12 mars 2012

Randonnée dominicale le long de la Nationale 7

Posté par Paul dans la catégorie : au jour le jour...; Feuilles vertes .

Sortir du nucléaire ? Et comment chère madame !

 Nous aussi on a joué les « maillons » de la chaîne organisée par le Réseau Sortir du Nucléaire (en courant). Après s’être inscrits bien sagement sur le site, on a choisi Péage de Roussillon, comme point de ralliement. Lyon, on n’avait pas envie et Avignon – certes il y a le pont – mais ça faisait une trotte. Au fait pourquoi le Réseau Sortir du Nucléaire a-t-il choisi ces deux villes comme extrémités de la chaîne ? Deux bonnes raisons : la vallée du Rhône est la zone la plus nucléarisée d’Europe ; la distance Avignon-Lyon est symboliquement la même que celle de Fukushima à Tokyo. La Feuille Charbinoise a choisi Péage de Roussillon, car il semblait qu’il n’y avait pas grand monde d’inscrit à ce point de ralliement là. Ensuite, pour nous, c’est tout droit vers l’Ouest comme la route des pionniers. Tertio c’est un peu au milieu de nulle part… Les pauvres autochtones n’ont droit qu’au voisinage de la centrale de St Maurice l’Exil, un site tout aussi polluant que les autres mais finalement assez discret. On avait donc des chances de ne rencontrer que des militants lambda et d’échapper aux huiles qui se sont regroupées en des points plus « prestigieux » de la chaîne. Ça tombait bien, on n’avait pas envie de discours, de flonflons et de slogans. Juste d’un peu de convivialité pour se sentir moins isolés dans ce monde de brutes, et d’un peu d’exercice pour se réchauffer car le mistral était au rendez-vous.

 Nous nous sommes retrouvés à quelques centaines (ne me demandez pas le nombre exact, je ne suis pas doué pour les estimations ; demandez le aux pandores qui ont passé leur temps à remonter et descendre la chaîne : compter, ils n’avaient que ça à faire) sur le parking d’un hypermarché. Une petite buvette, un groupe de musicos talentueux, une zone protégée des grandes rafales de vent, un beau soleil… le pied ou presque. Il faut reconnaître que le parking d’un hyper, même lorsqu’il est tout neuf, on en a vite fait le tour. Plusieurs cars sont arrivés. Le regroupement des transports était une bonne idée car ça limitait l’encombrement en véhicules de tous genres. Comme on n’était que deux à venir de notre métropole régionale, on a renoncé à affréter un transport collectif… La chaîne s’est organisée : un départ plan plan vers le Sud pour traverser l’agglomération ; un départ un peu plus « sportif » vers le Nord, pour rejoindre les ceuss du point de rassemblement voisin. Après pas mal de piétinement et quelques calculs mathématiques approximatifs, on s’est vite aperçu qu’on ne serait pas assez nombreux pour faire la jonction, même avec l’appui logistique de cordelettes et de rubans. Une fois le long serpent déployé… et ça a été un peu laborieux, on a finalement choisi le principe de la chaîne itinérante : environ trois kilomètres pour rejoindre ceux qui venaient dans notre direction en partant d’Auberive. Des estafettes en vélo faisaient la navette d’un bout à l’autre de la joyeuse ribambelle.

 C’est passionnant une randonnée le long de la Nationale 7 dans les faubourgs d’un gros village perdu au milieu de nulle part. En tout cas, on a le temps d’apprécier longuement le paysage. Les banlieues dans les zones rurales sont devenues aussi moches que celles des grandes villes : pavillons tristement désalignés avec barbecues, haies taillées au cordeau et chiens-chiens qui aboient ; empilement de boutiques qui vendent tout et n’importe quoi à des prix incroyablement fantastiques ; friches transformées en dépôt de matériaux hétéroclites… et saleté omniprésente des bords de route. Notre chaîne, dont les maillons pavoisaient en jaune et en noir, plus quelques couleurs subtilisées à l’arc-en-ciel, avait au moins le mérite d’apporter un peu de couleur s’ajoutant au fond de ciel bleu. C’était sans doute la première distraction annuelle offerte aux habitants du coin. Les adultes étaient prudemment cachés dans leur salle à manger devant l’écran magique, mais quelques enfants jetés hors du domicile familial étaient surexcités par cet événement carnavalesque. Je doute par ailleurs que le défilé de carnaval, s’il y en a encore un, emprunte un itinéraire pareil… Quant au tour de France ?

 Nous avions pour consigne évidente de ne pas gêner, ou de gêner le moins possible, la libre circulation des véhicules, afin de permettre aux automobilistes mécaniquement émancipés de s’adonner pleinement à la joie de leur excursion dominicale sur la N7. De ce côté là il n’y a eu aucun incident à signaler : juste l’occasion pour moi, histoire de tromper l’attente, de m’amuser à faire quelques statistiques. Deux heures ou presque à stationner ou à marcher le long de la Nationale 7, on en voit passer pas mal, des engins motorisés, même si c’est une tranche horaire relativement calme. J’ai remarqué ainsi qu’une petite moitié des conducteurs ou des passagers des véhicules en question envoyaient des signaux de sympathie et de soutien. J’ai noté aussi que plus l’engin mécanique était gros, plus les conducteurs avaient les yeux rivés sur la ligne bleue de la Méditerranée ou de la colline de Fourvière, le pompon du mépris étant accroché aux énormes 4×4 vitres fumées et pare-chocs rutilants. Du côté des camping-cars c’est moins flagrant : je me demande si la discrimination ne serait pas liée à l’origine géographique… En tout cas, selon l’IFOP charbinois, les Allemands sont plus souriants que la moyenne et les retraités français plutôt ronchons (je n’ai aucune solidarité de caste avec ces gens-là ; je suis un rebelle moi monsieur…).

