8 janvier 2013
Gaz de schiste : sur quel pied danser en Rhône-Alpes ?
Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes .
Berceuse gouvernementale ? La vigilance plus que jamais nécessaire…
Dormez braves gens, dormez ! N’ayez nulle inquiétude en ce qui concerne l’exploitation des gaz de schiste : le ministère du développement industriel et le ministère de l’écologie veillent pour vous. Tout est arrêté en attendant sans doute que les experts vous démontrent que vous avez tort d’avoir des inquiétudes. La mobilisation au Larzac a porté ses fruits : les autorisations de forages de prospection ont été retirées. Vous pouvez sommeiller en paix. En ce qui concerne l’énergie, la France est un modèle de démocratie. Rien n’est jamais fait sans le consentement du peuple : prenez l’exemple du nucléaire… Dès que les citoyens sont favorables à une décision gouvernementalo-technocratique, on tient compte de leur avis… Quand ils se trompent en n’étant pas d’accord, comme pour l’EPR, on le fait quand même mais on adopte une démarche plus pédagogique, plus transparente… Il n’y a aucune censure ! Tout le monde sait que la facture de la construction de l’EPR de Flamanville augmente d’année en année, de milliard en milliard… Mais le sondage réalisé auprès des experts d’Areva et de ses sous-traitants, ainsi que des experts d’EDF a donné un résultat sans équivoque : 99% de oui pour qu’on continue à gaspiller l’argent public.
Et pourtant, de vilains petits canards, comme les membres des divers collectifs Rhône Alpes opposés à l’extraction des gaz de schiste par fracturation (seul procédé actuellement maîtrisé contrairement à ce que raconte le Rocard boiteux) prétendent que sur le terrain se déroule une étrange agitation. A plusieurs reprises ont été aperçus, dans des zones sensibles, des camions vibreurs comme celui qui figure sur l’image en tête de paragraphe (1). Il semblerait que les différentes compagnies intéressées par ces autorisations de forage de prospection n’aient pas vraiment été informées qu’elles agissent dans l’illégalité, à moins que… seules certaines autorisations aient été suspendues, mais pas d’autres, plus anciennes… Un esprit mal tourné pourrait se demander si, d’ici quelques temps, il ne serait pas tout simplement question de mettre les populations locales devant le fait accompli.
L’argumentaire du lobby des schisteux dans les médias semble avoir évolué en douce et pris une orientation quelque peu « jésuite » comme pour le nucléaire. Pour justifier la construction du nucléaire on entend susurrer des choses comme : « eh oui, mon pauvre monsieur, le nucléaire pollue à long terme – c’est un fait – mais quelle réponse sérieuse pourrait-on avoir à la demande croissante d’énergie ? La question est grave et la réponse apportée par les énergies renouvelables n’est pas encore satisfaisante… Le nucléaire est donc un pis-aller incontournable ». Les mêmes fieffés escrocs jouent sur le même registre pour le gaz de schiste… « Tous les autres pays donnent leur accord pour cette exploitation. D’ici quelques années les Etats-Unis seront autonomes sur le plan énergétique. Vous voudriez que la France continue à importer son énergie à prix d’or alors que notre sous-sol regorge d’un véritable trésor ? C’est notre mort économique assurée dans les vingt prochaines années que vous défendez là. Certes l’eau du robinet va un peu baisser de qualité… mais nos chercheurs sont d’une efficacité remarquable et d’ici peu, avec l’aide du Rocard boiteux, nous saurons extraire sans fracturer et un gaz très pur abreuvera nos sillons ! »
Alors qui dit vrai ? Si l’on se range du côté des mauvaises langues, on pourrait craindre que les socialos et leurs alliés verdoyants n’amusent l’opinion pendant que les taupes s’activent dans le sous-sol. Si l’on tient compte de la capacité qu’ont François Hollande et ses ministres de retourner leur veste (cf entre autres la TVA « sociale » ou le dossier de Notre Dame des Landes), mieux vaut rester prudents et mobilisés. Le discours officiel, et plus ou moins consensuel gauche-droite, laisse entendre que le dossier est temporairement fermé, mais que si l’on trouve des techniques de forage moins polluantes que la fracturation hydraulique, il sera urgent de le rouvrir pour ne pas prendre de retard sur cette question sensible. Il est amusant de constater que dans les discours de nos édiles traine toujours cette idée que « les autres » (Américains en tête) ne savent pas faire, mais que chez nous, grâce au bon sens « béret / baguette » on trouve toujours une solution aux problèmes. Rappelez-vous ce que les experts se sont empressés de déclarer suite à la catastrophe de Fukushima : ce sont des réacteurs US, les normes de sécurité ne sont pas les mêmes que les nôtres… Toujours le même baratin scientifico-nationaliste. En Rhône-Alpes, le dossier « gaz de schiste » reste effectivement bien embrouillé : des autorisations sont toujours valides, des prospections ont eu lieu dans le passé, et les militants doivent rester sur le qui-vive (écoutez cette interview de Guillaume Vermorel sur Reporterre).
