12 mars 2013
Pouët pouët, tsoin, tsoin et patin couffin…
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive l'économie toute puissante .
Sonnez trompettes, résonnez hauts-bois ! La crise est finie : 1426 gagnants ?
Le pognon roi est de retour ; il a seulement changé de poches. Pendant que vous regardiez bêtement la télé et ses histoires de papes, de lasagnes et de coureurs dopés, quelques malandrins se sont chargé de vous plumer un peu plus et de remplir leur coffre fort avec le produit de leur larcin. La crise est finie… pourquoi ? Eh bien c’est simple, dans une chronique ancienne, très ancienne, puisque publiée le 16 mars 2009, je vous annonçais la « disparition de 332 milliardaires« … C’est fini tout cela puisqu’ils sont revenus. Le magazine Forbes qui publie chaque année un hit-parade des grosses fortunes (on s’intéresse à ce qu’on peut dans ce bas monde) l’annonce triomphalement : en 2012, nous avons retrouvé 200 milliardaires supplémentaires… Ouf ! Et surtout, le portefeuille global de ces 1426 grosses fortunes a progressé de 17 % en un an. Sa valeur totale, bifton après bifton, s’élève maintenant à 5400 milliards de dollars pour 1426 tirelires cumulées. Je ne gâcherai pas votre plaisir en faisant une comparaison triviale avec des SMIC, des écoles ou des hôpitaux… Non. Mais comme je pense que vous êtes comme moi et que 5400 milliards ça ne représente pas grand chose à vos yeux, je ferai une simple comparaison avec le budget 2012 estimé du plus bel hexagone de la planète, la patrie des droits de l’homme, du reblochon et de la haute couture. La fortune cumulée de tous ces messieurs-dames ce n’est après tout qu’une quinzaine de fois le budget estimé de la France pour 2012. J’espère que vous commencez à vous représenter la beauté du tableau.
Pauvre monde qui, fin 2008, toujours selon « Forbes », comptait moins d’un millier de personnes intéressantes. En passant à 1426, fin 2012, soit un bon tiers de plus, nous avons enfin rétabli une échelle des valeurs humaines digne de ce nom. Je ne vais pas vous raconter tout ce que je vous ai déjà dit dans le tonitruant billet évoqué plus haut. Je note simplement que pendant ces quatre années au cours desquelles on nous a amusé avec « la crise », et conté à longueur de médias qu’il fallait se serrer la ceinture, d’autres ont sombré dans une obésité financière que je souhaite mortifère à brève échéance (puisqu’il paraît que c’est mal d’être trop…). Du triste passé faisons table rase et intéressons-nous au présent radieux et irradié. Il y en a des choses à dire sur ces 1426 jeanfoutres. Abordons la question sous un angle quelque peu féministe puisque c’est la période. Encore un domaine dans lequel les femmes, non seulement ne sont pas les premières, mais sont en quantité inférieure au quota politiquement correct. Parmi les 20 leaders du palmarès, il n’y a que deux femmes ! Saluons au passage la présence dans le classement de tête, ces dernières années, de notre slalomeuse nationale, Mme Bettencourt, gente dame Liliane, qui se hisse avec courage à la neuvième place, devançant Alice Walton, la mère Thérésa de Walmart. Mais gare ! La concurrente walmartienne reste redoutable ! Point d’autres consœurs dans le palmarès… Nos compétiteurs mâles sont moins mordants puisque notre Saint Bernard (Arnaut) s’éloigne du pied du podium, en n’occupant plus que la dixième place… Grâce à ces deux champions, la France occupe néanmoins deux strapontins au premier rang de la salle des fêtes mondiale… Joie et allégresse !
Peut-on suspecter le premier de ces heureux élus, le milliardaire Carlos Slim, de recourir au dopage ? La pratique est courante dans le milieu sportif. La compétition financière, par essence même, est beaucoup plus noble. Donc nous ne retiendrons pas cette charge contre lui, ni contre les deux champions suivants. En ce qui concerne le podium des médaillés, nous noterons le départ du prestidigitateur boursier Warren Buffet, titulaire de la médaille de bronze depuis plus de dix ans. Il est remplacé par un outsider espagnol Amancio Orgega, que je n’avais point l’honneur de connaître jusqu’à ce jour. Quant à Billou l’homme qui a gagné des ronds avec le système d’exploitation d’ordinateur le plus contre performant de la planète, il reste sagement avec la médaille d’argent autour du cou. Il est difficile de dire exactement quel moyen a permis à ces gens de posséder une fortune que même une imagination fertile peinerait à dépenser. Les placements financiers et la spéculation à outrance restent néanmoins la principale source de leur enrichissement. Le gain de place réalisé par Mme Bettencourt est ainsi dû principalement à la variation de ses divers portefeuilles boursiers.