 Quand je vous aurai dit qu’une journaliste du Dauphiné est venue me tirer le portrait tellement elle me trouvait mignon avec mon petit drapeau (soyez gentils, laissez-moi fantasmer), vous saurez presque tout. Elle a trouvé le moyen de répondre « moi je travaille » à un de mes voisins qui avait émis un commentaire défavorable à son sujet… Effectivement, nous on ne bossait pas, on randonnait pour cueillir des champignons – ou plutôt pour les empêcher de pousser, en fait. Pour ma part, quand elle a fait référence au « Dauphiné Libéré », je lui ai demandé si c’était un journal, mais elle n’a visiblement pas compris le cynisme de ma question. Une fois la jonction opérée, nous avons plié bagages. J’étais plutôt ronchonchon jusqu’à ce que j’apprenne, par les infos, que nous étions environ soixante mille. Je me suis alors dit que si on n’était pas venus, d’une part il n’y aurait eu que 59 998 manifestants, et que d’autre part on n’aurait pas découvert, sur notre chemin de retour, le château médiéval de Montseveroux et sa porte extraordinaire. Certains se demandent peut-être pourquoi je ronchonnais – alors que d’ordinaire cette attitude m’est totalement étrangère ? (censuré par la correctrice) D’une part, la gravité du problème est telle que je m’attendais à une marée humaine (je suis un grand idéaliste). D’autre part, à titre personnel, je manifestais, en 1971, contre la construction de la centrale de Bugey et contre l’entrée dans le nucléaire. Plus de quarante années se sont écoulées et je manifeste maintenant pour qu’on se dépêche de sortir avant que les carottes ne deviennent trop radioactives. Point négatif, mes cheveux ont blanchi et j’ai l’impression de faire du surplace. Point positif, même si ma pensée évolue au fil des ans et que mon cerveau se ratatine un peu, je ne suis au moins pas une girouette. Tiens, au fait, il paraît que le Parti Socialiste, cette fameuse Gauche qui va changer nos vies, s’est fait remarquer par son absence totale sur les divers points de rassemblement. A bon entendeur salut. De Gauche ou de Droite, sachez que le Césium, le Strontium et autres joyeusetés tuent de la même manière.

Addenda – en attendant le « bric à blog », un lien avec des reportages sympas que l’on peut visiter : « Récits de Fukushima« . Faire vos courses avec un dosimètre, ça vous tente ?

8 Comments so far...

Clopin Says:

13 mars 2012 at 23:46.

Ben nous, on était à Dieppe à l’appel du collectif « Stop EPR, ni à Penly, ni ailleurs « , c’était plus près et il n’y pleuvait pas…
Visiblement, vu l’enthousiasme des Dieppois pour notre démarche, Penly ne leur fait pas si peur que ça. Il faut dire que les élus locaux UMP-PS-PC bétonnent sec !
A si les radiations ne s’attaquaient qu’aux cons…

JEA Says:

14 mars 2012 at 17:41.

Trenet :

– « On est heureux Nationale 7… »

fred Says:

15 mars 2012 at 16:01.

ah ! l’heureux retraité que voilà ! Quelle activité luxuriante !
Cependant deux questions me taraudent …
1) Quelle est l’enseigne de l’hypermarché ?
2) En pourcentage, quelle est la part du « pur baba cool » dans ce type de rassemblement ?
Bon, après faudrait définir la notion de « pur baba cool » c’est pas faux …
Disons, à la louche, cheveux longs, gilet afghan, tenues bariolées et mégot louche !

Paul Says:

15 mars 2012 at 18:08.

@ Clopin – Je garde un très bon souvenir de notre journée à Dieppe. Le petit cimetière sur la falaise, et le déluge qui s’est abattu du ciel, créant de subtiles nuances de gris entre la mer, le ciel et la plage… J’avais publié une ou deux photos d’ailleurs de ce voyage dans l’au-delà… Si j’en juge par le nombre de petits gestes sympathiques faits par les automobilistes et le nombre de militants présents au bord de la route, j’en déduis aisément que les gens adorent que l’on manifeste à leur place, que l’on produise suffisamment d’électricité pour leur clim, et que si possible, tout cela ne pollue pas de façon visible !

Paul Says:

15 mars 2012 at 18:10.

@ JEA – je traine un peu pour répondre car, depuis la nationale 7, et pour me remettre des gaz d’échappement, je me suis cloitré au jardin, labour par ci, taille par là, coups d’œil admiratifs sur les bourgeons , les premiers papillons et patin couffin.

Paul Says:

15 mars 2012 at 18:15.

@ Fred – Tu bosses pour la DCRI maintenant ? Je t’en pause moi des questions pareilles ? Bon Prince je réponds… L’hyper, c’était un intermarché mon brave, les mousquetaires de l’antinucléaire. Les babas cools jeunes, vieux, tous confondus, en fonction de tes critères, je dirais un petit quart. Dans l’ensemble c’était plutôt populo, intello, bobo, margino (mais pas méthode Ogino). Plutôt gentillet en fait, le genre à essayer de convaincre les agents de police que c’est pour une juste cause… De toute façon, je ne participe qu’à des rassemblements bon chic bon genre, plutôt jeune dans l’ensemble, le troisième age me fatigue…

la Mère Castor Says:

16 mars 2012 at 09:13.

ben oui, mais la photo alors ?

Paul Says:

16 mars 2012 at 09:29.

@ Mère Castor – Mais quelle photo ? La mienne ? Dédicacée ? Celle de Madame La Feuille ? A moins que ce ne soit celle de la photo de la porte du château… Je vazi réflaichire…

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