élections.
Pour préparer ce jour l’électeur est gavé
De promesses stupides savamment diffusées.
Tous ces politiciens qui de loin nous méprisent
Ne cessent dés lors plus de nous faire des bises
Embrassent les enfants, baratinent nos vieux
Et même s’ils sont malades leur souhaitent d’aller mieux.
Aux chômeurs il promettent travail et abondance
Et prévoient la croissance avec un an d’avance.
La crise est terminée, la reprise et bien là
Encore faut-il qu’ils soient élus pour faire ça.
Les magouilles, les affaires ils en ignorent tout
C’est bien sur l’adversaire qui est capable de tout.
Ils sont blancs comme neige, juste sortis de l’œuf
D’ailleurs regardez le, leur programme est tout neuf.
Leurs nouvelles idées vont faire sensation
C’est sur il faut s’attendre à une innovation.
Le passé est bien mort et le présent futile,
Et c’est dans l’avenir qu’ils nous seront utiles.
Toutes ces solutions que d’autres avaient cherchées
Elles sont dans leur poche de toute éternité.
Faut donc pas hésiter l’avenir est à nous
Le jour de l’élection faut bien viser le trou.
Mais le jour du scrutin vous ne me verrai pas
Je ne leur ferai pas le plaisir d’être là
Citoyen responsable j’ai enfin décidé
Que cette mascarade avait assez duré.
P.M
Paul Says:
2 février 2012 at 17:36.
@ Patrick – Bravo et merci ! Un brin de poésie dans un monde de brutes, un zeste de bon sens au milieu de l’anarchie (pas celle-là, l’autre) régnante…
JEA Says:
4 février 2012 at 12:32.
« un coup à gauche, un coup à droite, les majorités changent d’étiquette mais guère de pratique… »
n’étant point Français et accepté seulement lors des élections municipales, je resterai prudent quant à mon inculture politique, du moins celle qui serait circonscrite à l’hexagone
mais enfin
une ou des gauches furent élues en 36
puis rien avant 81
mais entre-temps Pétain, puis un général après le maréchal, et d’autres généraux OAS contestant leur collègue de Gaulle…
franchement, il ne me semble pas que l’alternance soit un mouvement de balancier régulier en France
la République à droite, si rarement à gauche
et combien ne peut-on pas relever de ces déclarations, de ces écrits qui répètent encore aujourd’hui que la droite serait légitime et une gauche porteuse de guerre (cf le président de l’Assemblée nationale) ?
à moins de poser comme préalable que droite et gauche, c’est kif-kif, auquel cas je repasse la frontière pour ne pas encombrer plus longtemps…
Paul Says:
4 février 2012 at 18:31.
@ JEA – J’essaie une réponse brève à cette intervention. Alternance droite gauche, l’expression est effectivement exagérée puisque, après 1936, il faut effectivement attendre la réélection de Mitterand et la majorité PS au parlement qui l’accompagne pour revoir la gauche au pouvoir. Disons que depuis cette date c’est le chemin de l’alternance que l’on semble prendre. L’arrivée au pouvoir de Mitterand (et l’absence totale de changements fondamentaux sur le plan du fonctionnement économique qui l’a caractérisée) a déçu bien des espoirs et explique sans doute le retour de la droite aux commandes quelques années après. Si l’on qualifie de « Gauche » le seul parti susceptible d’arriver au pouvoir par la voie électorale, à savoir le PS, alors, effectivement, je ne fais que peu de différence entre Droite et Gauche, les deux s’abreuvant aux mêmes sources, et appliquant, avec plus ou moins de vaseline le même type de politique néolibérale. Certes je n’enlève pas au bilan de Mitterand l’abolition de la peine de mort par exemple, qu’un Giscard d’Estaing n’aurait probablement pas fait passer, ni l’abandon de l’extension du camp du Larzac, récemment évoquée dans un documentaire remarquable, mais il ne s’agit pas là de la transformation radicale des choix économiques que beaucoup espèrent. Le changement d’orientation entre PS et droite libérale ressemble de plus en plus à l’alternance Démocrates/Républicains aux Etats-Unis, soulevant les mêmes espoirs et provoquant les mêmes déceptions. Vous ne contesterez pas par exemple le fait qu’il n’y ait plus grand rapport entre le parti de Mr Hollande et celui de Mr Jaurès par exemple ! Je vous avoue un peu que le résultat de l’élection à venir ne m’indiffère pas totalement, mais qu’il ne m’intéresse que fort peu, car peu de choses changeront dans le quotidien des uns et des autres (du moins des plus humbles). Si l’on met de côté tout espoir de changement profond de la société et que l’on en reste au simple niveau des réformes dans différents secteurs… Mr Hollande ne remet pas en cause, ou si peu, les choix concernant les retraites par exemple, ou la nucléarisation à outrance de la France… Certes nos troupes seront retirées d’Afghanistan, mais cela ne coûte pas bien cher à promettre puisque la réalité des faits va nous contraindre à prendre cette décision… etc…
N’étant pas un chaud partisan de la lutte armée et des barricades à chaque coin de rue, je ne vois d’espoir et je ne crois guère qu’aux luttes quotidiennes et à l’expérimentation de nouveaux types de relations entre les individus, une sorte de propagande par le fait en quelque sorte… Que se passera-t-il lorsqu’on arrivera au point de rupture, car il y a toujours un point de rupture lorsque l’on est confronté à un pouvoir central qui a tant de privilèges à défendre. Je n’en sais rien… Peut-être Mr Hollande viendra-t-il à notre secours ??! J’arrête là car je ne veux pas redévelopper ce qui est dit ou cité dans l’article… Vous ne pouvez voter qu’aux municipales ? Tant mieux ! A mes yeux les communes présentent des champs d’expérimentation qui peuvent s’avérer parfois fort précieux, plus que l’assemblée nationale en tout cas, du moins sous sa forme actuelle.
JEA Says:
4 février 2012 at 18:56.
Paul, merci de répondre.
Encore une fois, la France n’est pas ma terre natale. Sur la mienne, je constate objectivement que des politiques se réclamant de la gauche dans un pays méconnaissant la séparation entre l’église et l’état, que ces politiques ont fait entrer dans les lois le droit aux IVG (lois non sabotées en Belgique), le mariage des homosexuels et la possibilité d’adoptions par ceux-ci, l’euthanasie etc. Le premier ministre actuel, PS, avait des parents étrangers et analphabètes. Il est homosexuel et… francophone.
J’y vois des différences fondamentales avec la droite. Sur un plan éthique il est vrai.
Mais dès que je repasse la frontière et reviens en Wallonie à majorité socialiste-écolo, j’y trouve partout des transports en commun (services publics), des écoles où viennent d’ailleurs de nombreux étudiants français car elles sont vraiment ouvertes, des soins de santé non élitistes avec des hôpitaux où se rendent des nombreux Français des Ardennes suite aux fermetures dans leur département, des grèves générales qui font reculer les tentations patronales, une télévision de service sur laquelle une mainmise à la Sarko n’est imaginable une seconde etc.
Ceci n’est pas seulement du superficiel pour la vie quotidienne des citoyens. Avec une syndicalisation qui dépasse les 75%. Et une liaison systématique des salaires à l’index que l’Europe de droite ne cesse de dénoncer.
Mais évidemment, ce socialisme de terrain ne touche pas à une remise en cause fondamentale du système.
De plus, le vote est obligatoire en Belgique…