Histoire d’illustrer mon propos et d’étayer mon discours, voici quelques informations complémentaires piochées sur les différents sites des collectifs d’opposants à l’extraction. Quelques exemples seulement car il y en a beaucoup trop et que je vous conseille vivement d’aller vous abreuver à la source (pas celle du gaz, l’eau est polluée). Certaines régions, comme la nôtre (Rhône-Alpes Nord) ont fait l’objet de plusieurs demandes concurrentes concernant plus ou moins les mêmes secteurs. La demande de permis de recherche appelée « Couloir Lyon Annecy », déposée par la société Schuepbach, a bien été refusée le 26/9/2012, mais la demande appelée « permis de Blyes », déposée par la société Realm, et couvrant partiellement le même secteur, court toujours… La principale différence entre les deux dossiers se situe au Nord, la demande d’autorisation de Realm s’étendant plus largement encore (3293 km2). [voir document cartographique n°1]. Les départements de l’Isère, de l’Ain, des deux Savoie et du Rhône sont concernés.
Deux permis de recherche ont été accordés : Les Moussières et Gex (2). De nombreuses demandes ont été déposées et sont en cours d’étude. Quelques dossiers ont fait l’objet d’un refus. Les maires n’ont été, et ne sont toujours pas consultés, que ce soit pour les autorisations accordées ou pour les demandes en attente. De nombreux élus, choqués par l’attitude de l’administration centrale, se sont impliqués dans les collectifs d’opposants. La région Rhône-Alpes s’est déclarée contre l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste sur son territoire en février 2011 (majorité PS – à l’époque dans l’opposition). Cette prise de position n’a eu aucun effet quant au déroulement du processus de validation des dossiers. Le code minier actuellement en vigueur est largement favorable aux entreprises, et leur donne un poids juridique considérable face aux populations locales. Cette situation inacceptable doit changer !
J’ai déjà parlé de l’exploitation du gaz de schiste dans ces colonnes, dans une chronique concernant principalement Canada et Etats-Unis. Je vous invite à relire éventuellement cet article. Je ne reviendrai pas cette fois sur les risques liés aux procédures d’extraction. Depuis la publication de cette chronique, les problèmes se multiplient aux USA. En juillet 2012, en Pennsylvanie, 17 800 litres d’acide chlorydrique ont été déversés sur le site de forage de Bradford. Les rejets de Méthane dans l’atmosphère s’annoncent bien plus importants que ceux annoncés dans les études préliminaires. En mars 2012, dans l’Ohio, une douzaine de séismes mesurés par les sondes sismiques ont été provoqués par l’extraction du gaz. Un an plus tôt, en avril 2011, toujours en Pennsylvanie, c’est un puits qui a explosé, entraînant la dispersion dans l’environnement de milliers de litres d’eau polluée. Cette liste est bien entendu loin d’être exhaustive. Il semble même que le nombre de problèmes rencontrés par les exploitants soit si élevé, que la rentabilité de ce nouvel eldorado soit remise en question.
.Je conseille à ceux qui ont besoin d’une remise à niveau, la lecture d’un excellent article de synthèse en deux parties : «Gaz de schiste et fracking – La naissance de Frankenstein». Il s’agit d’une adaptation, réalisée par le site « Stop gaz de schiste » d’un article rédigé en anglais par Ellen Cantarow et publié sur le site EcoWatch.org. La vue aérienne d’un champ de puits de forage montre à quel point cette exploitation embellit le paysage.
Pour conclure temporairement sur ce dossier, j’estime nécessaire d’ajouter que ce qui est jugé nuisible chez nous, ne doit pas être exporté chez les autres. De nombreuses sociétés françaises lorgnent par exemple du côté de l’Algérie. Le sous-sol de ce pays contiendrait d’importants gisements de gaz de schiste et leur exploitation serait soumise à de moindres contraintes environnementales. Notre bon ministre des Affaires Etrangères, a laissé entendre que la France s’intéresse de près au gaz algérien (3), et pourrait, dans ce pays expérimenter un certain nombre de techniques de forage « alternatives ». Les dites techniques n’étant point encore mises en œuvre, ce beau discours pourrait signifier tout simplement que nous comptons exploiter tout bonnement cette ressource fondamentale pour notre économie. Quand on connait l’ambiance de corruption qui accompagne les forages pétroliers, on peut se poser des questions légitimes sur l’innocuité environnementale de ces prospections : une manière habile de contourner les difficultés rencontrées sur le territoire national. Mais je suis mauvaise langue à mon tour : j’oublie que nous avons un gouvernement « socialiste ».
Notes : (1) Le camion vibreur est utilisé pour des tests sismiques avant les premiers forages…
(2) Une grande manifestation doit avoir lieu à Nantua, dans l’Ain, le 16 mars 2013, afin d’obtenir que le renouvellement du permis d’exploration des Moussières ne soit pas accepté. Informations complémentaires sur « Stop Gaz de Schiste ».
(3) Références de l’article du Point : http://www.lepoint.fr/confidentiels/exclusif-gaz-de-schiste-la-france-va-explorer-en-algerie-20-12-2012-1604170_785.php
sources utilisées pour les informations et pour les illustrations : « stop gaz de schiste (Rhône-Alpes Nord) » – le site Reporterre.net – Le blog « Planète sans visa », en particulier l’article « un branleur parle des gaz de schiste (le cas Rocard) –
3 Comments so far...
Lavande Says:
16 janvier 2013 at 00:06.
Paul Says:
23 janvier 2013 at 09:25.
Forages sur le plateau de Hauteville où en est-on ?
Quels dangers pour l’eau et l’environnement de notre région ?
Le collectif Valromey organise une soirée d’information sur les forages sur le plateau d’ Hauteville ce mercredi 23 janvier à 20h30 à la salle de réunion du Gymnase à ARTEMARE.