9 octobre 2008
C’est la crise mon quiqui…
Posté par Paul dans la catégorie : Humeur du jour; Vive la Politique .
Pas la crise de foie, certes non, mais la crise de la foi pour une partie (encore bien réduite) de ceux qui avaient élevé le dogme néolibéral (chez les vieux on dit « capitalisme ») au rang de credo et qui considéraient la mondialisation économique (chez les vieux on dit « capitalisme ») comme un avenir paradisiaque et incontournable pour l’humanité. Vous allez me dire que ce n’est pas nouveau et que ça fait un moment que c’est la crise pour les paysans du Bangladesh, les enfants qui commettent l’erreur de ne pas naître au bon endroit, ou les gars et les filles qui font la manche au coin de la rue de nos beaux quartiers. Pour un Africain qui n’a plus, depuis pas mal de temps déjà, les moyens d’acheter des aliments de base, ou pour un Mexicain qui n’a pas d’autre alternative que d’aller mendier un travail sous payé dans les plantations de Californie, il est probable que la situation plus qu’aléatoire de la finance internationale n’aura qu’un effet limité sur leur espérance vie qui est déjà au niveau du plancher.
La semi-nouveauté cette fois (semi-nouveauté car ce n’est pas la première crise du capitalisme, même si celle-ci semble être d’une ampleur nettement plus conséquente) c’est qu’il va falloir tondre des moutons à qui l’on avait déjà enlevé pas mal de laine… Il est d’ores et déjà évident que le peu de toison qu’il leur reste sur le dos ne sera sans doute pas suffisant. C’est une expérience intéressante par ailleurs, car on va pouvoir juger si l’homme est vraiment supérieur à son cousin ovidé, et s’il se met à bêler lorsque la tondeuse enlève la peau avec le restant de la laine… Pour l’instant, pour éviter tout risque de mouvements désordonnés dans le troupeau, nos dirigeants en sont à la phase « anesthésie générale ». Le problème, c’est que ces mêmes dirigeants, réduits pendant des années au rôle de laquais au service des multinationales, ne sont guère habitués à pratiquer des soins d’une telle ampleur et qu’ils le font à toute vitesse et avec pas mal de maladresse. Il semble que les gesticulations de notre petit timonier ou les grimaces de notre grande argentière ne soient pas très efficaces sur le plan thérapeutique. On insiste donc lourdement dans les médias sur le cynisme des grands patrons qui quittent leur navire après l’avoir laissé se briser dans la tempête, ou sur les agapes des cadres d’une grande compagnie d’assurance américaine qui se goinfrent grâce aux fonds publics… On invite des experts à la petite semaine qui n’ont rien à dire et rien à proposer car eux sont suffisamment malins pour se rendre compte qu’un emplâtre sur une jambe de bois ça ne servira à rien, mais pas assez pour sortir du moule économique dans lequel ils ont été formés. Ce n’est pas à ces gens là que l’on peut demander comment sortir d’un modèle financier, vanté depuis des décennies, et considéré comme le seul choix possible. On sait pourtant que la recherche de profits monstrueux à n’importe quel prix et dans les délais les plus brefs, est totalement inconciliable avec l’équilibre des écosystèmes de notre planète et le désir légitime d’une qualité de vie correcte pour l’ensemble des êtres humains. On sait parfaitement, même si on le cache, que l’on va droit dans le mur, si on continue à obéir à ces sinistres individus. A titre indicatif, les deux candidats dits « sérieux » aux élections US, ont fait part, chacun à leur tour, de l’intérêt qu’ils portent à la nomination comme ministre des finances du milliardaire Warren Buffet, un bonhomme qui a tiré profit de l’avant-crise boursière, de la crise elle-même, et qui pourra ainsi assurer la survie de son matelas de dollars… Ce « super financier » est l’icône vénérée par toute la génération actuelle des « golden boys »… Sans commentaires !
Le contraste est saisissant entre la qualité des informations que l’on peut trouver sur le web actuellement (à condition de trier un peu bien sûr, mais il y a des sources que l’on peut considérer comme fiables !) et le niveau de ce qui est donné en pâture aux ruminants du vingt heures. Certes, il faut faire l’effort de lire, mais le problème est suffisamment complexe et nous concerne suffisamment pour que cette démarche soit nécessaire. La plupart des liens figurant dans la rubrique « infos alternatives » de ce blog proposent des analyses intéressantes. Certaines ne sont que partielles ; d’autres sont sans doute exagérément alarmistes ; toutes ont le mérite d’être intelligentes. Allez faire un tour, par exemple, sur la page d’accueil du site « contre info » et donnez un coup d’œil aux infos figurant dans l’encadré « revue de presse sur la crise ». Ce n’est pas une quelconque propagande marxiste que vous lirez, mais un travail remarquable de collecte de données dans les titres de la presse économique de différents pays. Regardez les chiffres, observez les graphiques, vous ne serez pas déçus. Vous comprendrez aussi que l’on ne peut que rigoler lorsque le clown sinistre présentant le JT d’Antenne 2 compare la baisse de taux des banques centrales à l’emploi d’une bombe atomique pour sortir rapidement d’une situation critique… C’est d’ailleurs amusant de voir la manière dont ces pauvres journaleux sont obligés de tortiller pour évoluer entre leur goût pour le sensationnel et l’obligation morale dans laquelle ils semblent placés de ne pas affoler le chaland. Mettez vous à leur place ! Comment faire pour annoncer le risque de faillite qui menace l’état islandais, considéré comme un pays riche en Europe jusqu’à présent, et le fait que, comme de bien entendu, la France éternelle ne risque presque rien… Notez bien le « presque » qui a fait son apparition cette semaine. Apparemment, il y a une fissure dans la ligne bleue des Vosges : attendez-vous au pire… Toujours sur « contre-info » le cheminement d’un scénario catastrophe est décrypté par Martin Wolf (éditorialiste au Financial Times, qui n’est pas publié par la LCR !). C’est un peu complexe à lire, mais solidement étayé… On est loin du bac à sable de la télévision publique française.