Revenons un instant sur la tête de liste du classement, le Mexicain Carlos Slim. Ce personnage, emblématique des fortunes liées à la « mondialisation » libérale, mérite que l’on s’intéresse à son cas. Sa progression dans le classement a été fulgurante puisqu’en 2007, il n’était qu’à la trente troisième place au niveau mondial. Il est président ou actionnaire majoritaire de plus de vingt sociétés dans divers secteurs d’activités. En 2007, selon Wikipedia, l’ensemble de ses participations dans différentes sociétés représente 5 à 7 % du PIB du Mexique. Son nom est associé à quelques marques prestigieuses : il est l’un des principaux actionnaires du New York Times et s’est offert l’équipe de formule 1 Honda racing team. Ce n’est pas un hasard si dans certains médias il est qualifié d’empereur des télécommunications, car c’est surtout dans ce domaine que s’est bâti son immense empire : en 1990, il a réussi à racheter, à bas prix, la société Telmex, « privatisée » par son grand ami, le président Carlos Salinas. Cette société jouit actuellement d’une situation de quasi monopole au Mexique dans le domaine de la téléphonie fixe. Quant à la téléphonie mobile, elle est contrôlée à 80% par une autre société, Telcel, appartenant elle aussi à Slim. Si vous vous intéressez à la Jet Set, sachez que l’homme a un train de vie plutôt modeste par rapport à ses revenus, et qu’il n’est guère intéressé par les soirées mondaines et le clinquant. Sa générosité est notoire : il a eu la main large, aussi bien au Liban, son pays d’origine, qu’au Mexique, le pays où il habite. Il est intéressant de comparer sa fortune personnelle, 73 milliards de dollars, sans doute sous estimée, au revenu moyen de beaucoup d’habitants du Mexique qui se situe autour de 50 à 60 dollars par mois. Carlos Slim est l’exemple type du « self made man » à l’américaine : la belle aventure de sa réussite est contée en termes grandiloquents sur son site personnel. Je vous laisse le soin de la découvrir. Vous aurez alors le choix entre souhaiter la même ascension sociale pour vos propres enfants, ou envisager une révolution sociale bénéfique qui permettrait enfin à tous de vivre avec des revenus décents.
Celles et ceux qui trouvent que j’exagère en déclarant que la crise est terminée devraient s’intéresser à l’actualité boursière : l’indice S&P (Standard & Poor’s), celui qui fait frétiller de la queue les banksters et autres habitués de Wall street et de la City, atteint, en cette fin d’hiver, son plus haut depuis… 2007. Juste après cette nouvelle – c’est amusant parfois la succession des thèmes dans les fils d’infos des agences – on apprend qu’il sera nécessaire, en France, de faire 2,2 milliards d’économies, d’ici 2016, sur les prestations familiales. On apprend aussi que les pays « les plus fragiles » de la zone euro terminent 2012 en pleine récession économique. On n’avait d’ailleurs pas besoin de l’avis des experts pour s’en rendre compte… Quant aux Grecs, ils sont de plus en plus nombreux à vivre sans électricité, et, bientôt sans doute, sans eau courante. Je crois que la pendule économique qui rythme nos existences par ses battements erratiques est à mettre définitivement à la casse. Le bilan que l’on peut tirer de tous ces faits est proprement accablant : 1426 personnes ont réussi à tirer leur épingle de la « pelote » terre, quelques milliards sont restés sur la touche. Pendant que certains se demandent combien de salles de bains, de saunas et de piscines couvertes ils vont installer dans leurs yachts, d’autres farfouillent dans les tas d’ordure qui submergent les banlieues des mégapoles pour trouver de quoi subsister. On peut rêver mieux en matière d’égalité sociale…
4 Comments so far...
Lavande Says:
12 mars 2013 at 16:06.
Pauvres Erich et Zenzl : la proximité entre l’hommage que tu leur rendais et le billet d’aujourd’hui nous dit dans quel abîme leurs espérances sont tombées.
Paul Says:
12 mars 2013 at 17:05.
@ Lavande – A vrai dire l’enchainement de ces chroniques n’est pas dû qu’au hasard. A la fin du XIXème siècle, beaucoup de militants révolutionnaires pensaient que la situation allait changer rapidement. Au début du XXème siècle, l’enthousiasme s’était un peu calmé, mais je pense que ni les uns, ni les autres, n’avaient vraiment prédit une telle évolution de la situation économique.
Phiphi Says:
12 mars 2013 at 19:54.
Tout n’est pas perdu.
En Chine, dans les divers parlements, sur 5OOO et quelque membres, il y a 87 milliardaires….
Paul Says:
13 mars 2013 at 08:32.
@ Phiphi – Super content de voir que tu veilles, dans l’ombre, à ce que je ne dise pas trop de conneries ! Courageux en plus quand on connait les rigueurs climatiques que tu affrontes !