11 décembre 2007

La conjecture de Fermat

Posté par Paul dans la catégorie : l'alambic culturel .

conjecture-fermat.jpg Un peu de cape et d’épée pour changer du polar pur et dur. Jean d’Aillon a écrit toute une série de romans historiques, se déroulant à l’époque de la Régence et de la Fronde, et ayant pour héros récurrent un notaire parisien, Louis Fronsac. Au cours de ses enquêtes, notre héros est amené à côtoyer et à servir toutes sortes de grands personnages du royaume, mais c’est surtout à Mazarin qu’il va rendre les plus grands services et c’est à cet intriguant cardinal qu’il doit aussi son ascension sociale. La série comporte une demi-douzaine de volumes, réédités en grande partie au Masque, mais celui que je préfère, « la conjecture de Fermat », est publié chez Jean Claude Lattès. Cet épisode des aventures de Fronsac est l’un des mieux construits et l’un des plus palpitants aussi. Jean d’Aillon possède une solide culture historique, notamment en ce qui concerne l’histoire de la Provence (l’une de ses histoires commence par plusieurs dizaines de page de description d’Aix en Provence à l’époque des guerres de religion) et cela alourdit parfois le rythme de son récit : ce défaut n’apparaît pas dans « la conjecture ».

Le titre à lui tout seul est déjà prometteur de mystère. Vous connaissez sans doute Pierre de Fermat, mathématicien français ayant vécu de 1601 (?) à 1665. Il est connu pour deux théorèmes : le petit théorème (cas particulier du théorème d’Euler) et le dernier théorème qui ne fut démontré qu’en 1995. Fermat est aussi l’inventeur d’une méthode de démonstration : la descente infinie (je laisse aux matheux le plaisir de compléter leur culture dans ce domaine qui m’est un peu étranger !). Dans le livre de Jean d’Aillon, c’est plutôt à des problèmes de cryptage qu’est confronté notre savant. Les dépêches chiffrées envoyées à nos ambassadeurs sont systématiquement décodées par les Espagnols (nous sommes à la fin de la guerre de Trente ans) et les manœuvres diplomatiques françaises échouent lamentablement. Le congrès de Münster approche… Il y a sans doute des fuites dans le bureau du Chiffre, mais qui en est responsable ? Que se passe-t-il dans les sous-sols de l’hôtel de Guise ?

Pierre de Fermat Puisque nous en sommes à résoudre des énigmes, savez-vous ce qu’est une conjecture ? N’ayez pas honte d’avouer votre ignorance, moi je ne l’ai appris qu’il y a peu de temps, le titre de ce livre m’ayant intrigué… Je mélangeais aussi allègrement « conjecture » et « conjoncture ». Une petite leçon de vocabulaire s’imposait donc… Voici la définition que donne Wikipedia de la conjecture : « en mathématiques, une conjecture est une assertion qui a été proposée comme vraie, mais que personne n’a encore pu démontrer ni réfuter. Une conjecture peut également être dénommée hypothèse ou postulat. » De son vivant, Pierre de Fermat a fréquemment demandé à d’autres savants (Descartes, Roberval, Mersenne) de l’aider à démontrer certaines de ses conjectures, ce qui n’était pas toujours très bien accueilli et lui a valu notamment de se disputer avec Descartes. Dans son livre, c’est la relation entre Fermat et Pascal qui est mise en scène. Ayant contacté Fermat pour son problème de code, Louis Fronsac doit lui rendre un service important : remettre à Pascal l’un de ses théorèmes pour que celui-ci l’étudie et l’aide à effectuer la démonstration.

Tout autour de ce milieu érudit gravitent toutes sortes de personnages : mercenaires, espions, mousquetaires (avec un clin d’œil à Alexandre Dumas), petits et grands commis de l’Etat. Louis Fronsac a parfois bien du mal à faire le tri entre ses amis d’un jour et ses véritables alliés, d’autant que le Cardinal, politicien à la démarche tortueuse, est toujours prêt à reprendre d’une main ce qu’il a donné avec l’autre. Les méchants sont vraiment méchants et, si ce n’était la confiance que l’on fait à l’auteur pour nous réserver une « happy end », on se demanderait jusqu’au bout dans quel état notre bon héros va nous être rendu, et s’il sera en mesure de guerroyer encore dans les volumes suivants ! Un judicieux mélange d’intrigue policière et de cape et d’épée dans la tradition populaire française : Jean d’Aillon est incontestablement l’un des nouveaux maîtres du genre. Lisez « la conjecture » et peut-être aurez-vous envie de découvrir les autres volumes de la série, aux titres aussi évocateurs que : « la conjuration des Importants », « l’enlèvement de Louis XIV » ou « l’énigme du clos Mazarin », pour n’en citer que quelques uns.

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