Alors, me direz-vous, quelle posture adopter ? Dans le système actuel, je n’en vois guère malheureusement, à part essayer de réduire un peu sa dépendance à l’égard de la consommation (certains ont ce choix encore, mais je sais bien que pour d’autres ce n’est plus une question de choix). Par contre, et ça cela fait des années que j’en suis convaincu, il y a d’autres orientations économiques et politiques possibles que celles qui nous ont été imposées depuis un bon siècle. Communisme et Socialisme ne se résument pas aux caricatures qui nous en ont été proposées par les descendants de tonton Karl. Beaucoup de pistes restent à explorer, certaines n’ayant jamais été qu’ébauchées, ou suivies pendant des délais trop brefs. Il y a simplement un immense travail de réflexion et de construction à faire ; certains chercheurs, relativement marginaux malheureusement, s’y sont déjà attelés et je pense qu’il est temps que ce noyau s’élargisse au plus grand nombre (en espérant que cela empêchera la venue de leaders charismatiques incontournables dont il faudra bien un jour apprendre à nous passer). Tant que nous attendrons le salut d’un Dominique Strauss Kahn, d’un Tony Blair ou d’un François Hollande, nous risquons de nous enfoncer salement dans notre bourbier. L’avenir est à construire et c’est urgent ! Dans ce nouveau concept à définir, il faudra intégrer le devenir de notre planète mais aussi la possibilité pour chaque être humain de pouvoir profiter au mieux de sa brève existence. Je sais que c’est totalement utopique, mais, jusqu’à présent, seules les utopies ont permis à l’humanité de progresser. Si vous ne me suivez pas dans cette voie, il vous reste une autre issue possible : lisez l’excellent texte de Normand Baillargeon (j’apprécie beaucoup les écrits de cet universitaire québecois – libertaire de surcroît) dans le dernier « Siné Hebdo ». Je me permets d’en citer un extrait en guise de conclusion : « 44 % des Américains croient, comme Sarah Palin, que d’ici cinquante ans le petit Jésus va revenir juger les vivants et les morts. Or, comme les prophéties bibliques disent que son retour doit être précédé de nombreuses et gravissimes calamités, il s’ensuit que le réchauffement planétaire, les guerres, les catastrophes naturelles, les épidémies sont en fait d’excellentes nouvelles. » Comme quoi, je vous le disais, « moutons, moutons ! ». On reparlera de Normand Baillargeon sous peu.
NDLR : un complément aux liens proposés dans ce billet. Si vous êtes allergiques à la lecture d’articles longs et peu perméables aux informations économiques, vous pouvez donner un coup d’œil sur l’excellente petite vidéo qui figure à cette adresse (ça s’appelle « l’argent dette »). C’est bien fait car très pédagogique et si ça n’explique pas les mécanismes plus que complexes des manipulations financières, ça vous permettra de connaître un peu mieux l’historique des banques et le fonctionnement de l’argent (tout ce que vous n’avez pas écouté en cours d’éco ou d’histoire géo au lycée !). Une deuxième fois n’est pas coutume, ce billet est dédié à mon pote Phiphi qui vient de se faire sucrer le RMI… Quant aux illustrations elles m’ont été gracieusement fournies par « l’assiette au beurre ».
3 Comments so far...
Paul Says:
9 octobre 2008 at 17:43.
J’aime bien ce texte là aussi sur « le monolecte ». Voici le lien : http://blog.monolecte.fr/post/2008/10/09/Ceci-n-est-pas-une-crise
Paul Says:
10 octobre 2008 at 09:45.
J’hallucine : le culot de ces gens est sans limites !!!!!!
« La crise financière montre qu’en matière de retraites, le système par répartition est « beaucoup plus sûr » que la capitalisation, qui est fondée sur des placements financiers très « instables », déclare l’économiste de l’OFCE Henri Sterdyniak vendredi, dans un entretien à l’Humanité. »
Phiphi Says:
10 octobre 2008 at 13:27.
Merci Paul 😉